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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
«La patrie ou la mort»

Dans un premier roman de bruit et de fureur, Amina Damerdji retrace les jours qui ont conduit Haydée Santamaria, une des rares femmes à mener la lutte, jusqu'à la révolution cubaine. Un récit documenté et émouvant.

«Je suis la camarade Haydée Santamaria, l'héroïne de la Moncada, la dirigeante politique, la seule femme qui a sa place au Comité central, et ce soir, je vous le promets, avant votre disparition, je vous raconterai tout.» Nous sommes à Cuba au début des années cinquante. Il n'est pas encore question de révolution, mais déjà d'engagement politique. La jeunesse et surtout les étudiants s'emparent d'idées nouvelles, cherchent une voie pour un pays que beaucoup voient à la botte des États-Unis, sous le joug de grands propriétaires terriens, sans autres perspectives que la corruption ou encore la prostitution.
C'est dans cette ambiance bouillonnante que Haydée va s'impliquer toujours davantage dans la lutte, même si au début elle suivait plus son frère Abel et cherchait d'abord l'évasion aux côtés de ses amis en allant danser tout en enfilant les cuba libre. Ses préoccupations tenaient alors davantage à la façon de s'habiller, de se faire belle - elle qui se voyait moche - et de ne pas se voir exclue du groupe. Jusqu'à ce que l'amour s'en mêle. Alors, avec Boris, l'employé de Frigidaire, elle va non seulement trouver un mari mais concrétiser leur projet commun, fonder un journal. Tiré à 500 exemplaires dans des conditions artisanales, cet organe de presse aura l'heur de plaire aux frères Castro, Raul et Fidel, qui déjà cherchent le moyen de rassembler le peuple contre la dictature qui s'installe. «Fidel, exultant, a plongé deux doigts sous sa chemise et s'est caressé le torse. Il ignorait quand, il ignorait comment, mais les Cubains finiraient par craquer, par exprimer leur rage. Notre travail, notre tâche politique, historique soulignait-il, était d'être prêts. D'appuyer. D'organiser. D'éviter le bain de sang et de renvoyer Batista en Amérique.» Haydée va alors raconter ces jours qui vont mener à la révolution, à ce 26 juillet qui deviendra par la suite jour de fête nationale. Une date glorieuse pour le pays, tragique pour elle.
L'habile construction proposée par Amina Damerdji, qui situe la confession d'Haydée le 26 juillet 1980, soit bien des années après les événements, lui permet tout à la fois d'avoir le recul nécessaire pour analyser les faits et montrer combien les plaies ouvertes à ce moment sont restées vives. Et que dans l'envolée lyrique de Che Guevara devenue le slogan de cette révolution, «la patrie ou la mort», on peut choisir la seconde proposition et oublier la patrie.


