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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Laissez-nous la nuit est le premier roman de la journaliste Pauline Claviere, récit qui nous plonge d'emblée dans la froide cruauté de l'univers carcéral.
Tout démarre par un simple contentieux. Pas anodin certes puisqu'il s'agit à l'origine d'une fraude sur les comptes de son entreprise, fraude pour laquelle le narrateur, Max Nedelec, s'en est depuis longtemps acquittée. Enfin, le pense-t-il...
Le roman débute un matin, quand Max reçoit la visite de la police à son domicile...
Max est serein, aussi serein que pouvez l'être Joseph K. dans le Procès, marchant dans les pas de ses juges avec la sensation un peu abrutie de ne pas comprendre ce qui lui arrivait... Laissez-nous la nuit est l'histoire d'un malentendu, à peine une négligence. Le Procès était une farce terrifiante. Convaincu de son innocence, Max s'engage comme Joseph K. dans ce labyrinthe avec la naïveté de la victime qui connaît déjà son bourreau et continue pourtant de lui faire confiance encore un peu...
Max entre en prison avec l'espérance d'y sortir sous peu.
Mais voilà, le temps ici est d'une toute autre réalité...
C'est le printemps et cela devient brusquement une saison en enfer, une désescalade qui arrache le ciel au paysage pour le précipiter dans les abysses des ténèbres.
Alors Max plonge de l'autre côté de la lumière...
Max comprend peu à peu qu'il va rester ici un peu plus longtemps que prévu.
C'est une histoire insensée.
Son entourage semble peu mobilisé pour l'aider. Certains même disent de lui : « Il a joué, il a perdu ».
La seule personne de l'extérieur sur qui Max peut désormais compter est sa fille Mélody.
J'ai beaucoup aimé ce récit de Pauline Clavière, sa manière de nous délivrer avec lucidité et sensibilité l'univers carcéral, sujet qui peuple pourtant de si nombreux romans. J'ai aimé ses mots à la fois percutants et sobres pour dire la prison avec ses personnages d'un autre monde, ses mœurs, sa propre loi, ses codes, ses transgressions...
J'ai aimé cette écriture ciselée pour dire des choses très brutales, animales, humaines aussi. C'est une écriture dont le style nous plonge en immersion totale dans un lieu qui vient modifier à jamais ceux qui y séjournent...
Pauline Claviere nous décrit un territoire sans foi ni loi et nous en convainc. C'est d'une acuité douloureuse...
Une cellule de huit mètres carrés, partagée avec un codétenu, pas toujours le même.
Les fouilles à nu. La honte des victimes.
Les barbelés qui égratignent le ciel.
Les promenades où les plus fragiles deviennent vite des proies pour les prédateurs. Les promenades qui ressemblent à des jeux romains que contemplent les surveillants d'une désinvolture déconcertante.
L'enfer des autres.
Chaque pas ici hors de sa cellule est une angoisse, une menace.
Parfois, se protéger c'est se mettre à l'abri du regard des autres détenus et des surveillants.
La prison est un lieu qui rend fou.
Le seuil du parloir devient comme le passage entre deux mondes. La fille de Max a perçu cela au parloir, cette peur de son père derrière les barreaux. Elle connaît par coeur les fêlures de son père. C'est beau.
Comment imaginer la prison quand on n'en a jamais franchi ses murs ? Toutes les croyances que nous pouvons en faire sont peut-être vaines. Pauline Claviere, par sa voix singulière, vient bousculer nos représentations.
De l'univers carcéral, je ne sais rien sauf ce que les médias nous offrent comme reportage, ce que nous pouvons imaginer, sauf ce que m'a témoigné mon frère, visiteur de prison à Cherbourg, donnant des cours d'informatique de manière bénévole chaque jeudi à des détenus.
Pauline Claviere convoque un florilège de personnages, donnant sens à l'itinéraire égaré de Max, à son histoire, une autre histoire qui commence ici.
Des personnages multiples, certains odieux, d'autres blessés, d'autres chaleureux, solidaires, une sorte de cour des miracles, façon carcérale en notre XXIème siècle.
