En 1903, Fortuné Henry s'installe dans une clairière de la forêt des Ardennes pour y bâtir une société nouvelle. Un bien vaste projet qui pourtant ne rêve pas de grandeur, mais bien plutôt de vérité et de liberté que procurerait l'état de nature, considéré dès le début du récit comme idéal et en opposition avec la société politique moderne. S'il suscite la méfiance des habitants du village d'Aiglemont, son travail force bientôt l'admiration de ces derniers et Fortuné parvient à attirer à lui anarchistes, utopistes, révolutionnaires et naturiens de toute sorte. Ouvriers, étudiants, femmes seules mais aussi poètes et intellectuels s'installent avec lui pour quelques jours ou pour une plus longue période.
L'habitation, sur le modèle du phalanstère, privilégie la vie en communauté et nie la propriété individuelle. le travail est quotidien mais il n'est pas sacralisé. La communauté prospère vite, notamment grâce au bel été 1904. Mais, les mois passant, quelques tensions se font jour à
l'Essai, nom donné à cette communauté. le contexte social agité de l'année 1906 est le tournant : Fortuné se réengage dans la société au travers d'un journal de presse qui prend fait et cause pour les ouvriers.
La déliquescence annoncée de
l'Essaie ne doit pas masquer la réussite de cette oeuvre sociale. Sans qu'un ordre ne soit donné, les hommes et les femmes ont travaillé pour leur bien être commun, décidant librement des activités de chacun. Toutefois, l'engagement de Fortuné dans la lutte sociale montre bien le caractère irrépressible de la nature humaine pour les conquêtes de toute sorte : financières, politiques et bien sûr sociales.
Nicolas Debon déroule son récit avec calme, prenant le temps, comme ses personnages le font avec la terre, de conter et d'explorer tout ce qui a fait de cette aventure humaine et utopiste un exemple remarquable dans l'histoire du socialisme et de l'anarchisme français et européen. Son dessin est intéressant : flou, presque schématique avec les personnages, il se fait poétique délicatement coloré dans l'évocation des paysages, souvent hivernaux ou automnaux. Il rappelle ainsi les tentatives d'hommes et de femmes pour construire des sociétés nouvelles, dont le seul défaut était de croire en l'établissement d'un homme nouveau, et dit que les actes sont bien la seule propagande possible de la parole.