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Amina Damerdji nous livre ici la biographie romancée de la révolutionnaire cubaine, Haydée Santamaria (1922-1980).
L'auteur lui donne la parole en ce 28 juillet 1980, à 58 ans, juste avant qu'elle se suicide ; elle remonte le fil de ses souvenirs jusqu'à l'année 1951, à presque 30 ans, où elle décida de quitter ses parents chez lesquels elle vivait pour rejoindre son frère chéri, Abel. Elle mêle souvenirs intimes et de la lutte révolutionnaire. C'est par admiration pour son frère qu'elle commence à militer à ses côtés au sein des jeunesses du Parti Orthodoxe. Elle n'a pas vraiment de conscience politique à cette époque, est mal dans sa peau, peu sûre d'elle. Elle prend petit à petit de l'assurance au sein du groupe qui entoure son frère et où elle rencontre son grand amour, Boris.
En 1952, le coup d'état de Batista réveille la colère des jeunes et le groupe devient le fer de lance de la lutte organisée par Fidel Castro et son frère Raul. le frère d'Haydée et ses amis créent alors et diffusent le journal politique « Son los mismos » dont le titre pas assez percutant, sera remplacé par « El Acusador ». le 26 juillet 1953, Fidel Castro lance l'attaque de la caserne de la Moncada à Santiago qui est un échec. Haydée et une amie du groupe sont emprisonnées pendant sept mois mais Abel et Boris sont fusillés après avoir été torturés. Elle ne s'en remettra jamais.
Amina Damerdji a choisi de limiter son propos à la courte mais intense période 1951-1953 qui correspond à l'éveil politique et personnel d'Haydée mais aussi à la blessure qui ne guérira jamais de la perte des deux hommes qu'elle aimait le plus.
Ce roman nous permet de vivre de l'intérieur la genèse du mouvement révolutionnaire cubain et les premiers pas de ces jeunes qui voulaient changer la société et se battre pour la liberté. Dans la bouche d'Haydée, se dessinent les doutes, les interrogations, les jalousies, les lâchetés, les courages des militants individuels. A aucun moment, elle ne tente d'idéaliser, d'enjoliver, d'omettre ce qui peut entacher l'image de la révolution et de ses combattants. Elle nous fait découvrir les prémisses de la révolution cubaine que je ne connaissais pas et des militants importants que la personnalité écrasante de Fidel Castro a rejetés dans l'ombre. C'est un hommage vibrant à tous ceux qui ont permis à Cuba de se libérer du joug d'un dictateur.
Mais ce roman est aussi la biographie d'une femme engagée, qui a aimé et souffert et dont le combat est sorti renforcé des terribles épreuves qu'elle a subies. L'auteure nous la rend proche en mêlant habilement faits historiques et dialogues romancés. Elle nous fait ressentir la souffrance d'une soeur aimante et d'une femme amoureuse, la grande lassitude devant une vie qui ne présente plus d'intérêt et un combat dont l'aboutissement amer se résume à la fuite des Cubains vers des cieux plus cléments.
Amina Damerdji a éveillé ma curiosité sur cette femme et je me suis documentée plus avant sur Haydée Santamaria ; après sa sortie de prison, elle rejoint la direction du Mouvement du 26 juillet connu sous le nom M-26, elle crée en 1958, un peloton composé uniquement de femmes. Contrainte de s'exiler, elle a organisé les soutiens extérieurs du mouvement. Elle est rentrée à Cuba après la fuite de Batista en 1959 ; elle a, entre autres, fondé le centre culturel « La Casa de las Americas » et participé à la fondation du Parti communiste. Après son suicide, le 28 juillet 1980, aucun hommage officiel ne lui a été rendu car le suicide était « incompatible avec les valeurs révolutionnaires ».
J'ai un peu regretté que l'auteure ait semé quelques informations sur ce qu'était devenue politiquement Haydée après le 26 juillet 1953 mais pratiquement aucune sur sa vie de femme ; son mari, Amando, est mentionné très rapidement et rien sur ses deux enfants.
Une belle découverte de cette grande dame, féministe convaincue, à qui l'auteure redonne, par son roman, une place méritée au panthéon des femmes qui ont marqué l'histoire de leur pays.
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Haydée Santamaría est une femme dont l'histoire parle peu, et pourtant, elle a eu une place importante dans la Révolution organisée par Fidel Castro contre Batista.
Née en 1923 à Cuba, elle quitte le domicile familial pour rejoindre son frère Abel à La Havane lorsque Chibas, chef du Parti du Peuple qui clamait haut et fort que la gouvernement était gangrené par la corruption, se suicide. Abel est déjà actif politiquement et a des idées bien arrêtées. Membre du Parti orthodoxe avec à sa tête Roberto Agramonte, il retrouve d'autres camarades et intègre sa soeur dans leur réunion et discussion enflammée. Elle n'est pas particulièrement politisée et écoute les échanges avec intérêt, mais tout change le jour du coup d'État de Batista, à la solde des Américains.

