Les disparus du Clairdelune se multiplient dans ce deuxième tome de la Passe-miroir. La demeure de l'ambassadeur, censée être l'endroit le plus sûr du Pôle, est devenu le plus dangereux. Ophélie et ses proches s'en remettent à la protection de Farouk, l'esprit de famille, mais la jeune fille réussira-t-elle, malgré sa maladresse légendaire, à le contenter suffisamment afin qu'il ne se détourne pas d'elle ?
Objectivement, ce second opus m'a paru meilleur que le premier, ne serait-ce que parce que, cette fois, l'auteur ne consacre pas 20% du livre à nous rappeler que Thorn est grand. Je suppose qu'elle a estimé que l'information était passée.
Je dis objectivement, car à titre personnel, je n'accroche toujours pas. Je n'arrive pas à entrer dans l'univers. Ses descriptions m'ennuient plus qu'elles ne me transportent, je ne supporte pas Ophélie, et surtout, il y a le sujet central, vaguement théologique, sur lequel je reviendrai plus tard.
Commençons, ou plutôt recommençons, avec le monde fantaisico-steampunk créé par
Christelle Dabos, au risque de répéter ce que j'ai écrit dans ma précédente chronique, puisqu'il continue de m'évoquer Hunger Games et son Capitole. À ceci près que les rouages de Panem sont fluides et limpides.
Ici, on se noie dans la pléthore d'éléments distillés par la romancière. Et ça vaut aussi pour les personnages. Il y en a trop, et aucun n'est vraiment exploité. Je pense notamment au parrain d'Ophélie, présenté depuis le début de la saga comme l'une des personnes (si ce n'est LA personne) la plus importante à ses yeux. Je m'attendais à ce qu'elle s'ouvre à lui, à ce qu'il l'aide à démêler sa situation et à y voir plus clair, au lieu de quoi ils n'ont qu'une seule conversation notable, après quoi ils se contentent d'échanger une réplique de-ci de-là. Et je ne parle même pas de la tante Roseline, reléguée aux oubliettes dès lors que la mère d'Ophélie (re)prend sa place auprès de sa fille.
Les rares à valoir le détour sont à mon sens Thorn, qui se révèle de plus en plus intéressant ; lord Melchior, le ministre des élégances ; et Archibald, le seul que j'étais déjà parvenue à apprécier dans Les fiancés de l'hiver. La Mère Hildegarde, Gaëlle et Renard avaient également du potentiel, malheureusement ils sont rattrapés par le manque de développement. En fait, ils tiennent davantage du ressors scénaristique, quasi inexistants lorsqu'on n'a pas besoin d'eux.
Quant à Ophélie… Elle s'étoffe dans ce tome. Et dévoile du caractère. Je devrais m'en réjouir, vu combien j'ai critiqué son degré de quichitude élevé, mais pour paraphraser ce que j'écrivais récemment sur Liam, le héros du Manoir (Évelyne
Brisou-Pellen), ses élans de déduction, d'intelligence et de rébellion relèvent du paradoxe.
Par moments, elle a la faculté de compréhension d'une courgette, pourtant elle finit par élucider le mystère du Clairedelune avec l'efficacité de
Sherlock Holmes. Elle se montre capable de tenir tête à Farouk lui-même, mais à plus d'une reprise, elle préfère se taire plutôt que de communiquer / échanger / parler et ainsi chercher un moyen concret de résoudre ses problèmes, notamment en ce qui concerne les lettres de menace.
Et ce qui m'a particulièrement déplu, c'est l'évolution de sa relation avec Thorn, ou plutôt la façon dont elle évolue. Certes, il y a toute la métaphore autour des miroirs qu'Ophélie échoue à traverser, mais c'est un peu léger. Des deux, même si je reconnais que sa situation est incontestablement à plaindre, elle est celle qui fait le moins d'efforts vis-à-vis de l'autre, là où Thorn enchaîne les marques subtiles (ok, trèèès subtiles) de bonne volonté.
D'où le décalage que je souligne plus haut. Ophélie montre qu'elle peut s'exprimer, s'imposer et faire valoir son point de vue (on notera d'ailleurs que l'auteur tend à négliger sa voix à peine audible à mesure que l'histoire progresse) ; hélas, c'est rarement à bon escient.
Pour toutes ces raisons, j'ai eu l'impression que le récit n'avançait vraiment que dans son dernier quart. Tout le reste m'a paru interminable, et encore une fois plein de vide. Malgré cela, j'ai presque réussi à me dire que ce n'était pas si mal quand l'intrigue et l'enquête se sont enfin décantées… puis il y a eu les révélations finales.
C'est là que j'en reviens à la théologie. le divin, le mystique, tout ça… Ça me fascine. Seulement, tout dépend de la façon dont c'est traité. Je peux fermer les yeux sur un scénario douteux si le propos m'agrippe (coucou Prometheus), mais dans le cas contraire, aïe aïe aïe…
Et en l'occurrence, on est sur du aïe aïe aïe… Ouille ! Attention, spoilers dans les deux paragraphes suivants ! Les esprits de famille, ça pouvait passer. À partir du moment où « Dieu » est entré en scène, en revanche, ça a cassé. Parce que je m'attendais à quelque chose de plus grand, de plus tout, et on a, à mon goût, le personnage le moins charismatique possible et imaginable. Peut-être que c'est le but, peut-être que l'auteur a justement voulu jouer avec la notion de divinité suprême (ou pas), mais voilà, je n'adhère pas. Pas du tout.
Oh, et tant que je suis dans la partie spoiler… C'est quand même fooooort commode qu'Archibald soit le seul à avoir survécu à l'exécution des otages ET à la rupture de son lien avec la Toile. Une part de moi s'en réjouit, car, comme évoqué plus haut, j'adore ce personnage, mais une autre ne peut s'empêcher d'y voir là la volonté de
Christelle Dabos de ne pas s'en séparer, au mépris de toute logique. Fin des spoilers !
Pour résumer, j'ai eu moins de peine à lire cette suite, je l'ai largement préférée au premier tome, au point de la trouver passable l'espace de quelques chapitres, jusqu'à ce que la conclusion ne douche ma réceptivité naissante. C'est donc sans plus d'enthousiasme que je me plongerai dans le troisième volume.
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