Passant en revue les différents âges d'une vie d'homme, l'éthologue Cyrulnik pose sa loupe sur chacun d'eux et, formulant une question touchant aux relations, triture le sujet à grand renfort de références bibliographiques qu'on imagine passées au crible de son tropisme, le tout non sans brio ni ponctuellement humour.
Assez banal, l'examen de la détermination des rencontres sexuées des adultes;
plus original et accrocheur, celui de l'imprégnation des foetus dans le bain physiologique, sensoriel et affectif de la mère;
quelque peu dérangeant mais prémonitoire, l'interrogation sur l'appartenance de l'enfant, à l'heure des nouveaux types de regroupements familiaux, des manipulations de gamètes et des baux de location à durée nona-mensuelle;
pédagogique mais qu'on apprécierait plus approfondi, le chapitre traitant de la violence que les rituels ont pour objet de désamorcer;
surreprésenté (le plus long chapitre), incongru mais manifestement dada de l'auteur, l'ambigu questionnement sur la réhabilitation de l'inceste mère-fils agrémenté du doute jeté sur la pleine légitimité des dénonciations d'inceste père-fille;
touchant et convaincant, le plaidoyer en faveur d'une meilleure compréhension des atteintes de l'âge.
Pour un non spécialiste, l'exposé donne l'impression d'être soutenu par un très vaste ensemble de connaissances dans les domaines de l'observation des comportement animaux y compris humains (objet de l'éthologie), la biologie, et de façon plus marginale, la psychologie et la psychanalyse. Pas dupe de lui-même ni de sa discipline de prédilection, l'auteur prend certaines précautions pour relativiser la "sureté" de certaines de ses convictions, présentées assez prudemment comme des conclusions potentielles: "Partiellement vraie, totalement fausse, et pourtant cohérente, c'est peut-être ce qui caractérise toute représentation humaine; et aussi, ce qui explique que toutes nos théories sont momentanément vraies et définitivement fausses, alors qu'elles sont alimentées par des informations sur le réel." Son questionnement et les réponses proposées visent à influencer non à forcer l'acceptation, ce qui est convenable s'agissant de sciences molles.
Le fil des digressions manque quelquefois de linéarité, à moins qu'une petite lassitude, m'ayant saisi çà et là, ne m'ait fait perdre la lucidité nécessaire.
Il est probable que l'ouvrage qui date du début du siècle gagnerait à être actualisé.
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Belle réflexion sur l'ambivalence humaine : on ne peut s'épanouir qu'en appartenant à un groupe qui nous propose des circuits de développement, mais en même temps si on appartient trop à ce groupe on ne pourra pas devenir soi-même, on deviendra ce que veut le groupe. Un milieu sécurisant favorise la bonne santé physique et mentale, mais il est aussi vrai qu'un excès de sécurité a un effet engourdissant sur l'esprit et provoque la dégénérescence : "Il n'y a pas de pire stress que l'absence de stress". Un essai plein de vie et d'espoir.
J'aime bien Cyrulnik pour son humour et le fait qu'il écrive dans un langage simple et clair, sans fioritures pédantes comme dans les ouvrages de certains "penseurs"...
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Forcément , quand on se lance dans un Cyrulnik il faut être solide , doté d'un certain savoir psy, ou avoir à côté de soi un calepin pour écrire tout ce que l'on ne saisit pas , les mots , le jargon psycho, ( une bière ) et pouvoir ensuite aller se faire aider à comprendre ce livre.
Lu Dans un cadre professionnel.
Il subsiste encore de grandes zones d'ombres dans la compréhension de ce livre.
Mais finalement, cela va de pair avec mes émotions et ressentis d'une vie. Nous nous nourrissons tout au long de notre vie de cette nourriture affective. ...
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Pour vivre, on a besoin de manger (et de boire, je suis breton) mais aussi de nourritures affectives...
C'est ce que raconte Boris, neuropsychiatre, père de la résilience dont on ne fait plus rien qu'à parler ces temps ci.
Mais c'est surtout un sacré conteur dont les livres font du bien...
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Quand une femme cuisine, ce n'est pas pour se nourrir, c'est pour créer un scénario d'amour. Une femme seule se nourrit vite en avalant un yaourt, un bol de café au lait, un fruit ou un biscuit. Quand elle cuisine pour quelqu'un, le repas devient une rencontre où l'on échange des affects et des paroles bien plus que des glucides, des lipides et des protides. Quand un homme cuisine, c'est pour jouer, pour tenter une acrobatie culinaire qui provoquera des rires ou des exclamations. Le même chose en soi prend des significations très différentes selon le sexe. la cuisine aussi est sexualisée.
tel que relevé pour . https://filsdelapensee.ch/
Empêcher le récit d'un âgé, c'est interdire la seule action qui lui reste, c'est l'empêcher de prendre sa place, c'est l'exclure, l'isoler affectivement et socialement, le rendre confus, désorienté dans un monde dépourvu de sens et de sensorialité.
Tel que relevé pour "Les fils de la pensée" https://filsdelapensee.ch/
Il n'y a pas d'épilogue dans le discours de nos existences. La vieillesse n'est pas le résumé du drame en trois actes de nos biographies. Je n'ai jamais entendu une personne âgée raconter: "Mesdames et Messieurs, la représentation de ma vie est terminée; j'ai été enfant, puis jeune, puis adulte, donc je vais vous dire ce que je pense des évènements passées". Parfois, dans leur testaments, après leur vie, les vieillards nous font ce coup. Mais tant que cela ce passe, cela n'est pas passé. Tant qu'ils vivent, ils croient vivre au présent et leur sentiment de durée crée au contraire un goût d'éternité!
Tel que relevé pour "Les fils de la pensée" https://filsdelapensee.ch/
Il y a une transmission héréditaire de la composante neurologique de l’appareil à percevoir le monde. Mais on sait que l’alimentation sensorielle du fœtus est fournie par les réactions de la mère. Ce qui compose cette sensorialité, c’est bien sûr l’écologie physique (bruit, froid, choc, toxiques). Mais c’est surtout, l’affectivité de la mère, sa manière de réagir émotivement à une situation ou une information en fonction de son histoire, de son propre développement.
La mère crée ainsi une écologie affective très différente selon qu’elle est hyperactive ou alanguie, stressée ou sécurisée. Autrement dit, son milieu conjugal et familial qui la rend plus ou moins heureuse ou sécurisée, et la société dans laquelle elle vit, qui lui offre des conditions de maternité plus ou moins douces, vont se conjuguer avec sa propre histoire et l’organisation de son inconscient dans son interprétation de ce qu’elle perçoit, le phénomène mental naît de l’incorporation de la sensorialité maternelle dans le récipient à rêves du fœtus
Dans ce faisceau, le regard ressort comme l'échange le plus imprécis à décrire et le plus précis cependant pour sentir. C'est lui qui assume la fonction la plus exacte dans la régulation de la distance intime. La puissance de l'appel muet du regard reste très étonnante. Dans une foule il suffit souvent de regarder quelqu'un, à une distance ou la parole ne porterait pas, pour que le regardé plonge aussitôt ses yeux dans le ragrd qui le fixe parmi tant d'autres. Dans un monde olfactif, les molécules sont mêlées en une seule senteur ; dans un monde sonore, le brouhaha noie les paroles ; dans un monde de contact, on est bousculé de tous côtés. Dans ce contexte de sensorialité brouillée, le regard conserve une émouvante précision.