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3,63

sur 80 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Publié aux Etats-Unis en 1959, traduit en français seulement en 1990, sa réédition ce mois-ci par les Editions 10-18 permet une belle découverte de ce livre.

« Mrs BRIDGE » raconte la vie dans les années 1930, d'India BRIDGE, épouse d'un avocat qui n'est quasiment jamais là tant il semble ne vivre que pour son travail. Grâce aux revenus confortables de son mari, la jeune femme n'a pas grand chose à faire : elle a à sa disposition une cuisinière-femme de ménage, quelqu'un pour s'occuper du linge, un jardinier etc…

Certes, elle est mère de trois enfants mais elle a devant elle énormément de temps libre dont elle ne sait pas quoi faire. D'ailleurs, le désoeuvrement semble être le mal qui ronge ses voisines et amies.

Le livre est construit sous la forme de chapitres très courts, qui tous abordent un sujet qui pose souci à India. On y traite de l'éducation des enfants, des bonnes manières en vigueur à l'époque, du racisme, du temps qui passe, du couple et de ses non-dits, de la vacuité de l'existence. Toutes les situations sont dépeintes avec justesse et beaucoup d'humour, voire d'ironie. C'est un formidable témoignage des usages de la petite-bourgeoisie américaine de l'époque.

Je me suis demandée si le scénariste des fameuses « Desperate Housewives » ne s'était pas inspiré de ce roman.

J'ai omis de vous dire qu'il existe un autre roman, qui fait le pendant avec celui-ci : « Mr BRIDGE » dans lequel la parole est donnée au mari. J'ai très envie de le lire car je me demande s'il est réellement tel qu'il est décrit par sa femme, ou s'il a des secrets bien cachés…. Ben, j'avoue, je me suis posée des questions !!

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"Mrs Bridge" (1959) fait partie d'un diptyque avec "Mr Bridge" (1969) et les romans font l'objet d'un véritable culte aux USA, certains estimant qu'il s'agit d'un chef d'oeuvre en raison du style narratif de Connell : 117 chapitres dont chacun constitue le descriptif d'une tranche de vie de Mme Bridge, chapitres livrés dans un style sans aucune fioriture et sans aucune interprétation.
C'est un très bon livre, bouleversant, émouvant, dérangeant. Il raconte par petites touches la vie d'India Bridge à Kansas City, dans le Missouri des années 30-40 au sein d'une bourgeoisie rigide et bien pensante.
India est marié à un avocat qui travaille beaucoup trop, arrive épuisé chez lui, renfermé et ne veut surtout pas s'épancher ni avec sa femme ni avec ses enfants qui sont trois : deux filles et un garçon. India Bridge est tellement momifiée dans ses actions qu'elle a perdu jusqu'au sens maternel; elle ne communique pas avec ses enfants, elle égrène à longueur de journées des diktats de conduite à ses enfants, elle ne les touche plus jusqu'à provoquer un sentiment de répulsion si jamais par mégarde elle frôle son fils. Et les trois enfants dans ce contexte sans chaleur vont devenir aussi ternes et fermés que leurs parents.Et les années passent, les enfants grandissent, les amis vont et viennent, et elle est toujours là à attendre que les choses se présentent à elle sans que jamais elle s'immisce de prendre une décision ou un parti. Terne de terne, comme femme et malheureuse, bien sûr. Sa belle vie lui aura glissé dessus sans que jamais elle se soit laissée aller à la vivre avec passion ou une détermination émanant d'elle même.

Un portrait sans concession d'une certaine Amérique aujourd'hui révolue. Grandiose, très bon.

On peut rapprocher ce livre d'un "Stoner" de John E. Williams (1965) que j'ai lu et trouvé excellent ! et de "La fenêtre panoramique" (1961) d'un Richard Yates et de "La Conjuration des Imbéciles d'un John Kennedy Toole qui se déroule en 1963 et qui a été publié à titre posthume en 1980. Ces deux derniers je me dois de les lire.


Lien : https://pasiondelalectura.wo..
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Mrs Bridge est un roman en diptyque ( le roman Mr Bridge suit) qui raconte l'histoire de la famille Bridge vivant à Kansas City dans les années 1900.
Ce livre se lit du point de vue de Mrs Bridge, nous décrivant ses états d'ames, ses envies, ses pensées les plus profondes.

