Vie de David Hockney

Il y avait d'un côté les administrateurs, les esprits étroits qui jugeaient et condamnaient rapidement, tous ceux qui avaient peur de vivre ; et de l'autre l'art, l'instinct, le désir la liberté la foi dans la vie.

Inutile de chercher à appartenir à son temps : on y appartenait par nécessité.

Comment quelque chose d’aussi bon, de sain et de libérateur que le sexe pouvait-il apporter la mort ? Et à la communauté gay entre toutes, qui s’était battue bec et ongles pour obtenir ses droits ? Comment cette atroce maladie pouvait-elle frapper comme si Dieu avait déversé sur eux une nouvelle pluie de soufre ? – ce que s’empressaient de clamer d’abominables conservateurs.

Il savait depuis longtemps qu’il aimait les hommes, mais son activité sexuelle était quasi inexistante, se limitant à de rares rencontres furtives dont il ne parlait à personne dans des endroits où il allait seul. Le jour où un de ses camarades lui avait dit : « Je t’ai vu dans ce pub avec ce type et j’ai vu ce que vous faisiez ! », il avait rougi, terriblement embarrassé par la malheureuse coïncidence qui avait amené un étudiant de sa connaissance dans le bar pourtant éloigné de leur école où le pelotait un inconnu rencontré une heure plus tôt dans un cinéma de Leicester Square. Après coup, sa propre réaction l’avait mis en colère. Aurait-il rougi si l’étudiant l’avait surpris avec une fille ? D’ailleurs, celui-ci aurait-il dit quelque chose ? Qu’est-ce qui lui donnait le droit de s’adresser à lui avec cette familiarité moqueuse ?

Il s'agissait d'une exploration, comme le disait Picasso qui avait eu un jour cette phrase que David n'avait pas oublié :"Je ne fais pas des tableaux ; j'explore."

"L'artiste était le prêtre de l'Univers." p.203

"Les Chinois disaient que la peinture était l'art des hommes âgés, parce que leur expériences - de la peinture, de l'observation, de la vie - s'était accumulée tout au long de leur existence et rejaillissait dans leur oeuvre. David avait enfin découvert l'infinité de l'Univers: pas dans le désert,pas dans la vue panoramique depuis le côté nord du Grand Canyon ou du haut de la colline de Garrowby, mais dans les branches nues des arbres, dans le brin d'herbe, dans la floraison des aubépines. " p.187

"Pour peindre, n'avait-il pas toujours eu besoin de ressentir une émotion, et l'émotion n'était-elle pas la même chose, étymologiquement, que le mouvement, et donc la vie ? Son oeuvre n'était donc pas juste un refuge ou fuir la douleur, mais une construction qui contribuait à sauver la peinture, cet art qu'on avait cru condamné face à la photographie et au cinéma. Elle montrait que la peinture était l'art le plus puissant, le plus réel, parce qu'elle contenait la mémoire, les émotions, la subjectivité, le temps : la vie. C'était en ce sens qu'elle sauvait de la mort." p.155

"Il y avait d'un côté Londres et Bradford - sa famille, ses plus anciens amis et son premier galeriste -, de l'autre Los Angeles - le sexe facile, la drogue, de riches collectionneurs -, et entre les deux New York ou il s'arrêtait dès que possible pour retrouver Henry et voir les expositions." p. 50

La joie après la tragédie. L'aube après la nuit. La création après le vide. Et ainsi de suite. Tout fonctionnait en alternance. Il n'y avait pas de réponse aux questions inutiles. Juste des cycles. La vie n'était pas une route droite avec une perspective linéaire. Sinueuse, elle s'arrêtait, repartait, retournait en arrière puis bondissait en avant. Le hasard, la tragédie faisaient partie du grand dessein.