Véronique Chouraqui a soutenu à Montpellier, en 2012, une thèse de doctorat en Histoire du droit et des institutions. Lors de ses recherches aux archives départementales de l'Hérault, elle est tombée sur une cote L. 6931 qui contient une histoire singulière dont elle a décidé de faire un roman.
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D'un Rouge Incomparable" met en scène tout un petit peuple de Montpellier : une teinturière (Élisabeth Coste) qui se voit confier une enfant abandonnée, qu'elle adopte, un prêtre réfractaire banni par la Révolution, un boulanger, qui veut faire des biscuits de farine mêlée de poudre de fécule de pomme de terre séchée pour vaincre la disette, un vieux révolutionnaire, qui élève ses filles dans l'admiration d'Olympe de Gouges, un garde national, ambitieux, volage et cynique, des domestiques qui veulent s'instruire des temps nouveaux et une palette d'hommes de loi : juge de paix, greffier, substitut, procureur...emportés par le tourbillon de la Révolution et de la Terreur.
Mise en scène vivante de ce monde méridional, secoué par les idées nouvelles, mais aussi bien ancré dans ses préjugés et sa résistance au changement, avec une intrigue sentimentale à faire pleurer Margot, qui court tout au long du roman, pour faire tourner les pages et les coeurs.
Le plus réussi est la mise ne situation de la juridiction du juge de paix, créée par la fameuse loi des 16-24 août 1790. Un juge à tout faire : du civil, du pénal. Il instruit toutes les affaires, il juge celles relevant du tribunal de police correctionnelle, il mêle police et justice. Juge élu, mais facile à épurer, en ces temps troublés, si ses ardeurs révolutionnaires faiblissent, ou si un concurrent convoite la place. Les beaux principes gravés au frontons des Constitutions connaissent quelques avanies à l'usage : ainsi de la prétendue séparation des pouvoirs !
Un procès criminel clôture le roman. Funeste justice que celle de la loi des suspects et de l'an II!. Des manuels d'histoire du droit rapportent un jugement du 4 floréal an II, par le tribunal révolutionnaire établi à Arras, de ci-devant nobles "qui ont appris et conservé très soigneusement un perroquet qui répétait : vive l'empereur, vive le roi, vivent les prêtres et vivent les nobles." La guillotine a mis fin à ce scandale !
Véronique Chouraqui a trouvé dans les archives une jurisprudence de la même eau, tout aussi consternante. On laissera le lecteur en découvrir la teneur, qui clôt le récit avec force.
Les étudiant en droit y liront une vivante évocation de l'organisation de la justice sous la Révolution. Les amateurs de romans historiques et sentimentaux y trouveront une bonne raison de se détourner des séries et feuilletons de nos écrans addictifs, et de donner sa chance à un premier roman.
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