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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
[Lu dans le cadre du Grand Prix des lectrices de Elle 2024]

À la fin du premier chapitre dans lequel un veau raconte sa naissance, à la première personne, je me suis dit que ça allait être long… J'ai eu beaucoup de difficultés à rentrer dans cet univers qui sonne faux pour moi. Je ne pense évidemment pas aux animaux qui parlent, c'est une donnée à intégrer et à accepter dès le début, bien sûr. Non, je pense plutôt à des éléments qui, à mon avis, viennent décrédibiliser cette prise de parole. Ainsi, l'homme, la femme et les enfants sont reconnus comme tels par le veau avant même sa naissance, mais le chien reste « la bête à la queue battante ». le veau ne l'identifiera qu'après que le fermier l'aura nommée. Les autres veaux sont « d'autres moi »… Au « Je » du veau succèderont celui de la chienne, puis celui du chat. Agnès de Clairville nous emmène dans une ferme et nous fait voir les humains par les yeux des animaux : l'homme, taiseux et toujours au travail ; la femme, qui était partie et qui revient avec un bébé ; le petit garçon, qu'on devine sournois ; la mère de la femme, qui est venue aider.
***
Il m'a fallu une soixantaine de pages pour me laisser porter et par l'histoire et par le style pendant un temps. Ensuite, j'ai déchanté parce je trouvais le procédé trop artificiel : il perd de son intérêt. Mais c'est la société paysanne misérabiliste donnée à voir ici qui m'a surtout déplu : on tombe parfois dans la caricature. L'autrice a divisé son texte en dix parties. Dans chacune des dix parties, les mêmes narrateurs se succèdent: la vache pie noir, la chienne épagneule, le chat tigré. Une pie s'ajoutera bientôt à eux. Tous racontent la vie à la ferme, l'abrutissement au travail, le manque de communication du couple, les rares sorties, les enfants qui grandissent, les différences entre eux qui s'accentuent, la maltraitance indicible de l'aîné envers le cadet, l'indifférence, voire le mépris du père envers cet enfant qu'il ne comprend pas, le désespoir de la mère et les ignominies dont les animaux, seuls, paraissent conscients, Bien que ce Corps de ferme m'ait déçue, je lirai sans doute le prochain roman de cette autrice pour sa volonté d'originalité.
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Quand je vois dans une pub un agriculteur bien propret caresser tendrement le flanc de son unique vache, je ris jaune. Non en fait : face à tant d'hypocrisie, j'ai envie de mordre, et pas dans un steak.
C'est pas ça, la campagne, pas du tout.
En revanche, dans ce récit d'Agnès de Clairville, il y a tout : l'animalité (des bêtes & de ceux qui s'en occupent pour les exploiter et/ou les tuer), et les odeurs qui l'accompagnent. La rudesse des gestes, des voix, des mots, des actes humains. La violence, même - pas forcément sadique, mais bel et bien présente.
Et pour tous : la naissance, la faim, le sexe (rarement choisi par la femelle), les inséminations, l'effort, la souffrance, la sueur, le lait, le sang, la mort.
La campagne, c'est pas bucolique ; c'est cru, ça crie, ça suinte, c'est sale, ça pue.
A la ferme et autour, règne la loi du plus fort, selon une hiérarchie construite socialement - l'homme en haut, le plus souvent, qui a domestiqué 'ses' animaux ("A la ferme, les animaux doivent servir"), et qui chasse ceux restés sauvages. Un cran sous l'homme, la femme. Après : l'enfant, qu'on n'a pas le temps d'écouter. Faut pas être trop tendre avec les gosses, ça les rend faibles.
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Dans ce récit original et exigeant, Agnès de Clairville donne la parole aux animaux, mais pas à la façon d'Orwell. Une vache, un chat, un chien, une pie décrivent le travail des "maîtres", leurs tâches du quotidien, les longues journées de labeur et leur fatigue, l'inquiétude, la tristesse. Ils évoquent aussi leur propre existence, pas si paisible ni passive qu'il n'y paraît : la survie est un effort constant pour les animaux sauvages, et les bêtes de la ferme sont exploitées.
Le regard de ces quatre animaux est sensible, notamment sur la maternité et l'instinct de protection à l'égard des petits, instinct aussi fort chez la femelle que chez la femme (d'ailleurs, est-ce que ?.....). Leur sensibilité apparaît également dans des manifestations de solidarité entre pairs, dans l'homosensualité, et dans les relations de tendresse avec certains humains (le chien, surtout ♥, et le chat, plus discrètement).
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Bref, ces animaux ne sont ni bêtes ni méchants - pas plus que le maître d'ailleurs, même s'il sépare les veaux de leur mère dès la naissance ('Les produits laitiers sont nos amis pour la vie' ♪♫), même s'il ne se soucie guère d'affamer le chat, au contraire "il nous débarrassera mieux des rats", même s'il flingue lièvres, faisans, chevreuils...
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Cet ouvrage a plein de qualités, et j'aurais aimé l'apprécier sans réserves, comme le précédent roman de l'auteure 'La poupée qui fait oui'. Hélas, la lecture en est fastidieuse, car la narration change et il faut être très concentré pour se mettre tour à tour dans la peau d'une vache, d'un chien, et surtout d'un chat et d'une pie. J'avais beaucoup de mal à suivre ces deux derniers, à m'intéresser à leurs voix.
De plus, les éléments sont parfois redondants, car narrés par plusieurs observateurs... ou à l'inverse, énigmatiques si les fragments d'informations donnés sont difficiles à recouper.
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Bref, l'idée est géniale, et les thèmes développés m'intéressent (même si la barque est chargée), mais le livre n'est hélas pas agréable à lire, à cause de la narration et parce qu'il décrit un univers que je n'aime pas : la campagne et les agriculteurs, tels que je les ai connus dans les 70's-80's, guidés en outre par une religion liberticide.
Le cadre est un peu plus récent, ici, puisque "le maître" utilise un logiciel dès le début, et l'histoire se déroule sur une vingtaine d'années.
Je n'ai pas compris la fin, et ça, c'est frustrant, après avoir autant peiné pour aller jusqu'au bout.
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Dans le silence et l'indifférence, un monde meurt, avec les animaux pour spectateurs.

