Le Hindou ou le Sikh est plus discipliné, moins voleur, moins rapace que cet incomparable modèle de guerrier qu’est le soldat anglais ! Les hordes kalmoukes de Gengis Khan et de Tamerlan tombant sur une cité comme un vol de sauterelles dévorant tout sur leur passage étaient une bénédiction pour n’importe quel pays, comparées à l’irruption de ces chrétiens civilisés, ces chevaleresques et nobles soldats anglais.
L’Anglais croirait avoir gagné, eh bien ! on lui tendrait des embuscades. On assassinerait ses commandants, on prendrait ses canons par surprise. On le harcèlerait comme autrefois l’empereur de Russie avec l’empereur français. Il avait fini par refluer, le Français…
On ne manquera plus de bois pour nos bûchers ! se réjouirent certains pieux hindous. « Tu parles ! Un tronc d’arbre bien lourd, ça se jette sur l’ennemi quand on est assiégé…»
Sans arbres, les Angrez n’auraient pas d’ombre pour s’abriter. Et quand ils arriveraient, le soleil de mars leur grignoterait le crâne. Et par-dessus le marché, ils ne trouveraient plus de branches à pendaisons.
Il tenait sa doctrine de l’Ancien Testament et rejetait les Évangiles, beaucoup trop charitables. L’amour du prochain ? Tendre l’autre joue ? Pardonner ? Jamais. Rien dans l’Ancien Testament, disait-il, ne permettait de justifier le respect de la soi-disant sainteté de la vie humaine.
Il n’y avait toujours pas d’officier indien ; sous-officier, ça oui, mais officier, jamais. Les maîtres étaient les maîtres, les Sahibs ; leurs Mem-Sahibs, les madames venues d’Angleterre, étaient vraiment bizarres, habillées de laine au plus fort de la chaleur, dévorant de la viande de bœuf saignante à belles dents, dînant précieusement sur une nappe où couraient des cafards, se lavant peu, sentant terriblement mauvais.
Dans les bazars, on s’arrachait des amulettes et les fakirs musulmans rassemblaient autour d’eux des foules qu’ils appelaient à la guerre. C’est à votre foi qu’ils en veulent ! Résistez aux étrangers, battez-vous ! Djihad !
Chabili organisa un yagna, le sacrifice du feu, cérémonie grandiose rassemblant les brahmanes marathes et d’autres venus de Bénarès. Ils avaient besoin de nourriture et elle avait besoin de leurs prières.
Étendre les frontières de la Compagnie n’apporterait que de l’embrouillamini.
Les Anglais n’aimaient que les affaires.