Ce Laigrepin était un loustic à froid, terreur des bleus et des naïfs, vivant dans l’éternelle recherche d’une mystification nouvelle, d’une scie inédite à monter, et auquel Vergisson lui-même avait maintes fois servi de tête de turc.
Laigrepin, que retenait au lit depuis 8 jours une de ses fièvres persistantes qui s'acquierent et se renouvellent à grand renfort de gousses d'ail dans le derrière et à coups de coude dans le lit, laissa la tempête passer.
Mon général, c'est la vérité en personne: le cuisinier est un rabioteur, de nourrir des pauvres soldats comme c'est qu'on est nourri ici.
C'est une pitié et une dégoûtation.
Dites-moi colonel, vous veillez à la propreté de vos hommes, j'aime à croire ?
Mon général, fit le colonel, j'y apporte les plus grands soins. Mes hommes se lavent à grande eau tous les jours.
Et ils s'essuient avec leurs dras de lit, sans doute ?
Oh mon général, jamais !
Comment jamais ! Dit le général très surpris, vous touchez donc des serviettes ?
Le colonel répondit tranquillement.
Pardonnez moi, mon général, nous ne touchons pas de serviettes.
Cette anecdote est trop invraisemblable pour ne point être rigoureusement vraie. Obliger les hommes à se laver et ne point leur donner de serviettes, toute l'ânerie militaire est là...
Le medecin civil s'inclina sans répondre. C'était un brave homme, doux et nul, blanchi dans la pratique stricte de son métier, la vieille routine allopathique, l'application niaise des formules. Sa continuelle indecision devant les cas qui se présentaient le rendait incapable de la plus petite audace, lui retirait toute velléité d'initiative. Il restait rêveur, bouche béante, plein d'appréhension et d'angoisses, devant un rhume de cerveau et la plupart du temps les appréciations de la soeur et du garçon infirmier lui remplaçait le diagnostic dont il manquait absolument.