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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Corps de ferme ou corps de femme ? Après un premier roman sur les silences familiaux autour des violences sexuelles, Agnès de Clairville, ingénieur agronome de formation, poursuit sur la voie de l'indignation avec l'ingrate condition paysanne. Les seuls témoins de son huis clos silencieux étant les animaux de la ferme, c'est à eux, vache, chien, chat, oiseau, qu'elle laisse le soin de la narration.


Invisible aux yeux de tous, même de ses acteurs principaux aveuglés par leur quotidien, une tragédie se joue depuis des années dans le monde clos de cette petite exploitation agricole. Seules les bêtes, comme le choeur d'une tragédie grecque, ont tout loisir d'en ressentir instinctivement les tensions et d'en observer les manifestations. C'est la pluralité de leurs voix et de leurs points de vue, exprimés à la première personne du singulier dans un langage viscéralement descriptif qui nous immerge, loin de toute sentimentalité anthropomorphique, dans la réalité sensorielle, ses bruits, ses odeurs, la chair et le sang de cet univers, qui permet peu à peu au lecteur de se construire une idée globale de la situation.


Il faut dire qu'entre aléas divers et implacable pression des factures, le quotidien au sein de cette ferme n'est pas seulement harassant du petit matin au coucher du soleil. La pression est écrasante, qui risque à tout moment de mettre cette famille sur la paille, aussi frugale et dure à la tâche que soit leur existence. L'on n'a donc pas le temps de se complaire aux sentiments et à l'introspection. Chacun fait face en silence et sans se plaindre, le père tout en rudesse et coups de gueule, les deux fils dans la rivalité de leurs conflits croissants, et la mère dans la résignation fatiguée qui alourdit chaque jour un peu plus son pas et ses mouvements.


Pourtant, tapi au plus secret du corps de ferme, le drame qui attend son heure finira bien, sordide mais si humain, par se déclarer au grand jour. Pari gagnant, l'audacieux parti-pris narratif permet à l'auteur d'aborder très naturellement l'impensable, dans une réalité brutale et nue, simplement factuelle et terriblement douce-amère, qui interroge notre rapport à la vie et à la mort, à la maternité et à la filiation, à la violence et à la domination des plus faibles.


Une réussite que ce second roman construit selon une perspective des plus originales et qui permet à l'auteur d'aborder avec sensibilité et pudeur un sujet qui ne s'y prêtait a priori pas aisément.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Nous suivons, dans ce roman, la vie d'une famille d'agriculteurs pendant une quinzaine d'années : le père, la mère et les deux fils. Mais les narrateurs sont les animaux qui les côtoient : une vache, une chienne de chasse, un chat et une pie. Toute la vie de la ferme est racontée du seul point de vue des animaux, sans rien cacher de la violence, de l'âpreté du métier, de l'épuisement des parents, de l'endettement, de la transmission de l'exploitation. le thème central, commun aux femelles et à la femme est la maternité, souvent imposée par le mâle (agriculteur, chat) ou par le besoin de rentabilité (chienne épagneule, vache), qui épuise les corps.
L'auteure connaît bien le monde agricole ayant fait plusieurs stages dans des exploitations, ayant fait des études d'agronomie et ayant un frère éleveur de chèvres dans le Gers. Il fallait oser faire parler des animaux pendant tout un roman; le procédé est original mais difficile à mettre en application. Par exemple, le style devait être le plus simple possible pour traduire la parole des animaux et le résultat est qu'il assez pauvre, les phrases se réduisant à un sujet, verbe , complément. On se heurte aussi assez vite au caractère artificiel du procédé qui peut finir par lasser.
Néanmoins, je salue l'audace d'Agnès de Clairville, qui s'est complètement démarquée de son précédent roman, qui était aussi son premier, "La poupée qui fait oui". L'auteure sait se remettre en question, se renouveler totalement ce que je considère comme une qualité.
J'ai dû me faire violence pour aller au-delà du premier tiers du roman (la description de la naissance du veau par lui-même a failli être rédhibitoire) mais j'ai fini par me laisser embarquer dans cette improbable aventure, j'ai même été secouée par certaines scènes (la néosporose qui contraint l'éleveur à abattre la moitié de son troupeau de vaches, les veaux arrachés à leur mère,...).
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On ne va pas se mentir, ça partait mal. Parce que lorsqu'il est question du monde paysan, j'ai un niveau d'exigence très haut. Parce que ça touche à mon enfance, au milieu d'où je viens, à une réalité que je connais bien. J'ai toujours peur de la caricature, de l'inexactitude, je me pose en avocat d'une cause qui n'est pourtant plus la mienne.
Le premier chapitre a été terrible. Je n'ai pas aimé cette petite vache au vocabulaire si peu développé. Et la scène de l'écornage que j'ai du relire trois fois pour la comprendre n'augurait rien de bon.

Et pourtant... la chienne et le chat sont arrivés et j'ai commencé à me prendre au jeu de cette humanité vue à hauteur d'animal. A ces humains, le dos courbé, la tête basse qui font face à l'adversité et avancent là où d'autres auraient abandonné. Une engeance qui a finalement aussi peu de mots que les animaux autour. Parce qu'ici on naît taiseux. On ne sait pas dire. On n'ose pas dire. On pourrait parler de cliché. Si ce n'était pas si juste, encore aujourd'hui.

