Citations sur Les huit montagnes (391)
Peut-être ma mère avait-elle raison, chacun en montagne a une altitude de prédilection, un paysage qui lui ressemble et dans lequel il se sent bien….
Et il disait : c’est bien un mot de la ville, ça, la nature . Vous en avez une idée si abstraite que même son nom l’est. Nous, ici, on parle de bois , de pré , de torrent , de roche. Autant de choses qu’on peut montrer du doigt. Qu’on peut utiliser. Les choses qu’on ne peut pas utiliser, nous, on ne s’embête pas à leur chercher un nom, parce qu’elles ne servent à rien.
Plus haut [...]
la végétation disparaît , la neige recouvre tout jusqu'à l'été et la couleur dominante reste le gris de la roche , veiné de quartz et tissé du jaune des lichens .
C'est là que commençait le monde de mon père .
Au bout de trois heures de marche , prés et bois cédaient la place aux pierrailles , aux petits lacs cachés dans les combes à neige , aux couloirs creusés par les avalanches , aux ruisseaux d'eau glacée .
La montagne se transformait en un lieu plus âpre , plus inhospitalier et pur : là-haut , mon père arrivait à être heureux .
p. 54
J'avais l'impression de pouvoir saisir la vie de la montagne quand l'homme n'y était pas. Je ne la dérangeais pas, moi, j'étais un invité bien accepté; et je savais qu'en sa compagnie il était impossible que je me sente seul.
Peut-être ma mère avait-elle raison, chacun en montagne a une altitude de prédilection, un paysage qui lui ressemble et dans lequel il se sent bien. La sienne était décidément la forêt des mille cinq cents mètres, celle des sapins et des mélèzes, à l’ombre desquels poussent les buissons de myrtilles, les genévriers et les rhododendrons, et se cachent les chevreuils. P 53
Le deuxième jour de marche, au fond de la vallée, apparurent les sommets de l'Himalaya. Je vis alors ce qu'avaient été les montagnes à l'aube du monde. Montagnes acérées, coupantes, comme si la Création venait à peine de les sculpter et que le temps ne les avait pas encore émoussées. Leurs neiges illuminaient la vallée du haut de leurs six ou sept mille mètres d'altitude. Les cascades tombaient des surplombs et creusaient les parois de roche, arrachaient aux pentes des coulées de terre rougeâtre qui s'en allaient bouillonner dans le fleuve. Plus haut, détachés de ce tumulte, les glaciers montaient la garde.
Si je vais vivre dans les bois, personne ne me dira rien. Si une femme le fait, on la traitera de sorcière. Si je me taisais, quel problème ça ferait ? Je ne serais qu'un homme qui ne parle pas. Une femme qui ne parle plus est forcément à moitié folle.
A un moment donné, il sortit une flasque de son sac, versa deux gouttes de grappa sur un carré de sucre et me l’offrit.
« Avec ça, t’iras à fond de train », dit-il. Puis, au bout d’un moment, il ajouta : « Il n’y a rien de mieux que la montagne pour se souvenir. »
Il ne faut pas croire qu'ils avaient le choix. Si quelqu'un va s'installer là-haut, c'est qu'en bas on ne le laisse pas en paix.
Mon père détestait les skieurs, il ne voulait rien avoir à faire avec eux, trouvant qu’il y avait quelque chose d’arrogant dans leur petit jeu qui consistait à dévaler la montagne, sans s’être donné la peine de la gravir, le long d’une pente aplanie par les décapeuses et équipée de câbles à moteur. Il les méprisait parce qu’ils arrivaient en masse et ne laissaient rien d’autre que des ruines derrière eux. P 75