Il y a des livres qui sont terriblement d'actualité, à l'image de Corps de ferme, le deuxième roman d'Agnès de Clairville. Une plongée au coeur d'une exploitation agricole du XXIe siècle, théâtre d'un drame quotidien que personne ne veut voir, ni même raconter. Sauf les bêtes…

Il suffit d'allumer la télévision, de s'interroger sur ces panneaux retournés à l'entrée de nos villes ou de s'intéresser aux entrefilets nécrologiques des hebdomadaires locaux pour saisir toute la détresse de ces familles qui s'enfoncent dans un modèle ancestral et répétitif, sans pouvoir le changer.

Derrière ce modèle agricole en perdition, les drames humains se nouent : le père et ses angoisses, les deux garçons au destin forcément tracé, la mère désespérément seule face à sa détresse et ses absences de solutions dans un patriarcat où seuls ses bras et son ventre ont leur place.

Un point commun à tous : le silence et l'isolement ; celui des taiseux ; ceux qui privilégient l'action et la décision aux explications. Jusqu'à ce que le drame survienne et les dépasse.

Dans un tempo volontairement lent, rythmé par les impératifs répétitifs du travail de la ferme, Agnès de Clairville, prend le temps d'installer ses personnages et de faire monter la tension de ce mur qu'on voit inévitablement arriver.

Son thème et son traitement des personnages sont à la vie agricole ce que Ponthus fut à la condition ouvrière : un cri contre la fatalité et l'invisibilisation des difficultés de ceux qu'on aime pourtant tant glorifier dans l'image d'Epinal qui nous arrange.

Et pour vaincre le silence, Agnes de Clairville fait parler les témoins du drame : vache, chat, pie, chienne… et porcs. Car des bêtes aux hommes, il y a si peu de différences, notamment dans le rapport à la maternité.

Et c'est là que s'est située ma limite. Car si j'ai beaucoup apprécié le fond thématique du livre, j'ai clairement bloqué sur le procédé narratif consistant à faire parler les animaux, avec forcément une barrière grandissante au fil des pages pour pleinement les apprécier.

