- [...] Vous êtes une personne différente qui veut ressembler aux autres. Et cela, de mon point de vue, est considéré comme une maladie grave.
- C’est grave d’être différent ?
- C’est grave de s’obliger à ressembler à tout le monde […].
Nous avons le droit de faire toutes sortes d'erreurs dans la vie, conclut l'avocat. Sauf une: celle qui nous détruit.
Je veux rester folle, vivre ma vie comme je la rêve, et non de la manière imposée par les autres.
- C'est grave d'être différent ?
- C'est grave de s'obliger à ressembler à tout le monde : cela provoque des névroses, des psychoses,n des paranoïas?. C'est grave parce que c'est forcer la nature et aller à l'encontre des lois de Dieu, qui, dans tous les bois et toutes les forêts du monde, n'a pas pas créé une seule feuille identique à une autre. Mais vous, vous pensez que c'est une folie d'être différente, et c'est pourquoi vous avez choisi de vivre à Villete [un "asile" psychiatrique] : ici, comme tous sont différents, vous devenez semblable à tout le monde. Avez-vous compris ?"
Maria acquiesça d'un hochement de tête.
... vous êtes vous déjà demandé pourquoi les lettres d'un clavier de machine à écrire étaient placées dans cet ordre ?
- Je ne me suis jamais posé la question.
- Nous appelons ce clavier AZERTY, puisque les premières lettres de la première ligne sont disposées ainsi. La première machine sfut inventée par Christopher Sholes, en 1873, pour améliorer la calligraphie, mais elle présentait un problème : si la personne dactylographiait très vite, les caractères s'entrechoquaient et enrayaient le mécanisme. Alors Sholes dessina le clavier AZERTY, un clavier qui obligeait les dactylographes à aller lentement.
- Je ne le crois pas.
- C'est pourtant vrai. Il se trouve qu Remington, qui à l'époque fabriquait des machines à coudre, utilisa le clavier AZERTY pour ses premières machines à écrire. [...] Je le répète : le clavier des machines et des ordinateurs a été conçu pour que les doigts frappent plus lentement, et non plus vite, comprenez vous ? Essayez de changer les lettres de place, et vous ne trouverez pas un seul acheteur pour votre produit."
La peur. Veronika pouvait éprouver de l'anxiété, de la timidité, de la honte, de l'embarras mais pourquoi la peur ? Ce sentiment ne se justifie que devant une menace concrète, par exemple des animaux féroces, mais pas devant un groupe réuni dans un réfectoire.
"Mais l'être humain est ainsi, se consola-t-elle. Il a substitué la peur à presque toutes ses émotions."
... le Dr Igor comprenait ainsi - que l'être humain ne s'offre le luxe d'être fou que lorsque les conditions sont favorables.
C'est précisément pour cette raison qu'il était directeur d'hôpital psychiatrique, et non pas un de ses malades : parce qu'il réfléchissait longtemps avant de prendre une décision.
- C'est pour ça que je pleurais, dit Veronika. Quand j'ai avalé les comprimés, je voulais tuer quelqu'un que je détestais. Je ne savais pas qu'existaient en moi d'autres Veronika que je pourrais aimer.
Elle avait toujours su que bien des gens commentent les horreurs qui frappent les autres comme s'ils étaient très soucieux de les aider, alors qu'en réalité ils se complaisent à la souffrance d'autrui, parce qu'elle leur permet de croire qu'ils sont heureux et que la vie a été généreuse avec eux. Elle détestait ce genre d'individus [...].