J'ai été touché par ce compagnon de cellule, Ilan, qui revient amoché, cassé, brisé, qui se tait, ne parle plus.
Des yeux apeurés. Des fauves en cage.
Ici la vie semble sans cesse empêchée d'aller plus loin et ce ne sont pas que les barbelés qui déchirent la peau et les dernières illusions.
Chaque jour, c'est une violence gratuite, sans limites, universelle.
Chaque jour, c'est un lieu où survivre.
J'ai aimé ces instants d'amitié présents aussi, qui entrent comme des rais de lumière entre les barreaux, celle avec Marcos quand Max l'aide à apprendre à écrire des lettres pour sa fille Paula.
Ces moments sont des respirations.
C'est fou l'effet que peut produire un peu de ciel qui traverse les barreaux d'une cellule...
Parfois Max regarde ses mains de détenu, ses mains d'un homme vieilli. Ses mains semblent se souvenir, le souvenir d'un amour, le soleil sur la peau, le désir, des mains libres, éperdues sous le ciel démesuré.
J'ai aimé ce regard plein d'empathie que pose Pauline Claviere sur des personnages qui ne peuvent forcément qu'exister dans la réalité vraie des choses, malgré l'imaginaire que propose un roman.
Mais Laissez-nous la nuit, c'est aussi l'histoire d'un basculement, la chute d'un homme qui peut nous ressembler, broyé par la justice, ou plutôt un simulacre de justice.
C'est le signe effroyable, la révélation que la société n'a pas tenu toutes ses promesses...
Je ne sais pas pourquoi, au moment où je termine ce billet, je pense à ce récit autobiographique de René Fregni, Tu tomberas avec la nuit, où la présomption d'innocence est bafouée.
J'ai aimé ce récit fort qui, me semble-t-il, marque la naissance d'une grande romancière.
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Au moment d'écrire une petite chronique sur ce roman , je me pose encore la question: pourquoi me suis-je ainsi trouvée happée par ce gros roman dont le sujet n'est pas forcément palpitant. Peut-être tout simplement parce qu'avec le texte de P.Clavière on entre en littérature, la vraie, et c'est un premier roman!
Pour ne pas avoir retrouvé le bordereau d'une traite qu'il pense avoir acquittée, Max Nedelec ,dirigeant d'une PME se retrouve en prison. Là, on pense au "Procès" de Kafka...
il découvre l'enfer de la prison , mais est persuadé que ce sera une erreur vite réparée.
"Laissez toute espérance vous qui entrez" écrit Dante . Max aura le temps de méditer.
En fait il va passer quelques saisons en enfer.Il va devoir apprendre à baisser les yeux, à comprendre le langage de la prison, s'adapter à ses codétenus (Marcos en est peut-être le plus attachant). Dans cet univers hostile, tout est inquiétant, et pour tout le monde, gardiens compris.Le mal rôde partout, la violence et la folie se respirent comme l'air vicié qui emplit les cellules. Et règne en majesté, épinglée partout la LOI, édictée par l'administration pénitentiaire, et de laquelle tout le monde se fiche.
Le style de P.Clavière appelle à tourner des pages noires ou lumineuses, dans une écriture vive et rapide. 600p étonnantes, pas le style d'une journaliste qu'est pourtant l'autrice, chroniqueuse à "C L hebdo"sur France5 .
Un gros coup de coeur.
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On redoute parfois d'avoir à terminer un livre. D'avoir à quitter ces personnages qui nous ont accompagnés, habités, des jours durant. Une véritable émotion de séparation ressentie en achevant le premier livre de Pauline Clavière, Laissez-nous la nuit.
Un livre fort, engagé, qui chahute. Un livre qui va chercher loin à l'intérieur de soi.
J'ai connu Pauline dans C L hebdo où elle présente une chronique d'archives dans laquelle transparaît sa sensibilité, son regard pertinent, sur les sujets de société qu'elle y évoque.
En apprenant que sortait son premier roman, je n'ai pas été surpris. Encore moins en découvrant qu'elle y évoquait le milieu carcéral. Sujet tabou, dont on parle sans en parler vraiment. Un prolongement évident à ce que laissait entrevoir son travail télé et radio.
