"Je pense à la vie, comme elle est surprenante, triste et belle à la fois..."
Je me faisais une telle joie tout à l’heure. Découvrir les secrets des uns et des autres me paraissait si évident, si anodin. Et alors que je suis à deux doigts de ranger la théière, vaincu par ma culpabilité, et les improbables reproches de Simone, je me raisonne. Primo, un jour ou l’autre, je finirai par lire ces bouts de papier. La curiosité sera la plus forte, c’est fatal.
Deuzio, mes parents m’ont appris à ne pas croire aux choses qui n’existent pas, comme le père Noël, les fées, les monstres marins ou les personnes mortes capables de nous faire des remontrances. Certes, je ne suis pas toujours d’accord avec eux, de par leur nature même de parents, mais sur ce point, je pense qu’ils n’ont pas tort.
Tertio, cette théière n’est tout simplement pas magique. Pour preuve, très peu de mes souhaits se sont réalisés, du moins, ni les plus importants, ni les plus urgents. Je fais toujours pipi au lit, et Simone est morte. L’an passé, elle était à l’hôpital à cause d’une chute et j’avais expressément demandé qu’elle ne meure pas. On voit le résultat.
- Mais, ta nounou, elle était vieille, non ?
- Oui, assez.
- Tu veux dire que même les vieux ont des histoires d'amour ?
- Faut croire... (p. 44)
Pour preuve, très peu de mes souhaits se sont réalisés, du moins, ni les plus importants, ni les plus urgents. Je fais toujours pipi au lit, et Simone est morte. L'an passé, elle était à l’hôpital à cause d'une chute et j'avais expressément demandé qu'elle ne meurt pas. On voit le résultat. (p. 35)
Deuzio, mes parents m'ont appris à ne pas croire aux choses qui n'existent pas, comme le père Noël, les fées, les monstres marins ou les personnes mortes capables de nous faire des remontrances. Certes, je ne suis pas toujours d'accord avec eux, de par leur nature même de parents, mais sur ce point, je pense qu'ils n'ont pas tort. (p. 34)
De désarroi, je donne un coup de pied au mur en pestant contre les objets des défunts. Il devrait exister une fosse commune pour les enterrer et ne plus jamais entendre parler d'eux. Mais non, ils restent là à se pavaner devant nos yeux tristes. (p. 18)
Personne, pas même le docteur du rez-de-chaussée que je suis allé consulter en catimini, n'est capable de me donner une explication plausible : comment-fait on pour se porter comme un charme le mardi, démarrer sa journée du mercredi avec un bonne tartine de confiture aux framboises et s'effondrer dans son bol de café au lait quelques instants plus tard, sans vie ?
Ces réponses me désolent, mais je vais devoir me faire à cette idée : l'infarctus au petit-déjeuner est possible. Ce qui est impossible, en revanche, c'est que Simone revienne. [...] Je sais qu'il y a peu de chances qu'elle se sorte d'une situation pareille. La mort, on ne s'en remet pas. La crise cardiaque est irréversible. (p. 14)
« Finalement, certains objets de défunts ont raison de ne pas disparaître. Ils sont comme des morceaux d’eux. Cette théière, à l’allure altière, c’est un peu des bouts de Simone planqués sur ma moquette. Des morceaux d’elle échappés de la mort. »
Selon la loi de la théière, il est formellement interdit de lire les souhaits. "Vœux lus, vœux foutus", disait Simone. Sans doute est-ce exagéré, sans doute cette théière n'a-t-elle aucun pouvoir. Cette petite cérémonie n'était à coup sûr qu'un jeu entre Simone et moi. Pour autant, je ne me résous pas à rompre le serment. Il y a quelques souhaits là-dedans qu'il me plairait de voir s'accomplir.