Pavle,
Il a dû te falloir bien du courage pour m'écrire cette lettre. Et il m'en faudrait à moi aussi pour pouvoir vraiment te répondre. Mais ce courage-là me manque, pour l'instant, et c'est tout ce que je peux dire.
Chacun agit comme il peut pour vivre et s'arranger, et sans doute avons-nous fait de notre mieux jusqu'à aujourd'hui.
...durant la période ottomane, la musique a été interdite en Serbie et on crevait les yeux de ceux qui continuaient à la pratiquer. Dans le même temps, le Kolo a commencé à se répandre dans les campagnes. Le Kolo, c'est une danse silencieuse.
Dehors, je n'ai pas eu froid. Et de ça je suis sûr. As-tu remarqué que dès que l'on est heureux d'être quelque part, le froid nous fait moins mal ?
(...) tu te souviendras comme les livres aident parfois à regarder le monde tel qu'il est et à s'approcher au plus près des hommes.
Ce n'est pas à ce moment-là que j'aurais eu besoin de nos livres. Le mal était fait, tu comprends, Jovan. C'est avant que j'aurais eu besoin d'eux pour m'éviter de perdre la tête.
Pourquoi nous nous écrivons. Je t'ai déjà répondu, Jovan. Je voudrais qu'un jour tu recommences à me manquer.
Je vais aller m’asseoir au bord de la rivière et vous serrer dans mes bras, toi autant que Branimir. Je vais regarder passer l’eau et attendre. Demain je mettrai en marche ma scie à ruban et je regarderai les planches défiler. Le soir j’irai boire avec Herman, le contremaître. Je boirai comme un cochon et tous les deux nous aurons les larmes aux yeux. Un jour, toi et Branimir me manquerez à nouveau.
Un jour je t’écrirai.
a-t-on besoin de savoir comment colmater une coque quand le bateau a déjà coulé.
"Chacun agit comme il peut pour vivre et s'arranger, et sans doute avons-nous fait de notre mieux jusqu'à aujourd'hui".