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Citations sur 33 voix (5)

Quarante ans
(et qu'avez-vous fait pendant tout ce temps ?)


J'ai fait de la survie à l'arraché
en territoire familial accidenté.
J'ai fait de l'élevage de petits animaux.
J'ai fait des razzias passionnées sur les bibliothèques.
J'ai fait des cauchemars de nuit et des rêves de jour.
J'ai fait l'adulte trop tôt et l'enfant très tard.
J'ai fait le mort et j'ai fait l'ange, l'idiot aussi.
J'ai fait des études, assidûment,
et plusieurs métiers, sans traîner.
J'ai fait des dérapages et diverses tentatives de fuite.
J'ai fait des histoires, des blagues et des caprices.
J'ai fait des promesses pas tenues, des paris réussis,
des erreurs répétées, des détours passionnants.
J'ai fait de beaux gestes et des gestes aussi
que j'aimerais oublier.
J'ai fait ce que je pouvais, et parfois pas.
J'ai fait des poèmes, j'ai fait des romans.
J'ai fait trois fils, j'en ai le cœur content.
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Trois mots d'amour


Jeune, je me demandais comment écrire, rimes
ou vers libres ou envolées romanesques, et ça
venait, presto le poème, rapide le roman, quelle
fièvre, il y avait tant à dire, tant. Et j'ai eu
tant d'adresses, et des voitures et les accidents
qui vont avec, tant de travaux de trente-six sortes,
des soucis, des effondrements et autant de joies
que de chagrins, et des chats gris et des chats blancs,
des mariages et des maîtresses, des amies, petites
et grandes, des confidentes, des fiancées. Et tant
d'enthousiasmes, d'amis, de projets lancés comme
des fusées, j'ai eu des fusils aussi, longtemps que
je ne m'en sers plus mais l'œil est resté, le goût
de l'aventure et le peu de goût des voyages. Coûteux, ça,
coûteuse la vie en forme de feuilleton, mais joyeuse aussi,
tomber et rebondir, déraper et repartir. Il fut funambule,
bulle de savon, diront-ils cela les enfants de mes enfants ?
J'en ai trois — deux garçons small et un extra large, épatants —
et pas tant que j'aurais pu, il est une femme avec qui
j'aurais eu une fille pour cadeau de roi supplémentaire,
ou un garçon, quatre alors pour un poker. Elle me manque
souvent — pas la fille, la mère — même si j'apprends
à m'éloigner de l'attente et de la crainte, qui ne
servent à rien car ce qui vient, vient, avec le vent au jour J
et pas avant, et ce qui n'est pas à venir ne viendra pas.
Je me demandais autrefois comment écrire et maintenant
la question n'est plus là. Comme quoi tout change,
n'est-ce pas ? La question, ce serait : quoi ? Quoi écrire ?
Et à qui ? Tout tient finalement en si peu de mots,
trois mots d'amour et un bonjour, nul n'emportera davantage
dans la course finale aux étoiles, trois mots d'amour,
et un bonjour.
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And now your career...


L'arrière-arrière-arrière-grand-père,
qui avait été un jeune homme irrespectueux
puis un homme respecté, un amant fameux,
un compagnon au long cours,
un délicieux père de familles (la première
au bout du monde et la seconde plus tard et
beaucoup moins loin),
un joueur de poker parfaitement malchanceux
mais un ami d'humeur égale,
un marchand riche puis pauvre et
riche encore mais provisoirement,
un voyageur ravi quoique dénué
de tout sens décent de l'orientation,

l'arrière-arrière-arrière-grand-père,
donc, disait ceci :
« Il faut savoir où on est — et y être.
Si on n'y est pas, il faut être ailleurs. »
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Arras


Il faudrait noter cela : ces rêves
si nombreux que, transformés en bornes milliaires,
ils iraient au bout de l'empire, au bord
du monde, au bout du dernier rêve.
Et il faudrait noter cette lumière qui
s'éteint si discrètement et qui se nomme encore
le jour, sur les murs clairs d'une ville
de province où l'on bat le tambour
avec des gants de soie et des baguettes de feutre
pour le souvenir de guerres plus vieilles
que les maisons, plus vieilles que les routes,
plus vieilles peut-être que la mort.

Il faudrait noter cela :
le jardin du monastère, un songe d'automne,
l'ami appelé à Lille, l'amie à Bruxelles,
un jus de pamplemousse, des militaires
canadiens et leurs épouses, visiteurs aimables
de cimetières et amateurs de musiques
auxquelles je n'entends rien,

et noter le souvenir d'une sonate
de Scriabine, l'estomac qui se contracte,
les bras et jambes qui cherchent une position
pour dormir dans la chambre vide.

Il faudrait noter cela : les nuages
impossibles à noter, leur beauté extravagante,
et le dérisoire décompte kilométrique d'une vie.

Il faudrait écrire, et rien d'autre,
une lettre d'amour.
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Shaping the future

Les grands joueurs d’échecs,
depuis la nuit des temps et l’aube des jours,
savent cela : il s’agit,
non pas de croire que l’on va créer une nouvelle partie,
mais de deviner dans laquelle
on se trouve engagé

Ainsi la forme du futur ne s’invente pas,
elle se retrouve. Et ne surprend pas celui qui s’est laissé prendre par elle.

Shaping the future

Els grans jugadors d’escas,
des de la nit dels temps i l’alba dels dies,
coneixen això : es tracta
no de creure en la creació d’una nova partita,
sinó endevinar en quina
ens trobem ara submergits

Així la forma del futur no s’inventa,
es retroba.
I no sorprèn
a qui s’ha deixat posseir per ella.
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