"Effrayant". De même qu'il ne vient à l'esprit aucun adjectif "littéraire" pour évoquer les flots de l'océan en furie ou les tempêtes du désert, de même, s'agissant des rochers et de l'eau qui bordent ce chemin du Honshû, seul le mot "effrayant" convient.
Ce que j'appelle la dignité véritable, c'est un simple chrysanthème blanc sur un gros rocher tout noir et massif.
Traversant le pont dont les planches tremblaient sous mes pas, je rappelai à ma mémoire toutes sortes de souvenirs et retombai dans ma rêverie.
Finalement, je songeai, en soupirant : "Deviendrai-je quelqu'un ?"
J'aime, si cocasse qu'elle puisse au demeurant paraître, l'endurance stupide et désespérée de ce samouraï qui, ventre creux, gardait ostensiblement dans la bouche un cure dents, c'est en faire tout de même un peu trop ; mais il y a là l'amour-propre d'un homme. Et l'amour-propre aime à se révéler sous des dehors cocasse.
A notre retour, j'ai dit à mon frère que le cadre de Kanagi était vraiment beau et que je portais sur lui un regard neuf. Il m'a répondu que quand on vieillissait, on en venait à se demander si le paysage de sa petite patrie ne valait pas mieux encore que celui de Kyôto ou de Nara.
(à propos du célèbre haïku de Bashô :
Un vieil étang
une grenouille saute
bruit de l'eau)
Je dirai qu'il relève d'une inspiration non conventionnelle : ni lune, ni neige, ni fleurs. Pas non plus d'élégance étudiée. Rien d'autre que la pauvre vie d'une pauvre créature.