Bernard Clavel n'a pas son pareil pour dépeindre des hommes profondément attachés à leur pays, à leur activité ou à leurs traditions.
Des hommes francs et droits, prêts à défendre ce en quoi ils croient, et qu'ils veulent farouchement transmettre à leurs enfants : l'amour de leur terre ou de leur métier, leur façon de vivre.
Le père de Jacques est de ceux-là.
Jacques, jeune engagé volontaire lors de la guerre d'Algérie, revient dans sa maison natale le temps d'une permission. Ce retour va être l'occasion d'une prise de conscience et va faire naître de nombreuses interrogations.
Le jeune homme fragilisé va tout remettre en question, son passé et son avenir.
Ce roman est magistral.
L'auteur y excelle dans les descriptions, qu'il s'agisse des paysages qui prennent forme sous nos yeux ou des personnages qu'il met en scène. Tout est tellement vivant ! La campagne est magnifique, et ceux qui y vivent sont terriblement attachants.
C'est beau, c'est du Clavel au sommet de son art.
Il règne dans le texte un doux parfum de nostalgie. Pas de regrets amers et stériles, façon "c'était mieux avant", non, c'est plus subtil que cela.
Bernard Clavel nous montre la douceur et l'authenticité du monde d'autrefois, celui des parents de Jacques.
Un monde de respect et de traditions, un monde que nous regardons parfois avec mépris, que nous trouvons lent, nous qui nous considérons comme modernes. Ce monde nous apparaît enviable sous la plume de l'auteur.
Cette lecture nous donne l'occasion de nous poser et de réfléchir un peu sur la façon dont nous voulons vivre. de nous interroger sur notre façon de considérer le temps.
Le temps !
Denrée de plus en plus rare à une époque où tout va trop vite, où nous sommes noyés dans un flot permanent d'informations que nous n'avons même plus le temps de digérer.
Bernard Clavel met aussi en avant l'importance des racines. Nous ne sommes pas des êtres hors-sol et interchangeables. Nous sommes issus d'un terroir, nous sommes héritiers de coutumes, de croyances, d'une histoire familiale. Nous avons été façonnés par notre famille, notre entourage proche, par ce que nous avons vécu au cours de nos jeunes années. Bien sûr nous pouvons décider de partir, de changer, mais nous conservons toujours en nous une marque forte de notre passé.
Jacques va comprendre tout cela, mais avec les traumatismes que la guerre lui a fait subir, la prise de conscience va être douloureuse et dévastatrice.
Et le doux roman va soudain changer de direction...
Ce livre est bouleversant.
Le lecteur suit Jacques dans son cheminement et grâce au talent de l'auteur, le comprend parfaitement. Comprend ses pensées, ses réactions, ses actes.
Écrit dans une langue limpide et magnifique, ce texte m'a prise aux tripes, jusqu'à un fin complètement folle qui m'a laissée hors d'haleine.
Du grand art !
Farouche pacifiste,
Bernard Clavel a écrit là l'un des meilleurs plaidoyers que je connaisse contre la guerre.
"La guerre ne tue pas que ceux qui reçoivent des balles. Elle détruit aussi les hommes à l'intérieur."
Bien vrai, hélas.
Et que c'est beau
le silence des armes !