Le petit groupe, rejoint par Fidel et Raul Castro, décide de créer un journal clandestin, puis rallié par de nombreux camarades et Cubains qui partagent leurs idées, ils organisent l'attaque armée de la Caserne Moncada, tentant le tout pour le tout pour se faire entendre : Mais hélas, l'événement échoue par manque de préparation et d'organisation...

Haydée est une grande figure féminine de la révolution cubaine, une femme forte et engagée qui subira la prison, le deuil, ressentira énormément de culpabilité et n'aura de cesse de défendre son pays, Cuba. J'ai découvert à travers l'histoire romancée de cette femme, une partie de l'histoire de Cuba, celle dont on ne parle pas, celle qui met en avant des femmes révolutionnaires et engagées, des femmes amoureuses, des femmes qui ont beaucoup perdu : des frères, des amis, des amants.

Je suis ravie d'avoir pu découvrir ce roman grâce aux 68 premières fois, et heureuse que l'autrice mette en lumière cette femme incroyable, Haydée Santamaria, sans qui la révolution cubaine n'aurait certainement pas eu le même impact, et qui a été ben vite oubliée par l'histoire...

Merci aux 68 premières fois pour cette belle découverte!
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Sur fond de révolution cubaine , dans les années cinquante , l'autrice nous narre une biographie romancée de la révolutionnaire Haydée Santamaria , qui s'est suicidée en 1980 , à l'âge de 58 ans .
C'est par admiration pour son frère Abel qu'elle s'engage auprès des militants regroupés autour de Fidel et Raul Castro , elle n'a pas de conscience politique au départ du mouvement .
C'est à la suite du coup d'état du général Batista qu'un petit comité va se lever contre ce pouvoir corrompu à la solde de l'oncle Sam , d'abord en fondant un journal d'opposition , distribué sous le manteau .
Avec un groupe de 150 hommes et femmes (dont Haydée ) , Fidel Castro va tenter de prendre d'assaut la caserne Moncada (de Santiago de Cuba ) . Mal préparés et mal équipés , leur attaque va échouer , et les militaires prennent le dessus , fusillant une partie des rebelles et envoyant les autres en prison .
Cette révolte n'est hélas pas sans dommages , Haydée va perdre les deux hommes qu'elle aimait le plus dans cette aventure , son frère Abel et son amant Boris . Une blessure qui jamais ne se referme et qui n'est pas étrangère à son suicide .
Ce roman est l'histoire d'une femme engagée , une féministe avant l'heure , une femme qui a aimé , qui a souffert , qui a été emprisonnée pendant plusieurs mois . Son nom a malheureusement été complètement oublié , son suicide est considéré comme "incompatible avec les valeurs de la révolution" . Pourtant , sans elle , la révolution cubaine n'aurait pas été la même (je veux y croire) .
Je suis reconnaissant à l'autrice , Amina Damerdji de nous replonger dans cette histoire cubaine et de rendre hommage à cette femme qui a tant fait pour son pays .
Je remercie également les 68 premières fois de m'avoir fait découvrir ce roman , vers lequel je ne serais probablement pas allé de ma propre initiative .
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L'histoire d'une femme ... cubaine qui s'est illustrée pendant la révolution de 1959 … sa vie est très riche et permet de construire une belle histoire.
D'un côté il y a le résumé de mejesaistout (1) ... mais ce livre doit nous permettre de pénétrer plus avant dans son parcours.
Il faut commencer par faire la connaissance de Eduardo René Chibás Ribas, homme politique cubain qui utilisait la radio pour diffuser ses opinions politiques au public (2).
L'auteure, Amina Damerdji, née aux États Unis, élevée en Algérie, puis en France, a choisi comme thème pour son premier livre cette femme, une révolutionnaire qui a choisi de quitter son milieu d'origine, la petite bourgeoisie pour rejoindre des partisans se battant contre toutes les injustices dans un pays qui ont cru un moment pouvoir par les urnes accéder à la démocratie. Ils vont en être privés par une occupation américaine à peine voilée sous les traits d'un dictateur fantoche Batista.
La période choisie montre la jeunesse de l'héroïne quand elle a voulu avec ses amis changer le monde. Elle a côtoyé Fidel et ceux qui des années plus tard prendront le pouvoir et aussi connu les années de désillusions à la veille de son suicide devant le spectacle de certains de ses amis qu choisissent de partir.
Un autre aspect du livre montre le sexisme de ces révolutionnaires, les combattantes n'étant que des femmes et pas des combattants comme les autres.
À lire en écoutant au choix
🎶Dos gardenias...de buena Buena Vista Social Club
Dos gardenias para ti
Con ellas quiero decir
Te quiero, te adoro, mi vida
Ponles toda tu atención…🎶
Ou
Le son traînant des boléros ... Antonio Machin ... 🎶te quiero, te adoro, mi vida 🎶
A vous de choisir !



