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3,63

sur 80 notes
Mais quelle bonne idée , de la part des Editions Belfond ,de ressortir des romans oubliés ou méconnus de nous autres Français, sous l'appellation "roman vintage" !
Mrs Bridge (et Mr Bridge) , une oeuvre en diptyque , sortie en 1959 , raconte les tribulations d'une mère au foyer américaine , entre les deux guerres .
Adapté au cinéma avec dans les rôles titres , Paul Newman et (son épouse dans la vie ) , l'actrice Joanne Woodward en 1990 , ces deux romans sont très estimés par les écrivains américains .

Madame Bridge n'a jamais compris pourquoi ses parents lui avait donné un prénom aussi original qu'India , elle qui est si conventionnelle . Jamais un mot plus haut que l'autre , la politesse jusqu'au bout des ongles , Madame Bridge , pur produit de son éducation, va traverser sa vie sans que rien ne l'atteigne vraiment . Elle ira de tâtonnement, en hésitations, interrogations , désoeuvrement, sans que jamais , elle ne mette un coup de pied dans la fourmilière .
Ayant épousé jeune fille , un avocat promis à un bel avenir , elle se contentera de ce que son mari lui donne comme affection oubliant son désir à elle et son insatisfaction en cours de route ...
Trois enfants plus tard , elle les regardera grandir, dubitative, ne remettant jamais en question leur éducation, sans vraiment les connaitre, sans vraiment les comprendre .
D'ailleurs, c'est cela le drame de sa vie . Comprend -t-elle sa vie ? A quoi sert-t'elle ?
Perdue dans une grande maison, où la bonne effectue toutes les taches, elle s'ennuie ...
La fille du jardinier noir joue avec la sienne , jusqu'à ce qu'elle s'arrange pour les séparer. On ne se mélange que jusqu'à un certain âge et que jusqu'à un certain point .
La société change , évolue : ce sera sans elle .
Racisme bien pensant , nazisme qui pointe son nez , féminisme , sexualité . Madame regarde sa vie mais ne la vit pas . ♫Madame rêve ♫, madame Bridge est à coté de la plaque , mais Mrs Bridge est une bonne épouse, une bonne citoyenne, Mrs Bridge ne fait pas de vagues ..
Une exquise esquisse d'une femme d'une certaine classe sociale, d'une certaine époque, dans un certain pays ...

♫Madame rêve♫ , élégante chanson au rythme lancinant pourrait être la BO de ce livre . Un charme suranné, désuet, une plume ciselée , précise . Une espèce de distance dans l'ironie . Un roman d'une classe aristocratique .

Hum ... maintenant que j'ai fait la connaissance de Madame , j'aimerais que les éditions Belfond me présente rapidement Mr Bridge ...
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Mrs Bridge vit à Kansas City, Mrs Bridge fait ses courses à la Plaza, Mrs Bridge est mère de trois enfants - Ruth, Carolyn et Douglas-, Mrs Bridge a une domestique noire, Harriett, qui fait tout dans la maison,Mrs Bridge est l'épouse d'un homme d'affaires, Mr Bridge, qui travaille beaucoup et gagne beaucoup d'argent,Mrs Bridge a aussi des amies avec qui prendre le thé ou évoquer les derniers potins.

de temps en temps une guerre éclate, une amie se suicide, son mari l'emmène en Europe, sa fille préférée fait un méchant mariage.. mais la plupart du temps il ne se passe rien, dans sa vie, que de menus événements, dérisoires, répétitifs, et surtout lointains, comme déconnectés de sa petite existence gâtée, grise et bien réglée de wasp américaine et provinciale.

Parfois le doute ou l'inquiétude étreignent son petit coeur de porcelaine.

Parfois elle entrevoit les failles terribles du temps, celles de l'incompréhension, celles du malentendu - derrière le blindage ouaté de la bonne éducation qui veut qu'on ne parle jamais de ce qui va mal, de ce qui dérange, ou de ce qui choque.

Parfois elle voudrait bien passer outre la crainte paralysante du qu'en-dira-t-on et demander à Douglas, son enfant sauvage, plein de bon sens et de colère, pourquoi il construit une tour de détritus dans le jardin, pourquoi il se bat de toutes ses forces contre Tarquin, le petit voisin psychopathe- mais de si bonne famille pourtant! Mais elle se contente de faire détruire la tour, de prodiguer à son fils des conseils de patience et de civilité...

