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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Le problème avec les romans historiques, c'est qu'on ne sait plus s'il faut, pour plaire et convaincre, être un historien nourri d'une somme considérable de documents, ou un romancier, en mesure d'éveiller constamment l'intérêt du lecteur par une architecture construite, un sens du rebond, la mise scène de personnages vivants et riches sur le plan psychologique, le sens du décor, de la phrase, etc...
Ici, on ne peut nier que l'auteur a fait une recherche importante (en témoigne le nombre de gens remerciés en fin de livre), a illustré son roman de multiples notations historiques qui auraient pu en faire un arrière-paysage tout à fait intéressant. Maintenant pour ce qui est du tissu narratif, de la construction du roman, de l'évocation des personnages, on reste un peu sur sa faim.
En fait, l'objectif du livre consiste essentiellement à raconter l'histoire du peuple juif, plus précisément des juifs d'Espagne les Séfarades, représentés par l'allégorie de la Mémoire sous les traits de Gâlah. le récit prend par moments des allures d'épopée mystique.

L'histoire se construit à partir d' un thème - prétexte bien classique : l' amour impossible entre une jeune Juive et un musulman. Gâlâh est la fille chérie du puissant Samuel ibn Kaprun, Juif élevé par son roi berbère Abddar al-Fikri au rang de hadjib, en charge de tous les problèmes du royaume, chef de guerre, responsable des finances et de l'ordre public. Un gouvernement à lui tout seul.
Elle s'éprend du jeune musulman Halim.
Nous sommes en 1066, à Grenade. Juifs, Arabes, Berbères, chrétiens vivent dans une relative harmonie. Mais ici se répète la focalisation de tous les maux sur la tête des Juifs, par la parole d'un Agitateur, orateur acharné, Iblis qui dans le Coran désigne Satan. Et c'est le massacre.

Nous allons suivre Gâlah au fil des âges, d'abord accompagnée de son amoureux, Halim, puis seule avec le souvenir de l'être aimé. Grâce à la khomsa (main de Fatma) donnée par son père, de 1066 à nos jours, elle traverse l'Europe, le Moyen-Orient, toujours à la recherche d'un lieu d'accueil pour ses coreligionnaires. Figure mythique et bouleversante, elle vit autant pour défendre son peuple séfarade que sa langue, le ladino, langue morte puisque seulement écrite, et on assiste à un formidable effort de sauvegarde des livres et textes sacrés, au fil des incendies, autodafés et destruction systématique de l'Histoire écrite des Juifs.

« Le ladino de la Bible au fond ne fait rien d'autre que reproduire au plus près la parole de Dieu. Sans les afféteries du beau style ni celles rendues nécessaires pour la communication entre les hommes. »

Quelques points de repère :
1066 : massacre des Juifs de Grenade, tour à tour par les Almohades et Almoravides .
31 juillet1492 ou 9 Av en Hébreu (c-à-d le jour où les Juifs commémorent par un jeûne la destruction des deux temples)  : décret d'expulsion des Juifs en Espagne par les Rois catholiques.
1506 : massacre de Praça de Sao Domingos à Lisbonne : des milliers de juifs et de chrétiens meurent au nom de la limpieza de sangre. le roi Manuel force les Juifs à se convertir (marranes) ou mourir, comme les musulmans en Espagne (mozarabes)
1668 : Marianne d'Autriche, veuve de Felipe IV signe le décret d'expulsion des Juifs d'Oran
1648 : le kabbaliste de Smyrne Sabbatoï Tsevi s'annonce comme le Messie. On attend la fin du monde. Vaste déplacement vers la Palestine
1834 : abolition de la Sainte Inquisition, après 400 ans de massacres et de tortures.
Années 1920 : arrivée en France , pas très massive, de Juifs séfarades et ashkénazes avec deux langues, deux accents, deux cultures : très mal accueillis par les Juifs déjà intégrés.
1938-39 : Franco sauve 367 Juifs de Salonique menacés de mort par Hitler en arguant du fait qu'ils possèdent les clés de leur maison depuis le 12ème siècle et sont donc Espagnols !
Après la guerre : massacre des juifs espagnols à Sarajevo par les Serbes. Dernier groupe parlant encore le ladino, langue juive espagnole, seulement écrite et non parlée, à ne pas confondre avec le judéo-espagnol.
14 décembre 1992 : Juan Carlos abolit le décret d'expulsion des Juifs de 1492.




le plus intéressant de ce roman, outre l'abondance d'informations historiques, consiste en cette réflexion menée par l'auteur sur la relation entre les communautés. Arabes et Berbères sont en opposition, le Juif les réunit contre lui, accusé de tous les péchés,, notamment de tuer des enfants chrétiens pour mélanger leur sang à la terre lors d'ignobles sacrifices.

Face à un monde difficile, avant d'être frères en humanité, ils se dressent les uns contre les autres, chacun s'arc-boutant sur ses convictions et ses connaissances du Livre. L'auteur cite d'ailleurs des passages du Coran qui traduisent une volonté d'ouverture, de tolérance et d'accueil envers ses frères non-musulmans. Il rappelle qu'il n'y a de savoir sans sagesse et qu'à la digestion plus ou moins heureuse des textes sacrés, il vaut mieux préférer un esprit de véritable sagesse. « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme », Rabelais redira la même chose cinq siècles plus tard par la voix de Pantagruel.

De Cortanze fait par ailleurs un sort à cette douce chimère de la cohabitation pacifique des religions dans l'Espagne d'avant 1492.

Il manque un glossaire pour expliciter certains mots et expressions, plus particulièrement ceux qui sont écrits en arabe ou en espagnol.

Une vision un plus nuancée aurait été appréciée tant il apparaît que le peuple juif est exclusivement victime et les Musulmans essentiellement coupables.
Au final, un livre très riche, d'une désolante actualité.

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