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Citations sur Le soleil des morts (32)

Il ne faut plus songer à la nuit, ni à ses rêves décevants, où rien n’est d’ici-bas. La nuit prochaine, ils reviendront. Le matin arrache les rêves. Voici, là, en dessous, la vérité nue. Salue d’une prière le matin qui découvre l’horizon !…
L’horizon, il ne faut pas le contempler. Il est trompeur comme les rêves. Il attire et ne donne rien. Il est bourré de bleu, de vert, de doré ; mais il ne nous faut pas de féerie ; elle est là, sous tes pieds, la vérité…
Je sais que les vignes, sous le Castelle, n’ont pas de raisin ; je sais que les blanches petites maisons sont vides, et que, sur les pentes boisées, sont éparpillées des vies humaines… Je sais que la terre est imbibée de sang, que le vin sera âcre et ne donnera pas le joyeux oubli. La muraille grise de la Kouchekaïa, que l’on voit de si loin, a enregistré des choses horribles. Le temps venu, on les déchiffrera… Je ne veux plus regarder l’horizon.

(p. 20-21)
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Près de la mer, tel un bébé, le mont Castelle, forteresse dominant des vignobles à l’ample renommée. Il y a là du sauternes doré – sang clair de la montagne – et du bordeaux épais, qui sent le maroquin, le pruneau, et le soleil de Crimée – sang noir. Le Castelle veille sur ses vignes, les garde du froid, les réchauffe de sa chaleur pendant la nuit. Noir en bas, tout couvert de forêts, il est maintenant coiffé d’un bonnet rose.

(p. 19)
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Je ne sais pas quelle est la capacité de travail des abattoirs de Chicago. Ici la chose était plus simple. On tuait et enterrait ; ou tout simplement, on remplissait les gorges de cadavres ; ou encore, plus simplement, on les jetait à la mer. Cela, de par la volonté des gens qui avaient découvert le secret de rendre heureux le genre humain. Il fallait, pour cela, commencer par les abattoirs humains.
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Dès qu’on ouvre la porte, sur vos yeux qui clignent, sur votre figure fripée, s’élance la fraîcheur nocturne des forêts et des vallons montagneux, percée par le soleil, imprégnée de la saveur amère, spéciale à la Crimée, infusée dans les replis sylvestres, exhalée des prairies de l’Iaïla. Ce sont les dernières vagues du vent de nuit ; bientôt le vent soufflera de la mer.
Bonjour, cher matin !
Sur la pente de la combe en forme d’auge, où se trouve la vigne, il y a encore de l’ombre et il fait frais ; mais, en face, le versant argileux est déjà d’un rose rouge, tel du cuivre neuf, et les cimes des jeunes poiriers, par-delà la vigne, semblent mouillées d’un lustre incarnat.

(p. 19)
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Je ne sais quelle est la capacité de travail des abattoirs de Chicago. Ici la chose était plus simple. On tuait et enterrait ; ou, tout simplement, on remplissait les gorges de cadavres ; ou, encore plus simplement, on les jetait à la mer. Cela, de par la volonté des gens qui avaient découvert le secret de rendre heureux le genre humain. Il fallait, pour cela, commencer par des abattoirs humains.

(p. 52)
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Son pis rentré est devenu gris ; les trayons sont secs et ridés. Les mains du maître n’en tireront rien aujourd’hui.
– Va-t-en donc… il n’y a rien !…
Elle ne le croit pas. Elle connaît le grand pouvoir de l’homme et ne peut comprendre pourquoi son maître ne la nourrit plus…
Moi non plus, je ne peux pas le comprendre, Tamarka !… Je ne puis comprendre pour qui et pourquoi il a fallu tout transformer en un désert, tout faire baigner dans le sang !… Il n’y a pas encore longtemps, t’en souviens-tu ? Chacun pouvait te donner un morceau de pain odorant, semé de sel ; chacun voulait toucher ton mufle chaud, chacun se réjouissait de ton pis, contenant un seau. (…)
Je vois des larmes dans ses yeux vitreux, des larmes muettes. Sa bave famélique pend vers la ronce qu’elle a broutée. Elle détourne avec effort ses yeux du maïs, s’éloigne de la porte, et… regarde la mer. La mer bleue et vide, elle la connaît bien. Bleue et vide ! De l’eau et des rochers.