Parfois elle retrouve dans Carolyn sa propre inadaptation à la vie, son incapacité à faire face aux problèmes domestiques, à concevoir d'autre activité que celles de ses loisirs et de ses 'achats..Mais elle ne peut lui dire qu'elle aussi souffre d'être ainsi éloignée du monde, coupée des autres et de la vie matérielle par une éducation, un milieu social trop protégés. Alors elle essaie de la persuader que tout va s'arranger, son mariage raté, sa souffrance...

Parfois elle est sur le point de dire à Mr Bridge qu'elle désire autre chose: un peu plus d'amour, un peu plus de ferveur, un peu plus de mots, ou même simplement, un peu moins de domestiques, un peu plus de choses à faire.

Parfois une amie -Grace Barron, la transgressive-, parfois Ruth, sa fille "artiste", aux ongles faits, à la bouche rouge, aux talons hauts, partie vivre enfin sa vie à New York, loin du regard lourd de blâmes de sa mère, parfois Alice Jones, la petite fille du jardinier noir arrivent à lézarder l'édifice fragile des certitudes qu'elle s'est construit pour se mettre hors d'atteinte du monde..

Serait-elle réactionnaire? vieux jeu? hypocrite? raciste? Mais très vite, elle replonge dans la mer tiède des habitudes et du désoeuvrement..

Et le temps passe. Les enfants grandissent, mûrissent, partent, ratent ou réussissent leur vie; la guerre tue et mutile, le travail aussi.

Et Mrs Bridge au milieu des coups du sort, des cruelles ironies du destin, reste comme la vieille Lincoln coincée dans le garage: entre deux portes, entre deux eaux, entre deux mondes. Ni dedans, ni dehors.

Un livre étonnant: un peu ennuyeux mais brillamment écrit, plein d'une ironie douloureuse, et d'une mélancolie distinguée, détachée...

Constitué de 117 petits fragments, apparemment décousus, il tisse pourtant à points serrés un portrait de femme à la Mrs Dalloway, subtil et désenchanté, cruel et percutant: on a le coeur broyé mais sans pathos et sans larmes.

Je suis vraiment curieuse de lire son pendant : Mr Bridge, qui doit donner à ce portrait de femme rompue, effacée, envolée, son contrepoids attitré.Dommage de ne pas avoir réuni les deux faces de ce Janus conjugal dans la même réédition!

En tous les cas, c'est une belle découverte, une oeuvre vraiment intéressante et je remercie de tout coeur les éditions Belfond et Masse critique de Babélio pour m'avoir permis d'en bénéficier!
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Splendeur ! Merveille infiniment triste, mais aussi drôle et légère ! Mrs Bridge, petite soeur coincée de Madame Bovary, petite soeur innocente, sourde, aveugle...
India (beau prénom recherché auquel elle n'a jamais pu s'habituer ) vit à Kansas City dans l'entre-deux-guerres, avec son mari Walter Bridge, et ses trois enfants Ruth, Carolyn et Douglas. Son portrait est dressé avec génie par l'auteur en cent-dix-sept touches, à la fois impressionnistes et chronologiques, qui nous mènent de la jeune fille à la vieille dame. Tout est extraordinaire dans ce texte :
-le temps qui passe sans bruit, détruit silencieusement, et l'esprit qui reste identique à lui-même jusqu'à se dire avec surprise que la vie est passée...Cela fait encore penser à Flaubert et Un coeur simple.
-La distance, la solitude de Mrs. Bridge face à son mari, ses enfants qu'elle ne comprend pas, de moins en moins, enfermée qu'elle est dans des conventions qu'elle ne peut pas remettre en question.
-Le poids des conventions sur un esprit normal, peu aventureux, qui mène au déni du réel, presque à la folie tant le monde de Mrs Bridge est restreint, superficiel, immature. Ainsi, quand sa fille Ruth révèle à sa mère qu'elle héberge souvent chez elle, à New York, un ami homosexuel, sa mère lui dit ne pas comprendre ce qu'elle dit. Et en la regardant, Ruth se rend compte avec stupeur, effroi et pitié que c'est la vérité. Mrs Bridge ignore l'existence de l'homosexualité.
-L'ennui, l'inutilité, le vide de son existence qui l'approche d'un profond vertige.
-l'absence de réflexion sur les questions fondamentales du siècle, les guerres, la ségrégation raciale, les crises.
Et la lectrice est profondément choquée et bouleversée que l'on puisse éduquer un être à n'être qu'ignorance et apparence. Mrs Bridge pressent qu'il y a autre chose, mais elle ignore quoi. Et faute de le comprendre, de le chercher, faute qu'on l'aide à le faire, qu'on s'intéresse suffisamment à elle pour lui montrer la voie, elle perd tout, ou bien elle n'a jamais rien eu.
C'est beau, affreux, magnifique.

