C'est quoi ce bordel, ce désordre, ce foutoir, où les mères retombent en enfance alors que leurs enfants en sont à peine sortis ?
Je te hais.
Je hais le monde entier.
Comment as-tu pu devenir une menace, toi qui étais le rempart, l'abri.
Ton regard s'est mis à changer.
Par moments exalté, comme excité par une fièvre qui te brûle de l'intérieur et rend tes yeux trop brillants.
Par moments éteint, absent.
Comme un regard de cendres, qui ne se pose plus sur rien.
Du trou noir de sa bouche surgissent encore, comme des rats noirs, des mots violents, vulgaires, obscènes. Des mots qu'elle n'a jamais dits avec une voix qu'elle n'a jamais eue.
Le toubib a dit que tu oublierais tout.
Même nos noms.
J’AIME MIEUX QUE TU CRÈVES AVANT
D’OUBLIER MON NOM.
Et puis le reste est venu. Lentement. Insidieusement. Moins marrant.
Comme un poison qui, jour après jour, s'est mis à couler dans ton sang.
Comme un acide qui s'est mis à ronger doucement nos vies.
Comme un bulldozer qui s'est mis à saccager la mienne.
Pour moi, Sam, c'est terrible ce qu'elle a a maman. Les filles, en regardant leur mère, cherchent toujours à deviner ce qu'elle deviendront avec le temps. Les mères nous tendent un miroir alors tu comprends que j'ai peur.
( p 71)
Ken a des couilles en or et il les agite comme des grelots pour attirer les nanas .
( p 32)
Tu n'as pas le droit de te défiler si tôt, tu n'as pas le droit t'entends. Tu n's pas fini ton boulot de mère. Trop tôt. Arrête de mourir
Maintenant tu prends des tas de médicaments. Ils font taire en toi la mauvaise la brutale sorcière. Ils laissent vivre l'enfant douce et inoffensive. (p.78)
Ta maladie est un Golem qui, quoi qu'on fasse, avancera et détruira tout sur son passage.
Le programme qui t'attend est aussi irréversible qu'atroce : tu vas perdre peu à peu la mémoire, oublier les mots les gestes les visages.
Ton mal porte un nom barbare : Alzheimer. C'est le nom du psychiatre allemand, Aloïs Alzheimer, qui, le 26 novembre 1901, à l'asile de Francfort, a examiné une femme qui ne connaissait pas encore l'usage du Post-it mais présentait les mêmes bizarreries que toi.
Une maladie de vieux, dit le Net.
Toi, tu as seulement quarante-neuf ans. (p.47)