(1)
Haydée Santamaría Cuadrado, née le 30 décembre 1923 à Cuba.
Après le coup d'état de Baptiste, le 10 mars 1952, elle participe avec son frère Abel et d'autres révolutionnaires, à l'édition des journaux clandestins Son los mismos et El Acusador. Ensemble, ils mènent de nombreuses actions de propagande. Après sa rencontre avec Fidel Castro, son petit appartement de la Havane se transforme en un centre du mouvement révolutionnaire naissant, connu comme la « Génération du Centenaire de Martí ».
Elle est surtout connue pour sa participation, le 26 juillet 1953, à l'attaque contre la caserne de Moncada, à Santiago de Cuba, le 26 juillet 1953, action pour laquelle elle a été incarcérée avec Melba Hernández. (action dirigée par Fidel Castro et d'autres membres des « Jeunesses orthodoxes ». Haydée avait la responsabilité de transporter les armes jusqu'à Santiago de Cuba en prévision de l'attaque, et en même temps, sa mission constituait à s'emparer de l'hôpital Saturnino Lora, pour y recueillir les blessés). Après l'échec de cette intervention, Haydée a été emprisonnée, tandis que son frère Abel et le compagnon d'Haydée, Boris Luis Santacoloma, sont morts sous la torture des militaires. Pour tenter de la faire parler, les militaires lui ont dit que son frère et son fiancé avaient été torturés et assassinés après le combat et, comme preuve de leurs dires, ils lui ont montré un oeil supposé appartenir à Abel et les restes des parties génitales de son fiancé Santacoloma. En dépit de cette méthode effrayante, ils n'ont pas réussi à lui faire donner des informations. Au contraire, elle leur a répondu de manière ferme que « Mourir pour la patrie est vivre ». Dans son livre-plaidoyer, La historia me absolverá, Fidel Castro évoque ces circontances et souligne, à propos d'Haydée, que « jamais une femme cubaine n'a manifesté autant d'héroïsme et de dignité ».
Elle fonde ensuite puis dirige la Casa de las Americas, organisme culturel d'État. Elle se suicide le 28 juillet 1980 à La Havane.