Et...L'auteur a eu l'idée maîtresse de continuer par la création d'un deuxième tome : Mr. Bridge. La même histoire, côté mari...
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Mrs Bridge est gentille, c'est une bonne épouse qui tient bien son intérieur et veille au confort de son mari, et c'est aussi une mère dévouée, même si elle ne comprend pas grand chose aux souhaits et aux désirs de ses enfants pas plus qu'à ceux de son mari d'ailleurs.
Car il faut bien reconnaître que Mrs Bridge ne semble pas très intelligente. Elle a certes fréquenté une université de filles, mais surtout afin de se dégoter un époux, donc, de ce point de vue, c'est mission accomplie.
Elle n'a pas grand chose à faire car elle a des domestiques et elle n'a pas trop le loisirs de réfléchir non plus, car elle ne lit pas, ne s'informe pas de l'état du monde, ne fréquente que des gens avec lesquels les conversations sont légères et conventionnelles.
Mrs Bridge n'a pas de préoccupations très compliquées, si ce n'est décider si il convient de changer les bougeoirs ou d'acheter de nouvelles serviettes d'invités.
La vie de Mrs bridge est donc monotone et elle s'ennuie énormément.
Pourtant je ne me suis pas ennuyée une seconde à la lecture de sa vie, car l'auteur a un humour féroce et il se moque de ces bourgeoises vivant aux états-Unis dans les années 60 qui n'ont rien à faire, rien à dire, car la vie est toute tracée pour ces épouses et mères de famille et on n'attend absolument rien d'elle hormis ce qu'on leur a appris à faire.
Ah, comme cela fait du bien de se dire qu'aujourd'hui, en France, on peut décider qui on va épouser ou pas, qu'on peut exercer la profession de son choix, qu'on peut s'habiller comme on veut, qu'on peut choisir aussi bien ce qu'on va mettre dans son assiette que le livre qu'on va lire, qu'on peut avoir des idées et même en faire part aux autres sans se faire rabrouer parce qu'on dit des sottises...
La pauvre Mrs Bridge elle, ne mange que ce que l'on a coutume de manger, ne boit pas plus que son mari ne l'autorise, ne porte un pantalon que pour jardiner, se rend à des dîners ennuyeux parce qu'il est mal vu de ne pas y aller, en somme, sa vie n'est régie que par des obligations ou des interdits.
Mais en échange, elle jouit d'une vie confortable, délivrée des soucis d'argent, et elle a l'approbation de sa famille et de la société toute entière qui encourage ce conformisme.
Ce portrait d'une bourgeoise sans personnalité m'a fait sourire à de nombreuses reprises car les pointes d'humour sont nombreuses et mordantes.
Un récit léger, pour les vacances, mais qu'on est content de quitter car la vie d'une femme au foyer qui met son cerveau au repos 90 % du temps n'est vraiment pas ce qui me fait rêver.
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Tout d'abord un grand merci aux Editions Belfond et à Babelio pour m'avoir permis de découvrir Mrs Bridge de Evan S.Connell paru dans la collection vintage.
En premier lieu il est très important de rappeler que ce roman avec son pendant Mr Bridge est une oeuvre, parue en 1959," fondatrice de la littérature américaine d'après-guerre" (4ème de couverture).
Mrs Bridge , India pour les intimes, nous relate la vie d'une jeune femme qui ,après la mort de son père, épouse un jeune avocat promis à un bel avenir. Elle le suit bientôt à Kansas City où il ouvre son cabinet. Les années passent, les enfants naissent,école, réunion des parents d'élève, fréquentation des femmes du Country Club, l'entre deux- guerre .Mon Dieu, quel ennui ! Rien , il ne se passe rien .....j'ai bien cru que j'allais abandonner ma lecture mais heureusement j'étais mandatée et voilà tout à coup le déclic , à mi-livre le regard que Mrs Bridge porte sur le monde change ,oh pas brutalement je vous rassure mais petit à petit une rencontre,une amie , Grace Barron, juive et progressiste, une femme exilée venue d'Europe, un voyage en Europe avec son époux interrompu par l'invasion de la Pologne .Mrs Bridge en prenant des années, en voyant ses enfants grandir et prendre leur envol, prend soudain conscience du temps qui passe ... Qu'a t'elle fait , pour qui , comment, pourquoi, vers où va t'elle ? Que de questions souvent sans réponses.Un époux aimant mais trop absorbé par son travail et le désire de la combler financièrement , des enfants qui s'éloignent , l'âge et surtout l'ennui , les heures qui défilent et rien à faire, ne serait elle pas passée à côté de la vie ?
Un roman doux amer qui une fois terminé laisse 'un goût acre " en bouche , le deuxième volet de ce dytique vient aussi de paraître , le regard de Mr Bridge est certainement différent de celui de son épouse et ma curiosité me poussera sûrement à le découvrir .
Curieuse aussi de voir le film réalisé par James Ivory en 1990 avec Paul Newman et Joanne Woodward tiré de ces deux romans.
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Après « La fenêtre panoramique » et « L'homme au complet gris », voici ma troisième plongée historique dans la vie de banlieue américaine… La préface emphatique de Joshua Ferris parle de « cauchemar existentiel à part entière » : pour ma part, je n'étais pas loin du cauchemar tout court.

