[...] ... Trois chambres séparées. Toutes trois proches les unes des autres. Virtuellement imprenable. Je fourrai le renseignement dans un coin de ma mémoire et descendis à la piscine. Mon hôte et mon hôtesse m'avaient précédé.
- "Voici ma fille, Diana," dit mon hôte.
La jeune fille au maillot blanc se leva et je lui baisai la main.
- "Bonjour, Monsieur Cornelius," fit-elle.
Elle utilisait le même lourd parfum animal que sa mère - ambre gris, musc et castor ! Ah, cette odeur - lubrique, effrontée et merveilleuse ! Je la reniflai comme un chien. La fille, me dis-je, est encore plus belle que la mère, à supposer que ce soit possible. Elle avait les mêmes grands yeux veloutés, les mêmes cheveux noirs, et la même coupe de visage ; mais ses jambes étaient indiscutablement plus longues et son corps avait quelque chose qui lui donnait un léger avantage sur celui de son aînée : il était plus sinueux, plus serpentin, et devait, je l'aurais parié, pouvoir être infiniment plus souple. Mais l'aînée, qui devait avoir trente-sept ans et n'en paraissait pas plus de vingt-cinq, avait dans le regard un feu auquel sa fille ne pouvait prétendre.
Am, stram, gram - il n'y a pas si longtemps, le Prince Oswald avait fait le serment de ne séduire que la seule Reine, au diable la Princesse. Mais depuis qu'il avait vu la Princesse en chair et en os, il n'aurait su dire laquelle des deux il préférait. Chacune à sa façon, toutes deux semblaient une promesse vivante d'innombrables délices, l'une innocente et empressée, l'autre experte et vorace. La vérité est qu'il aurait aimé les avoir toutes les deux - la Princesse en guise de hors-d'œuvre, et la Reine comme plat de résistance. ... [...]
Je lui pris la main et la portai à mes lèvres. « C’est très aimable à vous, vous me voyez confus, madame », murmurai-je. Je humais, sur cette main, qu’elle m’offrait, un parfum diabolique. Presque exclusivement animal. Les sécrétions subtiles, excitantes, du cachalot, du chevrotain, du castor, je les reconnus toutes, indiciblement acres et érotiques ; elles dominaient le mélange que seuls quelques faibles effluves de fraîches essences végétales — citron, myrte, romarin — parvenaient à percer. C’était somptueux ! Une chose encore, qui me frappa dans l’éclair de ce premier instant : lorsque je lui pris la main, elle ne se contenta pas, comme le font d’ordinaire les femmes, de l’abandonner mollement sur ma paume comme une tranche de poisson cru. Bien au contraire, elle glissa son pouce sous ma main, tandis que ses doigts restaient sur le dessus ; et elle en profita — je le jure — pour exercer une pression discrète mais éloquente sur ma main au moment où je gratifiai la sienne du baiser rituel.
Par comparaison, les "mémoires de Casanova" font figure de Bulletin paroissial, et à cité d'Oswald le célèbre séducteur lui même paraît positivement asexué.
En premier lieu, c'était un homme qui n'acceptait pour rien au monde de se laisser posséder, ce qui le rendait automatiquement désirable.
[...] ... - "Tu veux de l'essence ?" fit-il, railleur.
Je faillis le gratifier d'une injure mais me retins à temps et, poliment, répondis : - "Oui, s'il te plaît, je te serais très reconnaissant."
Il me dévisagea sournoisement un instant pour s'assurer que je ne me moquais pas de lui, puis il hocha la tête, comme satisfait maintenant de mon attitude. Il pivota et se mit lentement en mouvement vers l'arrière de la voiture. Je plongeai la main dans mon vide-poche de portière pour prendre ma bouteille de Glenmorangie. Je m'en versai un gobelet bien tassé et attendis en le sirotant. L'homme avait poussé son visage à moins d'un mètre de moi ; son haleine fétide avait envahi la voiture ... qui sait combien de milliards de virus s'y étaient engouffrés en même temps ? Dans ce genre de situation c'est une bénédiction de pouvoir se désinfecter la bouche et la gorge avec une goutte de whisky de Highlands. Le whisky est en outre un réconfort. Je vidai mon gobelet, et m'en versai un autre. Je ne tardai pas à me sentir moins inquiet. Mon regard tomba sur la pastèque posée sur le siège voisin. Je me dis que c'était le moment de me rafraîchir en m'en octroyant une tranche. Je sortis mon couteau de son étui et en coupai un gros morceau. Puis, de la pointe du couteau, j'enlevai avec soin tous les pépins noirs, me servant du reste du fruit comme récipient.
J'attendis en buvant mon whisky et en mangeant ma pastèque. Tous deux étaient délicieux.
- "L'essence, ça y est," annonça l'horrible Arabe, en s'encadrant dans la portière. "Maintenant, je vérifie l'eau et l'huile."
J'aurais préféré qu'il s'abstînt totalement de tripoter la Lagonda, mais soucieux d'éviter une discussion, je ne dis rien. Il gagna en claudiquant l'avant de la voiture, et sa démarche me fit penser à celle d'un S. S. hitlérien, un S. S. ivre qui eût exécuté le pas de l'oie au ralenti.
Tabes dorsalis, j'en aurais mis ma tête à couper.
La seule autre maladie capable de provoquer cette bizarre démarche saccadée est le béri-béri chronique. Ma foi - probable qu'il l'avait, ça aussi. ... [...]
...je me foutais éperdument des affirmations des médecins qui prétendent qu'il est impossible de contracter la syphilis sans contact direct. Un téléphone syphilitique est un téléphone syphilitique...
En fait, il n'est personne au monde qu'un vrai riche respecte davantage qu'un autre vrai riche, et en conséquence, où qu'ils aillent, les vrais riches essaieront d'entrer en contact.