Jusqu'ici, les auteurs de The Expanse ne m'ont pas déçue, comme à la lecture de chaque tome, celui-ci m'a donné une bonne « gueule de bois fictionnelle » qui ne donne pas du tout envie de quitter cet univers et ses personnages (heureusement que j'ai déjà le prochain tome dans ma bibliothèque).
Après la découverte des portes qui mènent à des centaines de systèmes solaires différents, il était évident que les humains s'empresseraient d'en visiter pour coloniser une planète avec une atmosphère respirable. Bien sûr, rien ne se fait sans soulever un tas de problèmes politiques avec la question primordiale : à qui va appartenir cette nouvelle planète ? Tandis qu'un groupe de Ceinturien·nes s'y est précipité et installé, la dénommant « Ilus », l'Organisation des Nations Unies a envoyé peu de temps après un vaisseau de scientifiques pour étudier la planète, « New Terra », et s'en saisir, à l'aide d'une équipe de sécurité. Comme on pouvait s'y attendre, la situation va très vite s'envenimer et Holden est envoyé, avec son équipage à bord du Rossinante, par la Terre et la Ceinture pour jouer les médiateurs.
C'est donc l'occasion de découvrir de nouveaux points de vue et personnages, telle qu'Elvi, une biologiste envoyée pour étudier les différents organismes de cette nouvelle planète. On trouve également les points de vue de personnages qu'on a déjà croisé. Basia par exemple, Ceinturien et ami de Prax, père de Katoa qui n'a malheureusement pas survécu aux expériences concernant la protomolécule. Basia a rejoint cette nouvelle planète avec sa famille et l'espoir d'un nouveau départ. Havelock, l'ancien partenaire de Miller sur Ceres, est engagé par la Royal Charter Energy comme responsable sécurité du vaisseau de scientifiques envoyés par la Terre. Enfin, on retrouve bien sûr Holden.
Je risque de le dire à chaque chronique de cette saga mais je suis impressionnée par les différences de points de vue, de façons de penser, de raisonnements, de vocabulaires des personnages selon qu'on lise ceux de Holden, Elvi, Basia ou Havelock. Tout fait qu'on incarne un personnage particulier, sans se poser de question, par exemple quand on lit le point de vue d'Elvi, étant donné qu'elle étudie la faune, elle compare et analyse énormément de choses en les rapprochant de fonctionnement d'organismes qu'elle connaît. Nul doute que les nerds de biologie apprécieront d'ailleurs ses découvertes : sans verser dans la hard SF puisqu'il ne s'agit pas du propos du livre entier, les scientifiques envoyés sur cette nouvelle planète sont bien amené·es à étudier sa faune, sa flore, sa géologie, etc.
Si j'ai eu un petit doute concernant le personnage d'Elvi, qui passait beaucoup de temps à fantasmer sur un autre personnage, un peu comme une lycéenne énamourée, la situation finit par faire sens et n'est pas un simple cliché (une preuve supplémentaire qu'on peut faire confiance aux auteurs) !
À présent qu'on connaît mieux l'existence de la protomolécule et de ses créateur·rice·s, on continue à en apprendre un petit peu plus sur elleux, mais toujours au compte-goutte. Tout montre en tous cas qu'iels étaient suffisamment savant·es, habiles et stratèges pour gérer plusieurs planètes à la fois, pour envisager l'avenir loin, mais il n'empêche que quelque chose ou quelqu'un a tout de même réussi à les exterminer. Ce fait va amener de plus en plus de tensions, dans ce tome-ci, mais probablement dans les prochains ! On garde donc cette ambiance remplie de mystères, d'inquiétudes et d'enquête qui était déjà présente dans les précédents tomes.
Mais, à mon sens, le sel de cette saga repose bien sur ses personnages et leurs interactions entre eux (même si je ne renie pas du tout l'intérêt de l'intrigue autour de la protomolécule et de ses créateur·rice·s). Les auteurs continuent à nous présenter des personnages complets, complexes, avec leurs intérêts, passions et inquiétudes propres. Au delà des personnages eux-mêmes, c'est la réalité dans laquelle iels sont ancré·es qui fait qu'on s'y projette ou qu'on s'y attache si facilement. Par exemple, les Ceinturien·nes ayant eu l'habitude de vivre dans des vaisseaux sans gravité, iels ont dû suivre un entraînement et des supplémentations importants pendant tout leur voyage en prévision de rejoindre cette nouvelle planète à la gravité légèrement plus forte que celle de la Terre.
Et encore, il s'agit là d'une mention explicite aux différences entre Ceinturien·nes, Terrien·nes et Marsien·nes. Mais ce que je trouve encore plus savoureux, c'est toutes les mentions en passant, au détour d'une phrase, qui mettent en place notamment les différences culturelles de ces civilisations. Les Ceinturien·nes ont déjà leur propre langue, un mélange de plusieurs langues parlées sur Terre puisqu'il s'agissait de personnes de différents pays rassemblés. Mais le langage n'étant pas seulement parlé, iels ont également leur propre langage corporel, comme le fait de hausser les épaules en soulevant la ou les mains ou de soulever le point pour acquiescer. Il est possible que j'ai particulièrement apprécié ce genre de détail parce que j'adore la linguistique, d'ailleurs, il y a toute une page sur le Wiki de The Expanse au sujet du créole de la Ceinture (chacun·e son nerdisme).
Petit point représentations et diversité : on a le point de vue d'une femme et de trois hommes (a priori tou·te·s cis et dont trois sont dans des relations hétérosexuelles), mais on trouve d'autres personnages non-blancs, une famille de deux femmes et leur fils, la mention d'un grand-père en relation avec un Allemand. Et toujours, comme dans les tomes précédents, les parents de Holden qui sont trois femmes et cinq hommes, mais aussi la neuroatypie (pas mentionnée en ces termes mais assez flagrante) d'Amos.
Je ne peux que recommander cette saga, et ce tome avec bien sûr.
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