C'est écrit de manière très simple, les phrases sont courtes, les chapitres tout aussi brefs.

J'ai beaucoup aimé suivre la vie de cette mère de famille de 3 enfants et j'ai hâte de lire Mr Bridge!
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D'abord Mrs Bridge.
Mrs Bridge dont la vie s'écoule sans vague ni remous, dans cette Amérique des années 30 puis 40 qu'elle traverse avec la certitude quiète de ceux qui ne manquent de rien, ce grâce à son avocat de mari qui passe sa vie au travail pour assurer le confort matériel des siens. Les Bridge comptent ainsi parmi la moyenne bourgeoisie de Kansas City, et comme toutes les bourgeoises de Kansas City, Mrs Bridge est mère au foyer, s'occupant de leurs deux filles, Ruth la discrète et Carolyn la dégourdie, et de leurs fils Douglas, dernier essai réussi pour avoir un garçon.

Au fil de courts chapitres de nature anecdotique mais significative, Evan S. Connell dévide la routine de son existence, et met en évidence le vide qui affleure sous le vernis d'apparences toujours sauvegardées. Car enserrée dans le carcan de la bienséance, de la respectabilité, Mrs Bridge ne vit pas vraiment. Chacun de ses actes, chacune de ses paroles, sont conditionnés par la conviction de ce qu'elle et les membres de sa famille représentent, conviction fondée sur les critères d'une convenable "normalité" à laquelle elle se soumet aveuglément.

Son emploi du temps, les enfants grandissant, devient de plus en plus difficile à combler. Elle ne peut plus par ailleurs s'occuper aux tâches ménagères depuis que les Bridge ont embauché Harriet, une jeune noire, comme employée de maison. Il lui reste les boutiques -mais de caractère raisonnable, peu dispendieux, elle finit par trouver cela un peu vain- et les sorties avec ses amies. Ce désoeuvrement est à peine exprimé. Jamais Mrs Bridge ne s'en plaint, comme elle ne se plaint d'ailleurs jamais de rien, ne profère jamais un mot plus haut que l'autre, ne contredit jamais ses interlocuteurs.

Car Mrs Bridge, en apparence du moins, n'a pas d'avis, pas d'envie, pas d'états d'âme. Elle n'a surtout pas d'opinions, si ce n'est celles de son mari, qu'il convient d'avoir selon son milieu et son appartenance sociale, qui sont souvent d'ailleurs, plutôt que des opinions, des préjugés. Ses lectures se cantonnent généralement à celle du journal mondain de Kansas City. le moindre accroc, le moindre élan de spontanéité menaçant la creuse plénitude de son quotidien la perturbent, la solution pour y faire face consistant à faire comme s'ils n'existaient pas. On a l'impression qu'elle évolue dans un univers factice, ultra sécurisé, un microcosme au sein duquel, insipide, lisse, étrangère à toute passion, elle porte avec une innocence tout de même un peu suspecte les oeillères qui lui évitent toute remise en question, toute curiosité vis-à-vis de ce qui se passe ailleurs, la hissant dans les hauteurs d'un monde où la pauvreté, la violence, l'injustice, ne sont que de faibles échos bien vite étouffés.
Ainsi, elle pratique la charité et l'ouverture d'esprit comme le reste : avec parcimonie et selon un protocole bien établi. Malgré un intérêt feint et de bon aloi pour les minorités, noirs, pauvres ou juifs, il est préférable, pour sauvegarder la pérennité de cette société à niveaux hermétiques, de ne pas se mélanger...

On en vient à se demander si elle a des sentiments, cette Mrs Bridge : même avec ses enfants elle garde une sorte de distance -sauf peut-être avec Carolyn, qui lui ressemble-, comme si elle observait avec curiosité et une vague crainte ces êtres sur lesquels son emprise a une limite. Imaginer qu'il faudra un jour les considérer comme des grandes personnes l'ennuie...

