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Citations sur Nord-Nord-Ouest (22)

La Manche, c'était autre chose. Une eau de lessive, un fond d'évier. Avec ça, une perpétuelle odeur de marée basse et des moisissures venues des fonds croupis où la vase fermente et macère. Le Petit la regardait venir et repartir, avec cet air méfiant qu'il pouvait prendre en d'autres circonstances. Au nord, la mer est aussi grise que les gens, songea-t-il.
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Plusieurs fois dans la nuit, ils avaient entendu le hurlement lugubre d'une sirène. Sans pouvoir la situer précisément. Parfois, elle semblait venir vers eux. Ils évoluaient à l'aveuglette au beau milieu des méthaniers et des porte-conteneurs perceurs de vagues, filant vingt-cinq nœuds avec sur le dos l'empilement standardisé d'un gigantesque jeu de construction. Avec ça, l'eau calme était d'un vert algueux qui la rendait étrangement lumineuse. La houle couvait sous le joug pesant d'une mer d'huile et le soleil de donnait guère plus qu'un bricolage filamenteux.
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Ils avançaient, roulaient ou glissaient tandis que l'aube blafarde les repoussait vers la nuit du large. Regarder l'eau filer leur offrait toujours le même sentiment trompeur de vitesse, qu'ils ne retrouvaient pas en observant la côte. Pourtant, la longue trace du sillage était bien nette à la surface. La lumière du jour naissant blanchissait la mousse et l'éparpillait derrière l'annexe, à la traine comme un chien en laisse.
Devant eux, les petites vagues se dénouaient en frisottant contre l'étrave et couraient le long de la coque avec l'insouciance d'un rire enfantin. Venu de nulle part et illuminé comme une barre d'immeuble, un ferry gigantesque leur coupa la route pour rejoindre le port. Sa vitesse dépassait largement la leur. Ses vagues rapprochées firent gigoter Shangevar comme un jouet en polystyrène.
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Un naufragé garde l'horreur des flots, même lorsqu'ils sont tranquilles.
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Du soleil, il ne resta bientôt qu'un nimbe plus clair se superposant aux gris du ciel. Rien de cuivré, rien de flamboyant. Une brume très fine montait de l'eau et restait suspendue quelques mètres au dessus du voilier, comme une vapeur de cuisson. Slangevar frayait sa route dans l'intervalle, en déchirant le voile brumeux de la pointe du mât.


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L'obscurité les entourait. La nuit était venue sans qu'ils ne la sentent véritablement se poser sur eux. Du crépuscule, il ne restait qu'une fente lointaine. L’œil jaune d'un chat endormi sur la terre anglaise. Ils n'en devinaient qu'un trait sous la paupière.
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Dogwatch, c'est ce quart de nuit où le corps flanche et réclame le sommeil. Il gagne à l'usure, libère un flot d'endorphines suffisant pour assommer un cheval. Le froid paralyse les muscles, les pensées décousues deviennent des rêves et débordent la réalité pour paître un peu plus loin. Le seul bruit audible est celui de la mer, il recouvre tous les autres. La cinquième ou la sixième vague vous réveille presque aussi vite que les précédentes vous avaient endormi. Dogwatch, La veille du chien est entrecoupée par les soubresauts nerveux du chanfrein, les oreilles restent en alerte pour décoder en permanence le morse complexe venu de l'univers en mouvement. Des ondes et rien de plus. L'eau profonde, le compas titubant dans sa bulle et les voiles assombries par le renflement des cernes.
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Au début, on allait à Calais. C’était Calais et juste après, l’Angleterre des Anglais. Sur la carte, on aurait pu y aller à pied, dit le Petit. Juste avant de lancer la pierre qu’il tenait dans sa main. Demande-lui, toi, pourquoi qu’on est là ! Saint-Malo, c’était pas prévu au départ. Ma parole, Saint-Malo, on savait même pas où c’était !
Je vais pas où tout le monde va, dit Lucky.
