Ecriture des jours (1972)
I
Si ça me chante : arbre le cheval
Si ça m'enchante, roche la fleur
Et paquebot son parfum,
Et cachalot le cavalier.
Mais chanterais-je alors le cachalot sur l'arbre
Et sa façon de se pencher pour humer
Un suave transatlantique
Qu'exhalaient dans l'été les rochers bleus ?
Ou bien dirais-je que dans le vent
D'automne un cheval s'effeuillait,
Que les parfums fendaient les flots
Au risque d'échouer sur les fleurs ?
Ah ! plutôt voir galoper les chênes,
La roche à la fin des beaux jours se faner,
Le cavalier et la senteur descendre
De conserve aux abîmes marins !
Cependant qu'étalon, marguerite,
Steamer et cétacé,
Telles des ombres ayant perdu leur homme
Erraient autour de moi, désenchantées.
LEGENDAIRE : Légende de Paul Gilson
Enfant magicien perdu
Je me souviendrai de ce regard
Qui faisait chanter l'ombre.
Des yeux de l'enfant d'autrefois caché
Dans le beau visage mortel
Je me souviendrai, comme de la mémoire vivante
Peuplée d'ondines et de merveilles.
Maintenant que tu traverses le vert miroir
D'Alice et que tu rejoins les années anciennes
Où ton enfance d'un cri sans fin t'appelait,
O toi, veux-tu, ne nous oublie pas qui restons égarés
Parmi les feuilles mortes d'un monde
Où les fées ne sont plus.
d'atroces feux de Saint Jean
déchirèrent les villages.
pas de vin mais du sang
pas d'herbe mais des corps
pas de blé mais la mort.
Ma vie, que serait ma vie, si morts et vivants n'y foulaient
à pas légers
leur plus familier domaine.
L'ombre chantait ancienne autour de ta jeunesse.
Je lisais au bond de la flamme une caresse
De nos regards, de notre songe, avant que s'ouvrent
La nuit, et cet affrontement tendre ou cruel
Où nous fûmes jetés pareils
Au secret de la source et de la foudre.
Un être où les étoiles éclataient, montaient,
Naissances des profondeurs perdues.
Et parfois j'aurai cru
Qu'à travers ma voix,
Mon sang, mon regard,
Ce monde en sa vraie
Lumière se changeait.
Chanson de la femme verte
La lune se perd
La lune se noie
Dans l'eau noire
Clame le vent.
"Je désespère"
Hurle le vent .La nuit de fer
S'est refermée
Et j'espère,
Mais quelle voix
Quelle fumée
Me nommera
La fée verte,
Nue et verte,
Qui m'aimera.
Cavale d'or vert
Enfantine amazone
Fleur et licorne
Aussi blanche qu'altière
Vol immobile
D'après l'amour
D'après le secret
D'après le feu
De chair et de songe.
Si loin ,si proche,
Partie pour un soleil seul,
Pour l'orgueil muet
Du sang qui s'apaise,
Et mon regard sur ton sillage,
Sur ton silence de profil,
Sur ta gorge et ta jambe
Appelle.
Visage pour une histoire perdue,
Une main pour quelque empire de meurtre,
La vigne et l'ombre pour une caresse première,
Du bleu pour le son feutré du désir.