LE COMMISSAIRE — Vous êtes un faiseur d'embarras. Je vous invite à garder pour vous vos phrases à panache dont je n'ai que faire et à répondre à mes questions. Je vous demande quel âge vous avez ?
FLOCHE — Vingt-cinq ans.
LE COMMISSAIRE — Plaît-il ?
FLOCHE — Vingt-cinq ans.
LE COMMISSAIRE — Comment, vingt-cinq ans !... Vous avez vingt-cinq ans ?
FLOCHE — Oui.
LE COMMISSAIRE, rectifiant. — Vous les avez eus.
FLOCHE — C'est bien pourquoi je les ai gardés.
LE COMMISSAIRE — Drôle de raisonnement !
FLOCHE — Drôle en quoi ? Il est logique comme une démonstration d'algèbre, lumineux comme un clair de lune et simple comme une âme d'enfant. J'ai eu vingt-cinq ans ! Oui, parbleu ! Seulement, le jour où je les ai eus, je me suis dit à moi-même : « Bel âge ! Tenons-nous-y ! » Je m'y suis donc tenu, je continue à m'y tenir, et je m'y tiendrai jusqu'à ce que mort s'ensuive, avec votre permission.
LE COMMISSAIRE — En vérité, monsieur Punèz, je pense que vous êtes absorbé par l'amour ou que j'ai trop auguré de votre intelligence. Il faut en finir. Taisez-vous ! Je veux bien être bon enfant, mais j'entends ne pas être dupe. Que ce mot vous serve de leçon ! C'est d'ailleurs la dernière que vous recevrez de moi ; vous pouvez vous le tenir pour dit. Je vous salue, monsieur Punèz.
MONSIEUR PUNEZ, humble et souriant. — Je suis d'origine espagnole, mon nom se prononce Pougnèze.
(Il salue jusqu'à terre et sort.)