(p. 30-31)
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Je le connais ce faux sourire des lointains… Approchez, et vous verrez ! C’est le soleil qui rit ; rien de plus ! Il rit même dans les yeux des morts. Ce n’est pas là un calme heureux ; c’est le calme mort d’un cimetière ; sous chaque toit, il n’est qu’une seule et même pensée : du pain !
Et la maison, près de l’église, n’est plus le presbytère : c’est un caveau de prison… Sur le seuil ne se trouve plus le gardien de l’église ; il s’y trouve un gaillard à mufle idiot, l’étoile rouge au bonnet, qui garde les caveaux, et braille :
– Eh là !… Du large !
Et le soleil joue sur sa baïonnette.

(p. 29)
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Assis au seuil de ma masure, je contemple la mer ; c’est calme, il fait chaud ; la toile d’araignée tendue entre le cèdre et le cyprès ne bouge pas. Je peux rester des heures assis sans penser ; il se fait dans ma tête des bruits de cloches, des hurlements – le bruit de la faim ?…Je vois de mes yeux intérieurs des lambeaux rouges…rappels des horreurs de la vie…

Mais voilà que prélude un son tendre et délicat…Attentivement saisi, il en entraîna un autre, puis un autre, et, dans la somnolence qui m’envahit, ces bruits couvriront tous les bourdonnements ; et j’entendrai tout un orchestre…Je sais maintenant la musique des songes qui n’en sont pas, et je comprends « les voix paradisiaques » des ermites, les instruments célestes dont jouent les anges…C’est le chant d’une harmonie inconnue…
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Les amandiers fleurissent. Les arbres sont nus dans une gaze rose et blanche. À l’ombre, sous les thuyas, les perce-neige fleurissent. Ils semblent en porcelaine blanche. Dans les herbes, les crocus dorés se regardent, tous nés en même temps. Sous les arbustes, où il fait plus chaud, les violettes commencent à em-baumer. Est-ce le printemps ? Oui, le printemps arrive. Le merle noir commence à siffler. Le voici, dans le terrain vague, perché à la cime du vieux poirier. Tel un charbon, il se détache nettement sur le ciel clair. Comme son bec brille au soleil cou-chant ! Comme son gosier roule ! Il aime à siffler tout seul. Tourné vers la mer, il siffle à la mer, il siffle aux vignes, et au lointain. Les soirées de printemps sont calmes, mélancoliques ; il siffle mélancoliquement. Les arbres, dans leur gaze blanche, l’écoutent, songeurs. Il siffle vers la montagne – au soleil. Il siffle au terrain vague, à nous, à notre maisonnette, quelque chose de mélancolique, si tendre. C’est le désert, ici, chez nous ; personne ne le dérangera.
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Je regarde du côté de la ville. Ni étincelles, ni feu. Un abîme noir. Mais qu’est-ce donc là-bas, plus haut, vers la mer ? Un incendie ! Une colonne noire et rose s’élève…Un incendie ! Mais, peut-être, l’obscurité de la nuit me trompe-t-elle et est-ce plus près, pas sur le port ? Ne serait-ce pas à la villa Maser chez le menuisier Odariouk, un brasier dans le jar-din ? La colonne s’élargit, s’agrandit. Langues de flammes et gros flocons de fumée noire. C’est un incendie. Un incendie ! La tourelle de la colline rouge est éclairée ; on en voit l’oeil-de-boeuf. Le réseau noir des amandiers est transparent. Détaché des ténèbres, un cyprès, tel un cierge rouge, se balance et rutile. Un incendie dans les amandaies ? Sur les flammes se découpe le toit noir d’Odariouk. Je cours en avant du portail sur le petit terre-plein où sont quelques arbustes. Au loin, sous mes pieds, les maisons, proches de la ville, sont colorées de rose, et le cierge-minaret, rose, se dresse au milieu d’elles. Sur la mer s’étale le large reflet du brasier. Le port lui-même sort de l’obscurité. On voit l’amandaie comme en plein jour, branches et cimes ardentes. Une flamme se déchire, s’élance vers la mer. Le vent fait rage. Quel incendie…Seigneur ! La villa Dakhnov brûle !
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