Sauf les Fleurs de Nicolas Clément respire le chef d'oeuvre, tant le style est d'une poignante originalité, où le langage est celui des mains et où les émotions qu'il fait surgir de ses mots sont charnelles aussi précises que dans
le Parfum de
Patrick Suskind , aussi subtiles que des senteurs fleuries.
Le lecteur est sans cesse renvoyé dans ses cordes," papa est notre langue étrangère, un mot , un poing,puis retour à la ligne jusqu'à la prochaine claque", ou
"je cherche les yeux de papa pour un début de lien, un commencement de corde".
Alors pour qui Nicolas Clément écrit-il? , "j'écris pour oublier que nous n'existons plus", les mots sont là présents douloureusement ces mots quand "il désosse le visage de Maman",nous
"petits cochons dans la suie " .
Marthe que l'on suit depuis ses 12 ans, murit l'étrange histoire de son père, le bien le mal, pourquoi?, et peut-on s'en délivrer et comment ? C'est tout simplement l'histoire de l'Homme, de son humanité dans ce qu'elle a de plus banal puis parfois de plus destructeur.
Pourquoi écrire se demande Nicolas Clément,"ce qu j'ai écrit je l'ai vécu ", est ce suffisant ?
L'ambition du livre est bien plus dense, plus forte plus existentielle, comment protéger, sa mère bien sûr comme une urgence " Maman déborde sur moi,je ramasse ses cheveux, ne tremble plus", son frère bien sûr, elle est la seule encore capable de le sauver, de la honte de la terreur coupable, de la culpabilité de n'avoir pas su lui le petit Léonce sauver sa propre mère, alors vers quel chemin se tourner pour trouver une délivrance.
Marthe porte en elle la fougue d'Antigone, et d'autres figures du théâtre antique, elle traduit
Eschyle, part en exil à Baltimore avec Florent " ma bouche a couru son sourire", est taraudée par la vengeance, elle a vingt ans, elle écrit pour Léonce "palpez comme tout commence", Mais" je ne suis pas triste Garonne a vêlé ce matin, la petite s'appelle Harmonie".
Collé à ce livre comme un bernicle je l'ai relu trois fois, juste pour les mots.