Le rapport homme/animal est particulièrement bien amené. le corps est omniprésent, notamment en lien avec la maternité, il y a une forme d'égalité. Il est question de sang et de lait, de vie ou de mort. de petits qui grandissent ou non ou un peu de guingois. du déchirement de la séparation et de déni.

Tout est malin dans ce texte et j'ai souvent murmuré un "bien joué" : l'arrivée de la pie, la jolie surprise de la deuxième partie, la phrase d'un gendarme, le dessin du cadet, une scène de chasse, une nuit sans sommeil. Bien joué parce que tout ça sonne vrai et embarque le lecteur. Il y a parfois des maladresses, oui. Une scène de sexe féline qui m'a fait hausser un sourcil (ce n'est pas bon signe quand je hausse un sourcil). Une histoire parallèle avec un entraîneur de foot qui me semble être de trop. Mais sur le sujet principal, c'est malin et crédible puisque cela peut parler autant à ceux qui connaissent ce monde qu'à ceux qui ne le connaissent pas. Parce qu'il y a du fait divers qui parlera à tous. Et des clins d'oeil qui toucheront les plus avertis.

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Une ferme, des éleveurs qui survivent inquiet par les factures, du bétail à s'occuper et des enfants qui grandissent.
Une vie rythmée par les tâches, la routine, la vie et la mort.

Un roman social perturbant et immersif avec une force d'écriture incroyable.
La plume de l'auteure est ciselée, avec parfois de jolis mots ou tout l'inverse.
Dans cette ferme, le maître, ou la femme ne nous raconte rien, mais les animaux eux oui.
Tout ce qui se passe dans cette ferme en péril, c'est la vache pie noir, le chat tigré, la chienne Épagneule, la Pie ou bien le choeur des porcelets qui à travers leurs yeux nous dicte l'histoire.
Plusieurs thèmes abordés avec toutes les difficultés, le manque d'argent et d'amour.
Pas de câlins, pour les bêtes ou même les humains, pas de mots doux, ici à la ferme pas le temps n'y la place à tout ce bonheur.
Le récit est poignant, l'auteure s'exprime particulièrement sur la mise au monde, la force mentale qu'a une mère à protéger le ou les petits hêtres tout juste sortis de leur piscine. Un déchirement à chaque fois, pour une vache ou une chienne à qui on retire sa progéniture.
Si les hommes sont aveugle, les animaux eux témoignent sur la tragédie qui s'abat sur la ferme.
Le récit est incroyablement réaliste, cela nous fait voir certaines choses différemment dans ce huis clos à ciel ouvert.
J'ai trouvé cette lecture agréable par l'écriture et aussi tellement poignante.
Ce roman me parle beaucoup pour avoir vécu certains passages moi-même à la ferme des grands-parents.
Ce livre est grandiose par son style.
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Vivre la vie de la ferme à hauteur d'animal : quelle proposition osée, mais nécessaire et non moins périlleuse !

Dans ce roman choral, l'auteure renverse tous les regards et "donne la parole" aux animaux de la ferme pour qui la vie et la mort sont, au quotidien, une triste ritournelle. Que peuvent bien ressentir au plus profond de leurs êtres la vache pie noir, la chienne épagneule, le chat tigré et la pie du peuplier dans cette ferme où les non-dits sont rois, les émotions sont cachées et les différences des uns pointées du doigt ? C'est dans ce huis clos à ciel ouvert que les cris des bêtes se mêlent aux plus lourds secrets des hommes. Rien n'échappe aux animaux, qui témoignent ici sur notre rapport à la filiation.

Le début de la lecture peut paraître difficile puisqu'il faut tour à tour se glisser dans la peau des différents animaux présentés, un exercice plutôt inhabituel. Ce livre m'a forcément plu mais m'a aussi retourné le ventre et tiré les larmes car beaucoup de sujets évoqués, comme l'exploitation des animaux qui nous entourent, me parlent et font partie des convictions qui m'animent : ma position contre la chasse, mon choix de suivre un régime alimentaire végétarien et la nécessité d'être compassionnel et respectueux envers des animaux avec qui l'on partage de mêmes sentiments, tels que l'amour, la joie, la tristesse et le deuil. Néanmoins, mettre tout ceci en exergue n'est pas la seule finalité de ce livre car les secrets des hommes ont également leur place dans cette intrigue, mais c'est tout de même la grille de lecture qui a, personnellement, le plus résonné en moi.

Ce livre se lit avec le coeur grand ouvert. Tous ces animaux ont une histoire à nous raconter : ils nous parlent, donc écoutons-les !
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Et si cette fois, les animaux prenaient la parole pour nous montrer avec leurs yeux l'envers du décor d'une ferme ? C'est le pari fou que fait Agnès de Clairville, agronome de formation, dans son deuxième roman, Corps de ferme. Tour à tour, la vache, la chienne, le chat et la pie vont se relayer pour raconter le quotidien qui les entoure. Evidemment les perceptions ne sont pas les mêmes. C'est tout un univers olfactif et sensoriel que l'autrice déroule sous nos pas pour nous faire voir la ferme d'une autre façon.