Dans ce roman [vintage] de 1959 réédité par Belfond, Evan S. Connell décrit sur 360 pages et 107 courtes scènes l'existence d'India Bridge, femme au foyer à Kansas City dans l'entre-deux guerres. Mrs. Bridge, comme son nom l'indique, est l'épouse de Mr. Bridge, avocat qui passe presque tout son temps au bureau, et la mère de trois enfants: Ruth, Carolyn et Douglas, qui ont le don de la déconcerter.

L'originalité du récit est de placer la narration uniquement du côté de Mrs. Bridge, offrant une vue partielle des événements à travers ce qu'elle en perçoit, laissant au lecteur le soin d'imaginer le reste et de tirer ses propres conclusions. Mais la distanciation volontaire de l'auteur envers son [anti] héroïne, l'insipidité de ladite héroïne, et la succession de chapitres-anecdotes en font une lecture bien aride, en tout cas en ce qui me concerne.

En effet, au pays des Desperate Housewives, Mrs. Bridge ferait plutôt figure de Decerebrate Housewife. le conformisme est sa seule ligne de conduite et tout acte, personne ou opinion qui s'en éloigne la trouble de manière confuse. le style vestimentaire osé de sa fille aînée Ruth la dérange, elle ne comprend pas pourquoi son fils s'acharne à entrer dans la maison par la porte de service… Alors que dire de sa sidération devant sa voisine Grace, en pantalon, jouant au ballon dans la rue avec ses enfants ! Ce n'est pas pour autant qu'elle réagit ; le temps passe, sans que rien ne l'atteigne vraiment.

Mrs. Brigde ressent certainement un vide dans sa vie, il est dit à plusieurs reprises qu'elle s'ennuie seule avec sa domestique Harriet dans sa grande maison lorsque son mari est au bureau et les enfants à l'école. Mais toutes ses tentatives pour s'intéresser à quelque chose : apprendre l'espagnol, découvrir l'art, la politique… s'arrêtent par manque de motivation. Elle est d'une passivité déroutante, s'en remettant à son mari ou à ses connaissances pour savoir quoi lire ou penser, bien qu'elle ait fait des études. Après une sortie culturelle, elle se rend compte que finalement elle n'a pas aimé les poèmes déclamés, et l'exprimer tout haut la surprend elle-même.