Les premiers mots vous embarquent. D'emblée on comprend que ce livre est pensé, écrit, qu'il n'est pas un livre de journaliste qui sait composer des suites de phrases correctes, mais qu'il y a un style, des choix, une voix singulière.
Une voix maîtrisée, acérée, qui évoque la prison d'une manière à la fois chirurgicale et humaine, documentée et humaniste.
Autour de Max, personnage central, le récit, remarquablement conduit, à la fois fluide et reproduisant une tension permanente, hypnotique, ouvre sur une galerie de portraits comme autant de portes de cellules au travers desquelles nous oserions enfin regarder. Les mots sur l'injustice, l'anniversaire de Max, Marcos auquel je me suis tant attaché, Nicolae, Françoise, Gino, tant de pages troublantes qui triturent le ventre, embuent le regard... Je les emporte avec moi. Remué de fond en comble.
Chère Pauline, en vous emparant à bras le coeur de ce sujet qui traverse la société française, vous vous inscrivez dans une lignée qui va de la tirade de Scapin dans Les Fourberies jusqu'au texte prononcé par R. Badinter en 1981 devant l'Assemblée Nationale, en passant par Claude Gueux de V. Hugo et Deux hommes dans la ville de J. Giovanni.
Vous faites oeuvre littéraire et oeuvre utile, redonnez de la dignité à tous ces êtres, mettant en lumière l'indignité de notre société. Il faut que votre livre soit lu, étudié, transperce les murs. Et qu'au passage on vous en remercie.
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Un récit fort et poignant inspiré d'une histoire vraie : un homme ordinaire qui se retrouve en enfer !
On va suivre pendant quatre saisons, le quotidien en prison de cet homme que rien n'a préparé, à vivre dans ce monde qui n'existe nul part ailleurs, surtout pas dehors et que personne ne veut connaître.
Une immersion réussie dans cet univers carcéral, si particulier aux règles bien à lui, établies suivant la hiérarchie des détenus, leurs méfaits... Ce récit a eu une résonance particulière avec notre confinement, j'ai vraiment eu l'impression d'être le co de Max.
Pauline au parloir pour la suite !
Lien : https://www.instagram.com/p/..
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Douze mois aux côtés de Max, entrepreneur dépressif qui va payer au prix fort sa politique de l'autruche. le résumé de l'histoire tient en peu de mots et pourtant l'auteure en tire avec talent un texte de 617 pages. Je devrais attendre quelques jours pour tout laisser reposer mais je sais déjà que je viens de faire une lecture marquante, celle à quoi je vais comparer plus tard d'autres textes racontant la prison. le style à la fois moderne et sobre de Pauline Claviere sert à merveille son sujet : comment la prison s'immisce et vient modifier les hommes en profondeur, par son absurdité, la circularité du temps, l'absence de socle sur quoi s'appuyer. L'irréversibilité de la prison.
Ce n'est pas une histoire qui distrait ou apaise, on se raccroche comme on peut à l'embryon d'amitié qui se noue entre Max et son « Co » pour tirer quand même un peu de lumière de ce texte.
Merci Pauline pour cette histoire qui s'engloutit d'une traite, ses nuances (même si j'ose espérer que tout n'est pas aussi gangrené que vous le décrivez, que certains surveillants font leur boulot honnêtement). .
Une vraie expérience de lecture immersive qui donne envie de sortir prendre l'air une fois terminée.
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Un titre empreint de douceur pour une plongée dans une noirceur dont on ne peut sortir indemne.
« C'est fou comme c'est rapide à mettre en place cette désorientation, cette sensation que plus rien de normal n'est à votre portée, que vous êtes passé de l'autre côté. Là où c'est gris, ça sent mauvais, il fait froid et on ne répond pas à vos questions. le déclassement s'opère à une vitesse folle ».
