Dire qu'il y avait des gens, comme sa mère, qui achetaient des livres sans y être obligé ! Ecoeurant. Mais le pire était à venir. Rester des heures sans bouger pour lire, une torture. On n'était jamais bien. Assise avec le livre sur les genoux, elle avait mal au cou et ne sentait bientôt plus ses fesses. Allongée sur le dos, il fallait tenir le roman au-dessus de sa tête, ce qui lui donnait des crampes dans les bras. Sur le côté, c'était le coude, l'épaule et de nouveau le cou qui prenaient. Sur le ventre, même avec un oreiller, elle avait mal aux dents et au menton ; en plus, elle s'endormait. Ondine en pleurait de rage.
Il me disait ce que j'avais besoin d'entendre.
Voilà le danger des écrivains.
Ils vous caressent l'esprit autant qu'ils vous caressent le corps et l'on ne se sent jamais mieux aimée ni si entièrement acceptée qu'avec ces hommes là.
Sur le moment je fus envoûtée.
Non, le plaisir pour une call-girl, est psychologique.
J'aimais le pouvoir.
La domination que j'exerçais sur mes clients me grisait.
Ces hommes vous ouvrent et vous pénètrent, certes, mais vous leur rendez la pareille.
Je les ouvrais et les pénétrais bien plus profondément, me baladais dans leur cerveau, jonglant avec leurs fantasmes, jouant avec leurs faiblesses et leurs sentiments.
Il n'avaient plus rien d'effrayant.
Ils s'exposaient mille fois plus en me révélant leurs désirs les plus secrets que moi en leur prêtant mon cul.
Soyons honnête, mes premiers mois comme mes premiers clients furent loin d'être aussi agréables que l'initiation tendre à laquelle m'avait soumise Romain Kiev .
Cette histoire de virginité me répugna tant que je fis tout pour m'en débarrasser. Mais je vous raconterai, il me fallut des hommes et des années.
Dada collectionnait les citations dans des petits carnets Moleskine noirs que j'ai gardés.
Quand il en trouvait une qui lui plaisait, il semblait avoir croqué un bonbon.
C'était l'une des rares expressions de plaisir que je lui connaissais.
La vraie liberté c'est de n'avoir rien à perdre : ni objet, ni réputation, ni affection. Ils sont rares, les moments de légèreté dans une vie.
Cet état de grâce ne dura pas.
Nous étions deux marcheurs qui avancent au même rythme, nos pas portés par une énergie commune. Nous étions deux danseurs abandonnés l'un à l'autre et à la force éperdue de la musique. C'est très rare, la perfection. Il faut une infinie délicatesse pour l'amadouer, pour qu'elle vous fasse confiance. On avance sur des oeufs emplis de crainte et de désir. Elle s'approche, centimètre par centimètre. Il peut se passer des années avant que vous ne sentiez, dans la paume de votre main, son souffle soyeux. Au moment où elle vous touche, c'est un moment de bonheur pur, immédiatement suivi par l'arrière-goût aigre de la peur. On sait qu'elle va partir. Et il suffit de cette envie de la retenir pour que la perfection s'effarouche. (p.316)
On dit "donner la vie" à un enfant, quand c'est lui qui donne un sens à la nôtre.
je n'avais plus aucune protection. J'étais seule. Un vulgaire morceau de viande. De la bidoche.