(2)
Eduardo Chibas (15 août 1907 - 16 août 1951) est né à Santiago de Cuba. Son fort nationalisme est considéré comme une inspiration pour la Révolution cubaine.
Il a principalement dénoncé la corruption et le gangstérisme endémiques sous les gouvernements de Ramón Grau et Carlos Prío qui ont précédé l'ère Batista. Il pensait que la corruption était le problème le plus important auquel Cuba était confrontée.
En 1947, il a formé le Parti orthodoxe, un groupe fortement anti-impérialiste, qui avait pour objectif de dénoncer la corruption du gouvernement et de provoquer un changement révolutionnaire par des moyens constitutionnels. Chibás a perdu l'élection présidentielle de 1948, terminant à la troisième place. Il était un critique extrêmement virulent du vainqueur de cette élection, Carlos Prío Socarrás. Il a été considéré comme un favori lors de l'élection présidentielle de 1952, mais s'est suicidé un an avant que Fulgencio Batista ne prenne le contrôle du gouvernement cubain.
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Grâce à ce premier roman, je découvre une figure féminise emblématique de la révolution cubaine largement passée sous silence à la suite de son suicide jugé contre révolutionnaire par Fidel Castro. En 1980, Haydée Santamaría se souvient de tout. Elle sait déjà que sa vie va s'arrêter là, et revit avec nous les années les plus fortes de sa jeunesse. Son amour pour son frère Abel, pour le grand Boris, pour la révolution et la lutte. Mais aussi l'amitié, les amours, les combats, les deuils.

Ce personnage que l'autrice place adroitement au seuil de sa vie a du coup assez de recul pour nous en parler avec justesse, et pas comme cela aurait pu être avec la fougue de la jeunesse ou dans la violence du feu de l'action. Dans les années 50, les jeunes idéalistes se révoltent contre la dictature de Batista, arrivé au pouvoir en 52 grâce au soutien des américains. Haydée Santamaría est issue d'un famille relativement aisée. Avec son frère Abel, ils prennent part aux réunions, aux meetings qui ont lieu souvent dans leur appartement, au réveil révolutionnaire, et même créer un journal. Si sa participation est d'avantage issue d'une envie d'être comme les autres amis de son frère, de s'intégrer dans sa bande de copains, rapidement le souci d'égalité, la passion révolutionnaire s'emparent d'Haydée.

Viennent les soirées entre amis, le longue discussions, la rencontre avec Boris, la naissance d'un amour, leur relation plus intime, la présentation du fiancé aux parents circonspects.
Viennent surtout les préparatifs de l'attaque de la caserne de la Moncada à Santiago de Cuba, pour lesquels elle a une tache importante à accomplir.
Mais ce 26 juillet 1953 marque d'une pierre noire le destin d'Haydée, lorsque certain hommes sont arrêtés, torturés, exécutés. Boris et Abel seront de ceux-là.

C'est une femme meurtrie, amère, blasée, qui se retourne sur son passé et sa jeunesse au seuil de la mort. Les années ont passé, et malgré la vie qu'elle a eu depuis, les blessures ouvertes en 1953 ne se sont jamais refermées, et occupent toute la place en cette année 1980.

https://domiclire.wordpress.com/2022/12/26/laissez-moi-vous-rejoindre-amina-damerdji/
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Un livre à découvrir sur une grande figure révolutionnaire aux côtés de Fidel Castro prénommée Haydée Santamariá.
Je ne connaissais pas cette femme engagee et qui a énormément perdu lors de la révolution cubaine.
J'ai compris son désarroi et ses désillusions qui l'ont poussé à se suicider car elle s'est battue pour que les cubains soient libérés de l'oppression du dictateur Batista pour rebasculer petit à petit vers un autre systéme totalitaire dirigé par Castro.
Compte tenu des êtres chers et amis qui sont morts dans cet engagement, on peut que comprendre sa peine.
J'ai été un peu déçue car le livre ne raconte qu'une infime partie de sa vie. Aussi cela m'a poussé à faire des recherches sur elle pour connaître les actions qu'elle a menées et le rôle politique qu'elle a tenu sous le régime de Castro.
Merci à mes 68 premiéres fois de m'avoir fait découvrir ce livre.
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La vie quotidienne dans un petit village cubain au milieu des cannes à sucre, la lutte armée, la férocité de la répression, les amours, les trahisons... : Amina Damerdji use d'une plume alerte et sensible pour évoquer la petite et la grande histoire qui se mêlent dans cette biographie romancée de la mythique révolutionnaire cubaine Haydée Santamaría, seule femme à avoir accédé au Comité central et amie de tous les grands personnages qui ont contribué à libérer Cuba de la tutelle américaine.