Contrairement aux deux romans cités plus haut, dotés d'un souffle et d'une vraie puissance dramatique, je n'ai ressenti aucune empathie avec Mrs. Bridge. Sans doute, pour équilibrer la lecture et la rendre plus attractive, serait-il judicieux de lire son pendant, Mr. Bridge, en parallèle ou juste après. Un grand merci à Babelio et aux éditions Belfond pour leur confiance lors de cette opération spéciale de Masse Critique.
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Tout allait bien, semblait-il. Les jours, les semaines, les mois passaient, plus rapidement que dans l'enfance, mais sans qu'elle ressentit la moindre nervosité. Parfois, cependant, au coeur de la nuit, tandis qu'ils dormaient enlacés comme pour se rassurer l'un l'autre dans l'attente de l'aube, puis d'un autre jour, puis d'une autre nuit qui peut-être leur donnerait l'immortalité, Mrs. Bridge s'éveillait. Alors elle contemplait le plafond, ou le visage de son mari auquel le sommeil enlevait de sa force, et son expression se faisait inquiète, comme si elle prévoyait, pressentait quelque chose des grandes années à venir.

Oui voilà ce qu'est la vie de Mrs Bridge, après la lecture de Mr Bridge il y a quelques mois, publié 10 ans après Mrs Bridge, il me fallait connaître la version de Madame sur la vie de sa famille, à partir des années 1930 jusqu'au départ des enfants du nid, au début de la deuxième guerre mondiale.

J'avais trouvé globalement la lecture assez longue, répétitive sur le quotidien de cet avocat d'affaires, égoïste, obsédé par son travail, se reposant totalement sur sa femme, India, pour le bon fonctionnement de la maison et des enfants mais surtout parce que je me demandais pourquoi sa femme ne réagissait pas, qui était-elle vraiment ? Pas à travers le regard de son époux, mais dans sa tête, à quoi pensait-elle, était-elle heureuse ?

Pauvre femme de la middle-class américaine des années 30 : que de soucis à régler :

les enfants en particulier Douglas avec qui elle est en conflit permanent et qui mettra un peu de piquant et d'originalité, les filles : Ruth, jolie, indépendante, artiste, Carolyn, brillante mais le miroir de sa mère. Elle doit tout surveiller, contrôler : le linge, les sorties, les relations amicales et plus, envisager l'avenir de chacun et chacune. 
le mari : totalement indifférent à sa vie, à ses pensées, à ses aspirations et qui ramène tout à lui, son travail, ses préoccupations. C'est lui qui donne le tempo : même pendant un cyclone, il dîne, ne bouge pas et India attendra qu'il se lève pour se mettre à l'abri ..... Alors qu'elle voudrait tant retrouver les émois du début de leur union..... 
les domestiques, noirs dont Harriet (beaucoup plus présente dans Mr Bridge) : le racisme imprègne fortement le récit car même si elle ne pense pas faire de la ségrégation, elle n'accepterait pas de vivre dans une maison voisine d'une famille noire...
 que faire de ses journées : l'ennui, la solitude profonde, l'isolement malgré les relations du Country Club : quand le fait d'aller laver la voiture peut embellir une journée qui s'annonçait sombre !
Comme pour Mr Bridge, il ne se passe pas grand'chose, simplement une chronique sur une dizaine d'années de la vie d'une femme, de son existence qui se résume à peu de choses : elle en est consciente, se trouve ignorante, recherche toujours la perfection dans tout ce qu'elle fait mais surtout très attachée au regard des autres, sur ce que l'on peut penser d'elle, du rang à tenir, de la façon dont elle s'occupe de son foyer..... le vide sidéral d'une vie, de la conscience qu'elle en a mais de son refus à le changer.  Quand elle se trouve une passion elle l'abandonne très vite, ne se laissant aucune chance de prendre du plaisir.

Sa vie file, passe et elle le ressent ainsi : elle se raccroche à des souvenirs, à quelques amies mais qui vivent souvent le même désarroi qu'elle.

Ses réactions sont surprenantes parfois, les répliques sont sans appel, mais elle n'en a pas toujours conscience : elle est le fruit d'une éducation, du milieu où elle vit.