Le résultat est surprenant pour une lecture où tous nos sens sont en émoi. On assiste à la mise à bas de la chienne qui découvre ses six petits et les surveille du chat sournois, au retour de la fermière et de son bébé sous le bras, du père absent et taiseux, et des enfants qui grandissent et dont le caractère s'affirme au fil des pages. Un nuage d'odeurs, tout en effluves et parfums, presque un texte texturant dont on pourrait toucher les bords. L'idée est sacrément originale. Sur certains aspects, l'environnement olfactif rappelait celui du parfum de Patrick Suskind.

Pourtant derrière ces murs se joue un terrible drame dont seuls les animaux sont témoins. Dans cette ferme du début du XXIème siècle, le lecteur assiste à l'implacable, les secrets d'une femme. Dans ce monde où la communication est rompue, où la femme n'est qu'un ventre, relayé à procréer et à se taire. Où pour rembourser les dettes, la rentabilité est au centre de tout. Chaque être vivant participant à la pérennité de l'exploitation et à sa transmission. Un cri silencieux, une tragédie.

Un roman choral animalier osé, qui interroge, qui percute.
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À hauteur d'animaux, Agnès de Clairville nous fait vivre le quotidien d'un corps de ferme à l'ambiance sous tension.
Les journées sont rythmées, remplies d'un travail acharné et continu pour le couple de fermier. Pas de répit, pas de repos, jour et nuit.
Les vaches s'expriment, nous diffusent leur peur quand on leur arrache leur petit, quand le sol tremble sous les pas de l'homme.
La pie, perchée sur un arbre, assiste langoureusement à cette chape de plomb qui s'installe et que Agnès de Clairville nous fait ressentir à chaque page.

La chienne suit son maître, le chat observe les allées et venues confortablement installé eau chaud. Mais ils sentent tous, ils sentent qu'un drame va se jouer. Longtemps, on ne sait pas où ce drame va s'abattre mais on le redoute. Il est impossible à anticiper, à prédire. Et les phrases courtes, tranchées, accentuent le climax approchant.

À cette narration originale, s'ajoute une forte dimension féministe, un parti pris sur La Défense des animaux. Corps de ferme est engagé et engageant car une fois démarré, les pages se tournent et l'envie de comprendre l'âpreté de la ferme s'impose, le dénouement nous obsède.
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Une intrigue ciselée, écrite à la plume de sang et de bouse... du grand art !
Le quotidien d'une exploitation laitière s'y mêle avec le "fait divers", comme la poésie s'y mêle au sordide. La vie, même à la campagne, n'est jamais un long fleuve tranquille.
Agnès de Clairville aborde dans ce livre, sous l'apparence d'une histoire très banale, de très nombreux aspects de la psychologie familiale. Et c'est justement l'apparente banalité du quotidien de ces terriens qui rend l'indicible si effrayant. Les animaux de la ferme racontent, dans leur langage brut et attachant, l'invisible, le non-dit, ce que les humains autour d'eux tentent maladroitement de cacher, d'oublier ou de laisser enfoui bien profond dans l'inconscient.
Pour moi, ce second roman est une prouesse littéraire ; sur le fond, il rejoint le sujet du premier "La poupée qui fait oui" : une société qui regarde les drames familiaux comme une part incrompressible de l'existence, passivement, avec complaisance même parfois, comme les vaches regardent passer le train...
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Dans ce roman choral où les narrateurs sont les animaux de la ferme, Agnès de Clairville nous plonge dans la ruralité et tout ce qu'elle comporte de plus cru et brutal.
Chien, chat, vache, pie et cochons vont être ici les témoins de la dérive d'une exploitation agricole dans laquelle les mots ont peu de place. Entre le père taiseux et la mère résignée, les deux garçons du couple d'agriculteurs n'ont pas vraiment la possibilité de vivre une enfance comme ils le voudraient. La rigueur et le dur labeur de la ferme les rappellent à l'ordre chaque matin.

Alors ce sont les bêtes qui parlent et qui racontent à tour de rôle leurs vies, leurs souffrances, leurs joies… ces animaux devenus les spectateurs invisibles d'une tragédie sociale.

Un beau roman à découvrir.
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Un roman original..dur et noir à la fois!

En plein coeur d'une ferme, au travers du regard des animaux, le veau qui vient de naître, le chien, le chat ou les génisses qui voient leurs bébés leur être retiré bien trop vite...

Ils sont témoins et observent la difficulté de vie de l'éleveur, de sa femme et des deux petits garçons de la famille.

Un huis clos dans cette ferme, où on ressent la tension qui monte et une tragédie qui se profile..

"Parce que les hommes sont aveugles, les bêtes vont temoigner"

Une lecture qui m'a surprise et que j'ai beaucoup apprécié malgré sa noirceur..

Je ne vous en dis pas plus, et vous laisse découvrir cette lecture !

Vous connaissez ?
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