« On ne choisit pas toujours la suite de notre vie mais parfois les chemins se croisent à nouveau. »
Son instinct de policier, son sixième sens, l’avait rarement trompé, et avait fait de lui un enquêteur émérite. Mais il ne tenait pas à parler à Louis de ses doutes. Pas qu’il n’eût aucune confiance en lui, mais son absence de tact, son manque de psychologie, ses blagues douteuses le retenaient de se confier. Il saurait garder le secret, tout en revenant constamment sur le sujet.
— La vie a ses plans secrets pour voler nos nuits… se défendit-il.
— La vie est une grande criminelle, si je suis ton raisonnement…
— À peu près ça.
Mireille Santerre avait des cheveux fauves très fins qui lui descendaient aux épaules. Elle portait une blouse blanche qui contrastait avec son teint bronzé. Ses lunettes rondes à monture d’écaille de tortue lui donnaient un air d’intellectuelle. Duval adorait les petites commissures de sa lèvre supérieure qui s’animaient quand elle parlait. D’une fois à l’autre, Louis lui matait les fesses et les seins sans aucune gêne. Membre de la police scientifique, elle était biologiste et récemment spécialisée en taches et projections de sang.
La suspicion est un poison qui tue en amour, il ne le savait que trop bien.
Il était apprécié de la plupart de ses policiers. Il alliait à la fois des qualités de gestionnaire et des qualités humaines. Peu de mots mais de l’efficacité, et il tirait le meilleur de ses policiers. Allergique au pollen, aux acariens et à la poussière, il avait constamment l’air enrhumé, la main prête à dégainer vers la boîte à mouchoirs.
Il était seul maintenant. Ce serait plus facile de s’en tirer. Une fuite à deux est toujours incertaine.
Il n’avait pas l’air d’un tueur à gages. Il avait un regard intelligent et on pensait plutôt à un comptable, voire à un universitaire. Même si Roberge était costaud, il n’avait rien d’un dur à cuire avec son visage aux traits fins. Tout le contraire des tueurs à gages que Duval avait connus chez les motards criminalisés. Mais, à l’en croire, il n’en demeurait pas moins le pire meurtrier de l’histoire du Québec.