Quand
Edward Sheriff Curtis réalisa dans les années 1900 que le peu d'indiens d'Amérique survivants s'acculturaient à une vitesse de plus en plus élevée, il se donna pour tâche d'immortaliser tout ce qu'il pouvait de ces peuples qui n'allaient pas tarder à disparaitre. Cela donna des dizaines de milliers de clichés, des enregistrements sur cylindre Edison, et un film qui faillit bien ne jamais arriver jusqu'à nous. L'ensemble pris plusieurs décennies, coûta une fortune et lassa la générosité de nombreux mécènes. Mais le résultat est là : un fond documentaire d'une richesse unique.
Le nombre de tribus différentes représentées est impressionnant. Des Kwakiutls de la côte ouest aux peuples des grands lacs en passant par les Zunis du Nouveau Mexique, les Inuits du nord et les Comanches des grandes plaines, elles sont là dans toute leur diversité.
Des portraits, en grand nombre. Quelques célébrités, parmi les rares chefs des guerres indiennes encore en vie : Geronimo, Chef Joseph, usés et épuisées par leurs combats ; mais surtout des anonymes. Enfants rieurs, jeunes filles fixant l'appareil avec un sérieux imperturbable, mères portant leur bébé, adolescentes Hopis parées de la célèbre coiffure « en fleur de courge », chefs munis des attributs d'antan…
Mais également de nombreuses scènes d'extérieur prises sur le vif, ce qui au vu des appareils photographie de l'époque démontre une sacré maitrise technique. Villages de tipis, huttes de branchages, pueblos perchés au sommet de leurs mesas, où s'activent femmes et enfants. Scènes de chasses, rites religieux… Parfois, un geste du quotidien pris sur le vif ouvre un monde inconnu, révèle un quotidien d'un autre temps. Une femme puisant de l'eau dans un torrent au fond d'un ravin. Un homme en train de pêcher. Quelques objets de la vie quotidienne disposés dans l'herbe…
Témoignages parfois uniques de mondes disparus, ces photographies révèlent également un impressionnant sens artistique. Rares, précieuses, parfois émouvantes, toujours magnifiques.