Mais oui, elle en a, des sentiments, qui se révèlent, par bribes, à l'occasion de questionnements qui éclatent, en petites bulles, à la surface de son existence plane et confortablement mortifère, de vagues impressions, de sombres pressentiments qui la saisissent à la pensée du passage du temps, comme si quelque chose qu'elle n'avait pas su saisir s'éloignait, comme si des attentes s'étaient évaporées avant même d'avoir pu être vraiment formulées... mais comme tout ce qui pourrait venir bouleverser la route bien tracée de son existence, elle enfouit ces fugaces ingérences sous le vernis de son impassible honorabilité, restant aux yeux du monde Mrs Bridge, une épouse, temporairement une mère, et c'est tout.


"Il ne voyait pas l'intérêt d'instruire ses filles ou de préparer leur avenir, si ce n'est en s'assurant qu'elles soient propres, polies, franches, modestes et convenablement éduquées. Quant au reste, leur mère y pourvoirait."

Ensuite, Mr Bridge.


Ce qui frappe assez vite avec ce pendant au roman ci-dessus, écrit dix ans après, c'est l'impression de découvrir deux vies parallèles qu'aucune friction ni communion ne permettent de lier, deux solitudes qui se côtoient sans jamais se rencontrer vraiment.

Si Mrs Bridge pouvait passer pour l'archétype de l'épouse docile, offrant au monde une image d'épouse et de mère "modèle", Mr Bridge est quant à lui un symbole du conservatisme, produit de la classe moyenne de cette Amérique des années 30 qui, épargnée par la crise économique, évoluant dans un environnement socialement uniforme, se conforme avec intransigeance aux carcans moraux de leur caste.

C'est a priori un homme sans surprise, qui accorde à la réussite financière une importance capitale, l'époux et père représentant le garant de la sécurité matérielle de sa famille. Il passe d'ailleurs bien plus de temps à son cabinet d'avocat que dans son foyer, entretenant avec son assistante une complicité intellectuelle dont il ne rêve même pas avec sa conjointe. Il est ainsi celui qui inculque à ses enfants, par l'exemple, le culte du mérite, le travail étant le pilier sur lequel tient la respectabilité de l'individu et la pérennité d'une société américaine qu'il ne voit que prospère, où tout individu, si tant est qu'il s'en donne les moyens, peut saisir sa chance, la pauvreté étant par conséquent un corollaire de la paresse... Dans le monde de Mr Bridge, la place de chacun est précisément définie : la mère au foyer, le mari au travail, les noirs hors des sphères logiquement réservées aux blancs... Tout doit être contrôlé, organisé. Lui-même ne s'autorise aucun laisser-aller, aucune spontanéité. Contrairement à sa femme, il affirme ses opinions -fondées sur des préjugés reniant la légitimité de toute différence- avec la conviction de leur justesse, ne tolère aucune remise en question, et en instruit ses enfants en père pontifiant, comme s'il le faisait au nom d'une instance moralement supérieure.

Incapable d'auto dérision, psycho rigide, il se rend parfois bien compte qu'il force un peu le trait, mais il est exclus de s'abaisser à une bienveillance ou une tolérance qui seraient preuve de faiblesse.

Un bien sinistre personnage, en somme, dont on pourrait se demander s'il est capable d'éprouver quelque émotion... on se prend, par moments, à penser que Mr Bridge est une belle ordure -la manière dont il commente le lynchage d'un noir en présumant qu'il avait probablement fait quelque chose de mal est notamment particulièrement glaçante- et à se demander quels auraient été son destin, son comportement, s'il avait été citoyen allemand, mais cela n'a pas de sens, car ce qu'on l'on est dépend au moins autant des circonstances, de l'environnement dans lequel on vient au monde, que d'un caractère qui déterminerait nos pensées et nos agissements. Mr Bridge est Mr Bridge parce qu'il est né en Amérique, dans un milieu qui a dans une certaine mesure conditionné une vision du monde que son refus de réelle confrontation avec des êtres différents n'a pas permis de nuancer, ou de démentir.