Et tu vas où ?
Où je vais, c’est jamais trop loin.
À Calais, les mecs sont cachés dans la forêt.
Ferme ta bouche.
Pour passer, faut de la maille.
Ferme-la, j’te dis.
Y a les ferries, dit la Fille. En montrant l’eau devant eux, comme si un monstre blanc allait surgir et leur tendre une passerelle. De Saint-Malo à Portsmouth, faut compter une dizaine d’heures. Je l’ai fait avec mes parents. En partant le soir, on arrive le matin.
Non mais quelle conne !
La pierre frôla l’aile du goéland. Celui-ci fit mine de vouloir décoller et finalement se ravisa, en leur tournant le dos. Les deux pattes profondément enfoncées dans le ventre.
Lâche l’affaire, c’est mort. Les ferries. Le comité d’accueil au départ et à l’arrivée. Procédure Dublin, tu vois. Le flashage des empreintes digitales, tout ça.
Je sais pas si y a du monde qui cherche à embarquer, commenta la Fille. Les joues roses et les yeux brillants. Ici c’est tranquille, ajouta-t-elle. C’est que des vieux et des touristes.
Alors c’est pire.
On tient parce qu’on est invisibles.
On a bébar la cape à Harry Potter, ajouta le Petit.
Il leur tendit le paquet de cookies entamé. Lucky se leva et vint se rasseoir contre la Fille. Passa ses bras sur ses épaules, prit une voix rauque en regardant la mer. La Fille semblait lointaine. Perdue dans le retranchement d’une grotte ou d’un bunker, à travers les parois duquel les bruits du monde lui parvenaient assourdis. Lucky la chatouilla, souffla doucement dans son oreille. Respira ses cheveux. Murmura qu’avec l’anglais tout serait plus simple. L’anglais, c’était un uniforme. Comme à l’école.
On apprendra.
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Bien sûr, il avait la mer devant lui. La mer pour l’occuper. Une mer de copeaux de bois, de bavures métalliques venant claquer trois mètres plus bas contre les gros moellons du parapet. Les joues creuses, le nez taillé au cutter. La mer l’inquiétait sans que rien ne transparaisse sur son visage buté. Cette mer tout particulièrement, parce qu’elle bougeait tout le temps. Brassait la boue scintillante et filandreuse prélevée sur l’estran. Sur la carte, la Manche c’était un bras d’écolier qui faisait barrage entre entre la France et l’Angleterre. Rien à voir avec la mer telle qu’il la connaissait plus au sud, là où ses pieds ne s’étaient jamais véritablement défaits du sable sec. Depuis qu’il était né, partout la mer avait été douce et bleue. Même à l’automne, on pouvait s’y risquer et s’asseoir au bord pour un bain chauffé par le soleil. À n’importe quelle heure de la nuit ou de la journée. Relax, les bras croisés sur la peau tiède et les yeux perdus dans le tumulte des vagues. Jamais on ne lui avait appris à nager, mais s’il le fallait il se débrouillait comme un animal paniqué. En battant l’eau furieusement.
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L'immobilité le rendait maladroit. Les bourrades de la houle les secouaient bien plus que lorsqu'ils couraient en biais sur les vagues. Le Petit dégueula sur le capot du moteur.
Lucky libéra la drisse et fit descendre la toile jusqu'à la deuxième rangée de ris. Puis il se déplaça le long de la bôme pour ferler le bourrelet dans ses rabans. Ses pieds ripaient sur le bois. Lorsque la voile s'écartait du rouf, il ne tenait plus que sur les pointes. Le vent volait ses insultes et reprenait dans le creux pour le faire pivoter en l'entraînant dans le vide. La Fille borda la grand-voile pour le ramener dans l'axe. A côté d'elle, le Petit achevait de vomir. Le front posé sur la filière. Elle remonta lentement bout au vent. Trouva sans le vouloir l'immobilité de la cape, avec le foc à contre et la barre dessous.
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