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Citations sur Un merveilleux malheur (102)

Trois composantes pèsent fortement sur l'adaptation de ces migrants : l'accueil, le sens et le sexe. Quand un migrant change de culture en emportant avec lui un morceau de son monde d'origine, il est beaucoup moins désorienté puisqu'il garde autour de lui quelques repères de son passé, qui lui permettent d'apprendre plus rapidement les repères de sa culture d'accueil.
Les boat-people vietnamiens, orientés vers le sud de la France, ont été accueillis par des équivalents familiaux qui parlaient leur langue et conservaient quelques coutumes. Une structure d'accueil a aussitôt été organisée pour les aider financièrement, les loger, leur apprendre la langue et leur trouver du travail. Quelques années plus tard, leurs enfants vont à l'école, pêchent la girelle et parlent avec l'accent marseillais. Une autre partie de cette même population, terriblement agressée au Viêt-nam, a été orientée vers l'Angleterre où aucune structure d'accueil ne les attendait. Ce petit groupe a produit énormément de consommation médicale et de délinquance. Une petite cohorte d'enfants réfugiés, placés en foyer, a donné un très fort pourcentage de troubles psychiatriques qui ont disparu dès qu'ils ont été adoptés.
Deux stratégies sociales extrêmes semblent toxiques pour ces populations : l'isolement et l'assimilation : « La colonie de réfugiés éthiopiens de Winnipeg, ville relativement isolée au milieu des prairies canadiennes, ne se chiffre qu'à près de deux cents individus » Cette colonie a beaucoup souffert de son isolement qui réalisait pour ce groupe ce que l'isolement sensoriel constitue pour l'individu : l'impossibilité de sortir de soi et de s'étayer sur l'environnement. Les réfugiés haitiens aux États-Unis, isolés malgre eux, et les communautés juives hassidiques, repliées sur elles-mêmes, illustrent la difficulté que constitue le fait de se couper des autres mondes culturels. Les hommes ne se marient que si on les y pousse. Ils se socialisent mal et souffrent de troubles psychiatriques.
L'assimilation semble aussi toxique, puisqu'elle passe ce contrat avec les migrants : devenez comme nous mêmes, renoncez à votre mémoire, alors seulement nous vous accueillerons. Or, les amnésiques ne peuvent pas donner sens à ce qu'ils perçoivent. Un tel contrat, en privant les migrants de leur identité passée, les soumet au contexte. Ils deviennent des ombres, des assistés sociaux et leur amputation d'histoire crée un analogue collectif de refoulement. On assiste parfois à une explosion comportementale, violente et surprenante chez un groupe social que l'on croyait assimilé.
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L'expérience de l'exil nous permet de comprendre à quel point l'exigence est un facteur de protection. Pratiquement toutes les enquêtes prouvent que tout migrant devient anxieux. Ses racines sont coupées. Il respire une atmosphère langagière qu'il ne comprend pas. A la moindre rencontre, il est désemparé car il ne comprend ni les mots, ni les gestes qui lui permettraient de se situer. Et surtout, il est séparé de ses proches. Presque tous ses liens sont déchirés. Or, plus un migrant est seul, plus il est anxieux, ce qui se traduit par un chiffre plus élevé de consommation médicale et de passages à l'acte illégaux. Sous l'effet d'une agression sociale, un enfant se clive pour supporter celle-ci, alors que l'identité personnelle d'un migrant se morcelle quand le corps social qui l'enveloppe devient lui-même incohérent, quand les liens se diluent et quand les événements perdent sens et ne veulent plus rien dire.
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Si nous étions des êtres logiques, nous passerions notre temps à souffrir. Mais comme nous sommes des êtres psychologiques, nous attribuons à chaque événement une signification privée qui a été imprégnée en nous par notre milieu, au cours de notre développement et de notre histoire. Ce qui explique que certains seraient fracassés par une telle phrase, alors que d'autres sont libérés.
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Un détail pourra symboliser I'horreur. À moins que l'émotion ne soit retravaillée, par le dessin, par le théâtre, par le récit, par la réflexion, par tout ce qui pourra transformer l'affect. Si on laisse les enfants seuls, le souvenir de leur frayeur leur reviendra chaque soir, comme une épure.
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C'est l'émotion éprouvée au moment du fait qui explique que certains événements se transformeront en souvenirs, alors que d'autres ne laisseront aucune trace.
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Notre histoire n'est pas un destin.
Ce qui est écrit ne l'est pas pour longtemps. Ce qui est vrai aujourd'hui ne le sera plus demain, car les déterminismes humains sont à courte échéance. Nos souffrances nous contraignent à la métamorphose et nous espérons toujours changer notre manière de vivre. C'est pourquoi une carence précoce crée une vulnérabilité momentanée, que nos rencontres affectives et sociales pourront restaurer ou aggraver.
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Quand la douleur est trop forte, on est soumis à sa perception. On souffre. Mais dès qu'on parvient à prendre un peu de recul, dès qu'on peut en faire une représentation théâtrale, le malheur devient supportable, ou plutôt, la mémoire du malheur est métamorphosée en rire ou en œuvre d'art. Voilà pourquoi le Journal d'Anne Frank a été si bien accueilli après la guerre, alors que les témoignages directs n'ont pas été entendus. Ils étaient insupportables parce qu'ils ne faisaient ni rire ni pleurer. De l'horreur seulement ou de l'impensable. La culture dénie quand elle ne peut pas sublimer : "Alors que si je parviens à changer votre regard sur moi, je changerais le sentimnent que j'éprouve de moi." Mécanisme de défense sur le fil du rasoir, puisque si je réussis à vous faire rire de mon mallheur, je me fournirai la preuve que je redeviens le maître de mon passé et que je ne suis pas si victime que ça. Cette « mise à l'écart des exigences de la réalité » permet de contrôler la représentation de son malheur, l'identité narrative du blessé de l'âme: « Je ne suis plus celui qui a été torturé... je deviens celui qui est capable de transformer la mémoire de sa souffrance en une oeuvre d'art acceptable. »
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Au moment de la blessure, l'enfant abattu rêvait : « Un jour je m'en sortirai... un jour je me vengerai... je leur montrerai... » et le plaisir du rêve, en se mélangeant à la douleur du réel, permettait de le supporter. Peut-être même le tourment exaltait-il le besoin d'imaginer? « Les chemins bourbeux rendent plus désirables l'aube spirituelle et plus tenace l'exigence d'un idéal!»
Le malheur n'est jamais pur, pas plus que le bonheur. Mais dès qu'on en fait un récit, on donne sens à nos souffrances, on comprend, longtemps après, comment on a pu changer un malheur en merveille, car tout homme blessé est contraint à la métamorphose : « J'ai appris à transformer le malheur en épreuve. Si l'un fait baisser la tête, l'autre la relève explique Catherine Enjolet. »
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Moins on a de connaissances, plus on a de convictions. Contester un savoir donne le plaisir de l’échange, alors que s’opposer à une conviction revient à traiter l’autre de menteur, de fou ou d’idiot. On se fâche bien plus pour défendre une opinion que pour élaborer une idée. La pensée collective a une fonction plus religieuse qu’intellectuelle : dire tous ensemble la même chose permet de mieux nous aimer en partageant la même vision du monde. C’est pourquoi les stéréotypes nous tiennent à cœur.
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C’est l’émotion éprouvée au moment du fait qui explique que certains événements se transformeront en souvenirs, alors que d’autres ne laisseront aucune trace. Cette émotion s’explique aussi bien par la petite histoire de l’enfant que par la grande histoire publique.
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