Un blocage très personnel pour un procédé dont je ne doute pas qu'il séduira la majorité des lecteurs du livre et qui ne m'empêchera pas de retourner vers les prochaines parutions d'une auteure qui a manifestement encore beaucoup de choses à dire.
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« Les corps de ferme » ne sont pas les bâtiments de la ferme, mais les corps en chair et en os de ses occupants, humains et animaux. L'idée de faire parler les animaux, vache, chien, chat, pie… est assez originale et le début où il est question de « piscine » est assez déroutant car il faut quelques pages pour saisir le parti pris de l'autrice ! Mais, hélas, l'exercice est difficile et les témoignages successifs sont bougrement humains et on ne parvient pas longtemps à conserver l'idée que c'est tel ou tel animal qui s'exprime, d'autant plus qu'ils perçoivent le langage humain et le rapportent ! Une certaine lassitude s'installe, le langage humain s'imposant finalement, on perd le fil, on ne sait plus quel animal s'exprime. Une belle tentative pou un résultat un peu décevant.
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La vie quotidienne d'une ferme, comme il y en a encore beaucoup dans notre pays. Sur une génération : pas une génération humaine, non, une génération d'animal domestique. La répétition des tâches, les difficultés économiques, les normes sanitaires à respecter, les maladies affectant le cheptel.
Pas le temps de se complaire à l'introspection. Chacun fait face en silence et sans se plaindre. Ici, on trime.
Même les bêtes doivent produire lait et viande, chasser correctement, sinon ….
C'est l'histoire d'une famille de taiseux où surgissent des drames que l'on cache: grossesses non désirées, violences sexuelles, difficultés de la transmission.
C'est une histoire écrite du seul point de vue des animaux, domestiques à l'exception d'une pie ; une vache, une chienne: femelle, à l'exception d'un chat et qui « parlent »à la première personne.
Dans un langage descriptif qui nous immerge dans les bruits, odeurs d'une réalité brutale : la vie et
la mort, la maternité et la filiation, la violence.
Où humanité et animalité se rejoignent. Entre une mise-bas à l'étable et un accouchement dans la maison, les similitudes peuvent faire frissonner.
Comme le rapporte le chat tigré : « le fermier fait la grimace. Elle l'écoeure. Faut arrêter les gosses, on va pas s'en sortir. Avec les terres, le partage c'est toujours un problème. Ma mère, elle s'est débrouillée. Un seul gamin, c'est ça qu'il faut dans l'agriculture. T'as qu'à faire comme elle. » :
Vaches, femme, même lutte ?
C'est un livre non sans qualité et l'on sent que l'auteur connaît ce monde paysan .Mais qui, avec les lieux communs de notre temps, malgré le dispositif et à l'exception des porcelets et des truies qui ne parlent pas seuls mais en choeur, manque un peu de souffle.
Dommage, car si humains et animaux communiquent, seuls les humains utilisent la parole ; transformant souvent leur vie en Tragédie. Tragique peu sensible ici, les animaux, ayant, eux, des propos purement factuels.
Dommage !
Nous sommes loin de « Règne animal » de Jean-Baptiste del Amo
Livre pour citadins, nés de citadins qui aiment être émus, de leur temps.
C'est aussi une histoire lu par un lecteur un peu égaré, qui a vécu une grande partie de sa vie dans une société, certes parfois trop présente, où l'écrivain paraissait en solitaire .Lecteur qui peu à peu est immergé dans une société d'individualistes où l'écrivain travaille en « atelier d'écritures, atelier de lecture, sur des sujets choisis peut-être après sondage d'opinion.
Dommage ?
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J'étais vraiment très enthousiaste à l'idée de me plonger dans la tête des animaux de la ferme ! J'ai trouvé le résultat ingénieux mais pas du tout maîtrisé à l'inverse de Je chante et la montagne danse de l'autrice catalane Irene Solà qui donne une voix à un orage et quelques animaux de la montagne par exemple. 

J'aurais aimé ressentir une vraie différence de langage, voire même des façons de penser très marquées. Dans Corps de ferme, on est plutôt face à des légères différences de personnalité, un chat un peu sadique qui veut manger un bébé, une chienne protectrice un peu simplette…

J'ai aussi globalement trouvé assez caricatural beaucoup d'éléments du récit qui ne sont pas que liés aux animaux et ont perdu petit à petit mon intérêt, même si évidemment je comprends la détresse et la solitude que provoquent le quotidien répétitif, les modèles archaïques liés aux statuts sociaux, que les fermiers n'arrivent pas à faire évoluer. Je comprends qu'elle ancre la misogynie, la volonté de ne pas voir, l'isolement, la fatalité… 

Corps de ferme m'a très vite mis dans un état un peu nauséeux et de déprime.
Certaines métaphores qui sont alloués aux quotidiens et interrogations des animaux pour témoigner d'une réalité parfois assommante et subversive sur notamment la maternité et la condition de la femme peuvent être très crues. Je reste encore très perturbée par le viol d'une vache, décrit avec un détachement consternant. 

J'y vois beaucoup de qualité mais ça n'a pas été une lecture plaisante. Trop déprimante et je trouve pas assez maîtrisée dans l'effet de style voulu.

** Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices 2024 - Lauréat février, catégorie " Roman "
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