Le récit est plein de fougue et de nostalgie pour faire parler cette femme qui ne s'est jamais remise de la mort sous ses yeux de ceux qu'elle a aimé et qui, au soir de sa vie, s'interroge sur le tour pris par la Révolution, ses compatriotes cubains fuyant toujours plus nombreux vers les Etats-Unis.

Un bel exercice d'écriture, où le travail du temps et de ce qu'il fait aux espoirs et aux illusions est remarquablement mis en mots.

Lu dans le cadre des 68 premières fois, ce livre voyage auprès des lecteurs/lectrices engagé.e.s dans l'aventure
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Lu dans le cadre des 68 première fois
Cuba, juillet 1980, Haydée Santamaria, revient sur son histoire intimement liée à celle de la révolution cubaine à la veille de mettre fin à ses jours.
Elle replonge dans ses souvenirs et nous transporte au tout débuts des évènements dans les années 1951-1953 juste avant la prise de pouvoir de Batista et l'échec de la prise de la caserne de Moncada par les hommes de Fidel Castro.
Un roman passionnant vu de l'intérieur et l'évolution d'une jeune femme qui n'était pas appelée à être une passionaria.
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Pónganle a la suicida una hoja en la sien,
una siempreviva en el hueco del cuello.
Cúbranla con flores, como a Ofelia.
Los que la amaron se han quedado huérfanos.

Cúbranla con la ternura de las lágrimas.
Vuélvanse rocío que refresque su duelo.
Y si la piedad de las flores no bastase
díganle al oído que todo ha sido un sueño.

Ríndanle honores como a una valiente
que perdió sólo su última batalla.
No se quede en su hora inconsolable.
Sus hechos, no vayan al olvido de la yerba.

Que sean recogidos, uno a uno,
allí donde la luz no olvida a sus guerreros.
Ríndanle honores como a una valiente
que perdió sólo su última batalla.
-------
Mettez une feuille sur la tempe de la suicidée,
une immortelle au creux de son cou.
Couvrez-la de fleurs, comme Ophélie.
Ceux qui l'aimaient sont devenus orphelins.

Couvrez-la de la tendresse des larmes.
Devenez la rosée qui rafraîchit son deuil.
Et si la pitié des fleurs ne suffit pas
dites-lui à l'oreille que ce n'était qu'un rêve.

Honorez-la comme une femme courageuse
qui n'a perdu que sa dernière bataille.
Ne la laissez pas dans son heure inconsolable.
Que ses actes ne tombent pas dans l'oubli des mauvaises herbes.

Qu'ils soient rassemblés, un par un,
où la lumière n'oublie pas ses guerriers.
Honorez-la comme une femme courageuse
qui n'a perdu que sa dernière bataille.

En la muerte de una heroína de la patria (1980), poème écrit par Fina García Marruz, en hommage à Haydée Santamaría et ma traduction

❝Je suis la camarade Haydée Santamaría, l'héroïne de la Moncada, la dirigeante politique, la seule femme qui a sa place au Comité central, et ce soir, je vous le promets, avant votre disparition, je vous raconterai tout. Puis, quand vous vous serez évanouis à l'horizon, quand vous ne serez même plus un point entre le soleil levant et l'eau, moi aussi je partirai. J'enroulerai un torchon autour du canon du pistolet et je déguerpirai comme vous. Discrètement. On me retrouvera dans quelques jours. Je ne serai pas belle. Mais peu importe. Il n'y aura pas de photographies ni de funérailles officielles. La Révolution interdit les suicides. Comme toute forme de départ.❞

Construit sur deux temporalités, les années 1951-1953 d'une part et les années 1980 en ce jour de fête nationale d'autre part, le premier roman d'Amina Damerdji, Laissez-moi vous rejoindre, est le récit intime, raconté par elle-même, d'Haydée Santamaría, compañera de la première heure des frères Castro, au moment du coup d'État (10 mars 1952) par le général Fulgencio Batista soutenu par les États-Unis.
Ce roman retrace la trajectoire inédite d'une femme que l'histoire n'a que peu retenue.

