On redoute parfois d'avoir à terminer un livre. D'avoir à quitter ces personnages qui nous ont accompagnés, habités, des jours durant. Une véritable émotion de séparation ressentie en achevant le premier livre de
Pauline Clavière,
Laissez-nous la nuit.
Un livre fort, engagé, qui chahute. Un livre qui va chercher loin à l'intérieur de soi.
J'ai connu Pauline dans
C L hebdo où elle présente une chronique d'archives dans laquelle transparaît sa sensibilité, son regard pertinent, sur les sujets de société qu'elle y évoque.
En apprenant que sortait son premier roman, je n'ai pas été surpris. Encore moins en découvrant qu'elle y évoquait le milieu carcéral. Sujet tabou, dont on parle sans en parler vraiment. Un prolongement évident à ce que laissait entrevoir son travail télé et radio.
Les premiers mots vous embarquent. D'emblée on comprend que ce livre est pensé, écrit, qu'il n'est pas un livre de journaliste qui sait composer des suites de phrases correctes, mais qu'il y a un style, des choix, une voix singulière.
Une voix maîtrisée, acérée, qui évoque la prison d'une manière à la fois chirurgicale et humaine, documentée et humaniste.
Autour de Max, personnage central, le récit, remarquablement conduit, à la fois fluide et reproduisant une tension permanente, hypnotique, ouvre sur une galerie de portraits comme autant de portes de cellules au travers desquelles nous oserions enfin regarder. Les mots sur l'injustice, l'anniversaire de Max, Marcos auquel je me suis tant attaché, Nicolae, Françoise, Gino, tant de pages troublantes qui triturent le ventre, embuent le regard... Je les emporte avec moi. Remué de fond en comble.
Chère Pauline, en vous emparant à bras le coeur de ce sujet qui traverse la société française, vous vous inscrivez dans une lignée qui va de la tirade de Scapin dans Les Fourberies jusqu'au texte prononcé par R. Badinter en 1981 devant l'Assemblée Nationale, en passant par
Claude Gueux de
V. Hugo et Deux hommes dans la ville de J. Giovanni.
Vous faites oeuvre littéraire et oeuvre utile, redonnez de la dignité à tous ces êtres, mettant en lumière l'indignité de notre société. Il faut que votre livre soit lu, étudié, transperce les murs. Et qu'au passage on vous en remercie.