Lecture qui me laisse un goût amer sur la condition féminine à cette époque bien sûr mais qui reflète également  Kansas City dans le Missouri dans les années 1930 : instructif sur les relations humaines mais surtout sur cette femme qui ne s'avoue pas malheureuse mais qui ne peut dire qu'elle est heureuse : elle est l'image du bonheur, on la gâte (voiture etc...) mais sous le bonheur de surface, elle révèle ses souffrances et son ennui :

Elle célébrait ses propres anniversaires sans joie, avec résignation et un peu de doute : ils arrivaient et s'en retournaient comme ils le devaient (...) 30,35, 40, ils étaient tous venus lui rendre visite comme des parents à remontrances, et ils avaient tous disparu sans laisser de traces. Et maintenant, une fois de plus, elle attendait.....(p116)

Lecture agréable, comme pour Mr Bridge, récit constitué de petites chroniques, des chroniques de la vie de tous les jours de cette femme que l'on ne peut totalement aimer mais que l'on se prend à plaindre. J'ai eu envie à plusieurs occasions de la secouer, de la pousser dehors, de lui dire : vas-y bouge, ne te laisse pas faire, agis mais nous sommes en 1930 et la société américaine l'aurait jugée, écartée, mise au ban, et pour India il est impensable de ne pas être ce que les autres attendent d'elle !

A d'autres moments elle m'a exaspérée, agacée, par ses petites phrases assassines, sur ces prises de position, sur ses jugements.

Un travail de chroniqueur de la part de l'auteur sur une tranche de vie, en apparence heureuse mais qui se révèle bien triste. Une vision de la société américaine réaliste je pense, sans complaisance ni développement, simplement des événements familiaux. Je pense qu'il faut commencer par la lecture de Mrs Bridge en premier, puis Mr Bridge, cela me semble plus cohérent.
Lien : http://mumudanslebocage.word..
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Mrs Bridge a tout pour elle: un beau mari qui l'aime et la comble de cadeaux onéreux, trois beaux enfants si bien élevés, une domestique, une belle maison, une belle voiture, un beau manteau, de beaux amis... Les apparences sont sauves. Mrs Bridge traverse sa vie. Mrs Bridge se préoccupe surtout de la bonne éducation, du qu'en dira-t-on. Mrs Bridge s'ennuie un peu. Mrs Bridge est contrariée parfois, vraiment, un si beau voyage à Rome interrompu parce que les Allemands ont envahi la Pologne, quel dommage. Douglas rentre en retard parce qu'un camarade de classe l'a menacé avec un fusil, quel manque d'éducation, les voisins si bien sous tous les plans, si ouverts, assassinés par leur fils, quelle faute de goût, vraiment, et quelle mouche a donc piqué Douglas de construire une tour de détritus dans le terrain derrière la maison? Et que fait donc Ruth à New York?
Une ironie désabusée, un roman bien triste mais sans pathos, une vie qui passe, une femme corsetée dans un devoir, qui ne cherche qu'à sauver les apparences, avec tout de même, parfois, l'inanité de cette vie qui se révèle en éclairs trop brefs , vite éteints par la routine et les "obligations" quotidiennes.
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La réédition de ce Mrs Bridge (et de son pendant Mr Bridge, qui forment un diptyque) est une excellente idée permettant de redécouvrir ce roman paru en 1959 et très apprécié aux Etats-Unis. Evan S. Connell a inventé le concept de Desesperate Housewife bien avant l'heure et c'est avec une belle acuité et un brin d'ironie qu'il restitue le quotidien d'une femme au foyer de l'entre-deux guerres à Kansas City qui est d'ailleurs sa ville natale. La plume est précise et légère, le regard non dénué d'une certaine cruauté. La finesse de l'ensemble offre une lecture distrayante au cours de laquelle on garde en permanence une sorte de petit sourire en coin.

"Mrs Bridge passait de longs moments à regarder dans le vide, oppressée par un sentiment d'attente. Attente de quoi ? Elle ne savait. Quelqu'un allait venir, quelqu'un avait sûrement besoin d'elle. Mais chaque jour passait comme celui qui l'avait précédé. Rien d'intense, rien de désespéré n'arrivait jamais. le temps ne passait pas."