La méthode narrative est calquée sur celle qu'utilisait déjà l'auteur dans "Mrs Bridge", une succession de courts paragraphes dévidés sur un ton anecdotique, Evan S. Connell exprimant des faits, sans jugement, même si le choix même de ces faits dénote la férocité du regard. Et comme dans Mrs Bridge, il laisse parfois affleurer les manifestations de pulsions, de questionnements, qui viennent bousculer, l'espace d'un instant, la rigoureuse structure mentale de son personnage, qui expriment alors ses frustrations ou d'inavouables désirs, les sentiments que lui inspirent sa femme -qu'à aucun moment il ne tente de comprendre- et ses enfants, enfouis sous l'auto-censure qu'il s'impose au nom, sans doute, de son équilibre psychologique et existentiel...
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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C'est l'histoire de Mme Bridge, femme du début du 20e siècle, issue d'un milieu aisé et conformiste. Elle n'a rien d'une héroïne, ne mène pas une vie extraordinaire, ses enfants sont normaux, son mari est normal. Bref, une histoire familiale normale, dans une ville normale, avec des gens normaux.
On pourrait penser que l'ennui de toute cette belle normalité va nous assommer et nous faire refermer ce livre apparemment sans relief.
Eh bien pas du tout.
Par petites touches impressionnistes, sans jamais analyser ou écrire de longues descriptions explicatives et contextuelles, l'auteur dresse un portrait de cette classe moyenne, et nous fait sentir tout le côté tentaculaire du savoir-vivre et des bonnes manières érigés en modèle de vie.
Le regard de l'autre et le qu'en dira-t-on prennent le pas sur la pensée, le conformisme devient la valeur de base, un véritable mode de vie.
Pourquoi changer les choses ou essayer de les comprendre puisqu'on a toujours fait comme ça ?
De temps à autre, une lueur d'incompréhension, de malaise pourrait amener à réfléchir, mais tout est gommé par un haussement d'épaule, un sourcil levé. Jamais une note plus haut que l'autre. Sourire plutôt que se confronter, oublier plutôt que se confronter à soi-même et à la remise en question d'un système qui nous arrange.
Les anecdotes se succèdent et le portrait est de plus en plus précis.
L'écriture, d'une concision parfaite, relève du miracle.
L'auteur à un art incroyable de souligner l'inanité d'une vie, en rendant les personnages touchants et pris au piège d'une société où un compliment est sensé effacer une vexation, où l'on habite un quartier parce qu'il correspond à notre statut social.
On ronronne, on ne vit plus.
La société nous lisse et nous polisse.
Le sens de l'existence disparaît, étouffé dans une sorte de résignation à peine perçue.
Surtout ne pas dépasser.
Le style, tout en ironie, d'Evan S. Connell porte tout cela avec une finesse et une justesse incroyable.
Je suis sous le charme.

Je remercie Masse Critique et les Editions Belfond : je n'aurais jamais posé un regard sur ce livre, le découvrir a été une très agréable surprise.
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L'auteur Evan S. Connell retrace en 310 pages la vie de Mrs Bridge, l'héroïne de ce roman éponyme. 310 pages, c'est à la fois beaucoup pour rentrer dans l'intimité de cette femme, et en même temps, si court pour relater une vie. le tableau s'annonce idyllique, paisible : celui d'un couple petit-bourgeois américains des années 1930.

Finalement, le lecteur termine ses 310 pages perturbé : il oscille entre un sentiment d'oppression et de soulagement. Ouf, c'est enfin fini! Quelle triste vie...
L'auteur a choisi de relater cette vie parfaite sous forme de très courts chapitres. Choix judicieux qui accentue la sensation de vie étriquée de notre héroïne. Toute tentative, celle de s'émanciper des codes sociaux, du regard de l'Autre, du modèle de la femme au foyer parfaite qui vit dans l'ombre de son mari et des enfants, est tout simplement vouée à l'échec. Dans un silence feutré, sans heurts. Cette femme ne peut que s'engluer un peu plus dans un quotidien certes douillet, mais totalement insipide.

C'est ainsi qu'elle abandonne le projet d'apprendre l'espagnol, ou de peindre, ou de s'affirmer tout simplement, de se poser juste les questions : qu'ai-je envie de faire de ma vie? Qui suis-je vraiment?. Mrs Bridge se résigne, s'étiole. le roman se termine sur sa solitude pathétique : "Mais, personne ne répondit".

L'auteur peint avec justesse le portrait d'une Amérique aisée et en apparence épanouie, mais qui étouffe, souffre d un mal être terrible.
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