❝Une femme, cela passe inaperçu.❞

Je note au passage l'ironie de ce double-sens.
Haydée Santamaría est une femme de conviction, lucide sur qui elle est, sur ce qu'elle veut et ce qu'elle est capable d'entreprendre pour y parvenir.

❝Je déteste raconter des histoires. […] Je ne cherche pas à attirer la pitié. Je sais que pour beaucoup, je resterai cette dirigeante au coeur sec, capable d'expulser d'un battement de cils, et pour un mot de travers, un des meilleurs poètes d'Amérique.❞ (Il s'agit d'Allen Ginsberg invité au jury du prix de poésie 1965 de la Casa de las Americas fondée par Haydée Santamaría.)

Nous l'écoutons livrer tout ce qui fait une vie, alors qu'elle égrène ses souvenirs, de la genèse de ses engagements dans la révolution cubaine au début des années 1950 à son suicide à La Havane en juillet 1980, point à partir duquel « je » remonte le temps.

En 1951, Haydée, née en 1922, va avoir trente ans. Fille aînée d'une famille relativement aisée, elle vit avec son jeune frère, Abel, à Encrucijada, carrefour de la province de Villa Clara. Joaquina, sa mère, la voit déjà mariée à un beau parti et entourée d'une ribambelle d'enfants, mais Haydée, si elle ne sait pas encore ce qu'elle veut, sait ce qu'elle ne veut pas. Comment pourrait-elle se satisfaire de la vie oisive que lui dessine Joaquina quand elle voit la misère des travailleurs dans les champs de canne à sucre de cette région de l'île et les mauvais traitements que les propriétaires leur infligent. le départ de son frère adoré la décide à se battre elle aussi contre la pauvreté et l'injustice, et à gagner La Havane.

Amina Damerdji donne à voir et à comprendre ce qui meut cette jeune femme, en mêlant souvenirs intimes et engagement pour un idéal, de son émancipation loin de sa famille à son éveil politique au moment du suicide d'Eduardo Chibas, chef du parti du Peuple ; de ses années au sein des jeunesses du Parti orthodoxe de Roberto Agramonte aux côtés de son amant Boris et d'Abel à l'éclosion d'une militante obstinée.

❝— Abel, je peux te poser une question ? […] Pourquoi le Parti du peuple cubain a-t-il deux noms ?
— Tu veux dire, pourquoi l'appelle-t-on aussi Parti orthodoxe ?
— Oui.
Il a ri.
— Parce que nous sommes des purs !❞

Si Haydée écoute et enregistre, elle sait aussi agir et plusieurs événements vont la conduire, elle et son amie Melba Hernández, seules femmes aux côtés de 150 hommes dont Fidel Castro, à participer à l'attaque de la caserne militaire de la Moncada à Santiago-de-Cuba en vue de renverser le dictateur Batista. L'échec sera cuisant, ses conséquences, terribles. Beaucoup mourront, d'autres dont elles deux seront retenus prisonniers plusieurs mois, Abel et Boris seront torturés et mutilés avant d'être exécutés. Ce 26 juillet 1953 restera comme le premier jour de la rébellion nationale qui aboutira à la création du Mouvement du 26-juillet (M-26) et, six ans plus tard, à la révolution de 1959.