En 117 courts chapitres, Mrs Bridge passe du statut de jeune mariée à celui de jeune veuve sans se départir de cette chape d'ennui et de solitude qui l'enveloppe. Malgré des conditions de vie très confortables, trois enfants en pleine santé et un mari qui ne semble pas exiger grand-chose d'elle. Mrs Bridge tente d'inculquer à ses enfants les principes d'éducation qui lui ont été transmis par une longue lignée de gens "comme il faut" et surtout, elle s'attache à trouver de quoi occuper ses longues journées. On comprend vite que Mr Bridge passe son temps à son cabinet d'avocat et les deux se côtoient sans vraiment se parler. Mrs Bridge s'en remet pourtant à son mari pour tout, incapable de s'engager par elle-même dans une quelconque activité. Cette femme oisive est la reine de la procrastination, trouvant toujours de bonnes excuses pour ne pas se lancer dans un projet qui semblait pourtant lui tenir à coeur. Les dialogues avec ses enfants devenus adolescents sont savoureux de décalage. Tout comme ceux qui traduisent entre son mari et elle un terrible éloignement de pensée. Enfin, on suit avec un amusement un peu cruel les péripéties de Mrs Bridge dans son environnement social entre cocktails de voisinage qui donnent lieu à compte-rendu dans la gazette locale, concerts auxquels elle ne comprend pas grand-chose, superficialité des conversations ou encore expositions qui l'amènent à penser qu'elle devrait approfondir ses connaissances dans certains domaines (sans jamais le faire, bien sûr). Un personnage enfermé dans le carcan des apparences et des bonnes manières d'une certaine société et qui finit par en devenir touchant de tant de vacuité.

Voilà comment une vie passe sans que l'on s'en rende compte. En remettant sans cesse à demain, en oubliant d'exister par soi-même et de s'ouvrir au monde. Terrifiant passage où Ms Bridge repense au passage d'un livre qu'elle avait commencé à lire : "certaines personnes, faisait remarquer l'auteur, passent en effleurant les années de leur existence et s'en vont s'enfoncer doucement dans une tombe paisible, ignorants de la vie jusqu'à la fin, sans avoir jamais su voir tout ce qu'elle peut offrir. Ce passage elle l'avait relu, médité (...) Mrs Bridge se souvenait très bien (...) qu'elle avait laissé le livre sur la cheminée avec l'intention d'en lire davantage. Elle se demandait à présent ce qui l'en avait empêchée, où elle était allée, pourquoi elle n'était jamais revenue."

Pauvre Mrs Bridge ! Je suis bien curieuse de lire Mr Bridge et de découvrir l'histoire du point de vue du mari qui dans ce roman n'est qu'une figure patriarcale assez taiseuse et indifférente au quotidien de sa femme.

Une lecture parfaite pour souffler après l'intensité de la précédente (La femme qui avait perdu son âme). Distrayante mais intelligente, comme je les aime.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Il était une fois, dans l'immédiat après-guerre, un charmant couple de Kansas city : India et Walter, Mrs et Mr Bridge…
L'auteur a écrit un dytique autour de ce couple. Mrs Bridge se compose de 108 courts chapitres qui sont autant d'instantanés de la vie centrée sur Madame et à celles et ceux de son proche environnement.
Madame, comme toutes les femmes de son milieu et de son époque sui son mari, reste à la maison, dirige son personnel, fréquente les femmes de son milieu.
Madame semble lisse, et insipide. Et pourtant, Madame s'ennuie, Madame a ses états d'âme, ses peurs, ses questions existentielles.
Evan S.Connell, dont l'ouvrage est réédité par Belfond dans sa collection Vintage dresse un portrait tout en finesse et en précision d'une femme au travers de situations des plus banales. L'ouvrage prend des apparences d'une chronique sans relief.
Au contraire il est un tableau à la fois drôle et dramatique d'une certaine Amérique avec ses codes et ses usages. C'est tout un mode de vie qui est ici disséqué par un auteur fin observateur, et sachant traduire au plus juste ce qui, le plus souvent, n'est ni étalé ni vraiment exprimé.
Un grand merci aux éditions Belfond et à Babélio l'envoi de ce livre.

Lien : http://leblogdemimipinson.bl..
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