Les fabricants de mythe sculptent avec leurs récits une sorte de totem culturel auquel s'identifie le groupe. Ils utilisent l'Histoire de manière perverse pour fabriquer un liant clanique. Les Américains ont inventé les rustiques cow-boys et les sympathiques nordistes. Ils ont utilisé des morceaux d'histoire réelle et ont mis dans l'ombre ce qui pouvait gêner, de façon que tous les immigrants puissent s'identifier à cette chimère.
Ceux qui aiment les autobiographies et ceux qui ne les aiment pas révèlent par ce choix deux politiques existentielles totalement opposées : ceux qui goûtent les relations intimes et relativisent la pression sociale s'opposent à ceux qui ne se sentent à l'aise que dans des cadres institués.
Si nous disions constamment ce qui nous passe par la tête, aucun couple, aucun groupe ne pourrait continuer à vivre ensemble. La brutalité serait quotidienne. Au contraire, l'amputation d'une part de notre personnalité permet la coexistence. Le handicap alors devient une métaphore de la vie en société.
Plus l'école orientera nos enfants et plus les institutions les prendront en charge, plus ces jeunes vulnérables auront du mal à s'en sortir, car un peu de désordre (ou en tout cas une absence de rigidité) laisse une place à l'inventivité. Si les idiots de village deviennent aujourd'hui des idiots d'institution, c'est parce que notre société les prend beaucoup en charge.
La notion de maltraitance a été mise en lumière dans les années 1970. Si elle a pu entrer dans nos débats, c'est probablement grâce à quelques adultes résilients, anciens enfants maltraités, qui ont œuvré pour que ça cesse. L'idée de résilience vient de naître, mais elle existe vraisemblablement dans le réel depuis l'origine de l'humanité.
Quand on essaie d'évaluer, dans une population, les échelles de stress au cours des épreuves de la vie, on obtient un classement où la mort du conjoint vaut cent doses de stress, le maximum. Le divorce, même souhaité, vaut à peu près autant de doses que l'emprisonnement ou...le mariage. La retraite est bien placée également dans les échelles de stress. Elle est plus agressive que les dettes ou les pertes d'emploi. Tout en bas de l'échelle, on évalue tout de même à dix points l'agression provoquée par les vacances, les fêtes de Noël et les contraventions. Mais l'échelle ne dit pas que le pire stress, c'est l'absence de stress, car le manque de vie avant la mort provoque un sentiment désespérant de vide avant le vide.
Un malheur n'est jamais merveilleux. C'est une fange glacée, une boue noire, une escarre de douleur qui nous oblige à faire un choix : nous y soumettre ou le surmonter. La résilience définit le ressort de ceux qui, ayant reçu le coup, ont pu le dépasser. L'oxymoron décrit le monde intime de ces vainqueurs blessés.
La résilience, c'est plus que résister, c'est aussi apprendre à vivre.
Le déni psychologique permet de passer une soirée tranquille mais l'usage intentionnel de l'oubli permet d'éprouver le bonheur d'être raciste.
Le malheur n'est jamais pur, pas plus que le bonheur.