Amina Damerdji en choisissant de faire d'Haydée la narratrice de son histoire nous place au plus près de ces jeunes gens qui voulaient changer la société, galvanisés par :

❝Rendez, rendez, rendez Cuba à son peuple ! Rendez, rendez-nous notre pays !❞

En choisissant la narration à la première personne, l'autrice nous installe au coeur de leur intimité. Nous sommes dans cet appartement obscurci par la fumée des cigares et lourd des vapeurs d'alcool. Nous goûtons un moment de calme au bord de l'océan et le jus de noix de coco. Nous entendons les klaxons et les réclames des marchands de rue de la Havane. Nous assistons aux réunions clandestines de cette bande d'amis, bien sûr nous sommes là le jour où Fidel présente le projet de son frère Raúl, un journal intitulé Son los mismos qui, s'inspirant du J'accuse de Zola, deviendra rapidement El Acusador. Nous sommes là aussi quand Haydée se rend chez la santera dans La Vieille Havane.

Ça vit, ça palpite, l'atmosphère bouillonnante de l'époque est puissamment restituée grâce au souffle romanesque de l'écriture, au dosage minutieux entre passages narratifs immersifs qui empestent le cigare et la sueur, exhalent le vin blanc de jerez, le rhum, le daïquiri parfois tempérés par le parfum doux de la rose ou du thym, gargouillent d'estomacs affamés, et dialogues où s'incarnent les doutes, les interrogations, les actes de bravoure comme les petites ou moins petites lâchetés, les épreuves personnelles et collectives, la douleur sacrificielle de blessures gravées dans la chair et que le temps ne saurait guérir. Renoncer n'est pas envisageable.

De Cuba, je savais ce que nous savons tous (le débarquement de la baie des Cochons en 1961, la crise des missiles un an et demi plus tard) et la plupart des événements relatés m'étaient étrangers. Ils forment un récit épique où la vie et la mort sont profondément liées dans une effervescence qui, pour une fois, est racontée du point de vue d'une femme mélancolique en deuil de ceux qu'elle aimait et, peut-être, de son idéal romantique.

❝N'oubliez pas que ces hommes que notre jeunesse découvre dans ses manuels, moi, je les ai aimés.❞

1980 est l'année de la désillusion. Depuis la fenêtre de son appartement plongé dans la pénombre, Haydée voit les embarcations prendre la mer.

❝Je vous vois ! Quatre hommes se glissent dans une barque. Elle se brisera. Elle éclatera en morceaux contre une vague, dans quelques kilomètres à peine, bien avant que vous n'aperceviez la terre américaine.❞

Ils sont nombreux - plusieurs dizaines de milliers - à tenter leur chance au péril de leur vie pour un ailleurs qu'ils espèrent meilleur sous les yeux de celle qui s'est battue pour eux et se dit peut-être à quoi bon.

Ce soir du 28 juillet 1980 est celui ❝des souvenirs [qui] gonflés par [le] silence éclatent dans le noir❞. L'obscurité est toujours propice à recueillir les confessions. Armando, avec qui elle a eu une fille et un garçon, a laissé une enveloppe avant de la quitter. Parti lui aussi. La voilà seule à regarder disparaître ce/ceux qu'elle aime, ce en quoi elle a cru et pour quoi elle s'est battue. Laissez-moi vous rejoindre. Qui Haydée implore-t-elle ? Ses chers fantômes ? Les Cubains qui fuient la dictature et la chasse aux sorcières ? Son geste ultime est-il une critique implicite des dérives du régime cubain par une femme qui ne connaissait pas la compromission ?

Je suis souvent très réservée quant au choix que font les auteurs de jouer sur deux temporalités. J'ai toujours la crainte que ce parti-pris narratif, au demeurant de plus en plus fréquent, ne soit qu'un effet de mode et que tout cela ne soit mû que par le désir d'être dans l'air du temps. Ici, je dois bien dire qu'il n'y avait pas mieux pour rendre compte de l'engagement d'une jeunesse portée par ses idéaux, et du désenchantement de l'âge mûr, pour écrire dignement ce que cette femme déchirée avait à léguer. Convaincant.

Lu dans le cadre de la sélection 2022 des #68premieresfois

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