Dune plume ciselée et affûtée, Pauline Clavière nous emporte dans les 4 saisons en enfer d'un homme qui a tout perdu, jusqu'à son identité. Ce livre, c'est l'histoire vraie de l'Ecrou 29 312B, plus dignement celle de Max, mais elle pourrait tout aussi bien être la vôtre comme la mienne.
Dans la beauté d'un matin de printemps, cet homme ordinaire voit sa vie basculer, happée par une machine bien plus puissante que celles de l'imprimerie familiale qu'il voulait à tout prix sauver d'une mort annoncée.
Pour s'être quelque peu arrangé avec la réalité des chiffres, pour une facture non réglée, quelques courriers négligés et surtout un bordereau égaré dans les méandres de la justice, Max est plongé brutalement dans des ténèbres où se promener est risqué, regarder l'est encore plus, où l'on guette apeuré la bête et la meute en espérant qu'elles passent sans nous voir, et où les KitKat aident à supporter l'insupportable, au même titre que la came et la clope.
Des nuits si noires qu'elles n'en rendent que plus brillante la constellation de petites étoiles qui les parsèment : Marcos le codétenu à qui Max apprend à écrire, les livres qui délivrent, la femme médecin qui fait rêver ces corps sevrés et l'aumônier qui écoute les âmes ravagées mais jamais résignées.
Un moment de lecture unique et un premier roman d'une intensité magistrale.
Je suis admirative de ces auteurs qui accomplissent la prouesse de faire s'entremêler, et bien souvent avec grâce, des émotions que tout oppose. Ils me touchent et m'emportent avec eux.
Pauline Clavière est de ceux là.
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J'ai beaucoup apprécié la lecture de ce roman. Je suis tombée sous le charme de la plume, du style, des mots de l'autrice. Une très belle découverte!
#Laisseznouslanuit #NetGalleyFrance
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28 avril 2017, 7h32, la vie de Max Nedelec bascule. Ce quinquagénaire, patron d'une imprimerie est arrêté et emprisonné. Parce qu'il doit 30 000 euros, parce que le bordereau justificatif de son paiement est introuvable, parce qu'il a refusé de mettre la clé sous la porte et triché avec les chiffres, il se retrouve condamné à vingt-quatre mois de prison. C'est long vingt-quatre mois. C'est 600 pages d'un premier roman percutant qui démantèle les rouages d'une prison qui déshumanise aussi bien ceux qui y sont enfermés que ceux qui sont là pour la gérer.

Max est persuadé qu'il va sortir rapidement. Avec l'aide de Mélodie, sa fille, et de son avocat. Mais bientôt l'implacable justice ne va plus même lui laisser cet espoir. Et les murs se referment impitoyablement. le voilà dans une cellule, puis une autre. Qu'il partage avec Ilan, un jeune Syrien que la prison brise au sens propre comme au sens figuré. Puis avec Sarko, le caïd de la prison, celui qui domine et terrorise. Puis avec Marcos, en proie à ses propres démons, schizophrène et drogué mais qui recèle malgré tout un fond de bienveillance. Max va faire l'apprentissage du monde de la prison, de sa violence, de sa lâcheté parfois face aux lynchages et aux brimades.

Au milieu des prisonniers et de leurs gardiens surgissent des personnages venus de l'extérieur : la docteure Françoise Rosier, l'aumônier Nicolae Vladistov. Présents pour aider les prisonniers mais eux aussi abimés, maltraités par la vie. Et puis Mélodie, jeune femme combative et sûre d'elle. Et Gino, le neveu de Max, jeune avocat qui va se battre pour lui.

Ce roman est rempli d'images chocs. La peur, la violence sont présentes à chaque page. C'est un livre qui possède une voix, un rythme particuliers et marquants.

L'écriture de Pauline Claviere donne une force incroyable au récit et appréhende totalement ce lieu mortifère, hors du temps où d'autres lois règnent. On se prend à presque ressentir physiquement la pesanteur des lieux, la crainte, les coups, les odeurs, l'étouffement, le manque d'espoir, la haine. Toute cette inhumanité qui trouve à s'exprimer sous la plume de la romancière et qui nous captive et nous rebute tout à la fois. Un premier roman accrocheur et vertigineux.
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