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Citations sur Correspondance, tome 6 : Janvier 1979-Décembre 1987 (3)

La question de l’immigration vue par Guy Debord.



Tout est faux dans la « question des immigrés », exactement comme dans toute question ouvertement posée dans la société actuelle; et pour les mêmes motifs : l’économie – c’est-à-dire l’illusion pseudo économique – l’a apportée, et le spectacle l’a traitée (…). Comme les déchets de l’industrie atomique (…) les immigrés (…) resteront parce qu’il était beaucoup plus facile d’éliminer les Juifs d’Allemagne au temps d’Hitler que les Maghrébins, et autres, d’ici à présent : car il n’existe en France ni un parti nazi ni le mythe d’une race autochtone ! Faut-il donc les assimiler ou « respecter les diversités culturelles » ? Inepte faux choix. Nous ne pouvons plus assimiler personne : ni la jeunesse, ni les travailleurs français, ni même les provinciaux ou vieilles minorités ethniques (…).
La diffusion du spectacle concentré ne peut uniformiser que des spectateurs.
On se gargarise, en langage simplement publicitaire, de la riche expression de « diversités culturelles ». Quelles cultures ? Il n’y en a plus. Ni chrétienne ni musulmane; ni socialiste ni scientiste. Ne parlez pas des absents. Il n’y a plus, à regarder un seul instant la vérité et l’évidence, que la dégradation spectaculaire-mondiale (…) de toute culture. (…). Certains mettent en avant le critère de «parler français ». Risible. Les Français actuels le parlent-ils ? (…) Ne va-t-on pas clairement, même s’il n’y avait aucun immigré, vers la perte de tout langage articulé et de tout raisonnement ? (…). Nous nous sommes faits américains. Il est normal que nous trouvions ici tous les misérables problèmes des U.S.A., de la drogue à la Mafia, du fast-food à la prolifération des ethnies. (…).
Ici, nous ne sommes plus rien : des colonisés qui n’ont pas su se révolter, les béni oui-oui de l’aliénation spectaculaire. Quelle prétention, envisageant la proliférante présence des immigrés de toutes couleurs, retrouvons-nous tout à coup en France, comme si l’on nous volait quelque chose qui serait encore à nous ? Et quoi donc? Que croyons-nous, ou plutôt que faisons-nous encore semblant de croire ? C'est une fierté pour leurs rares jours de fête, quand les purs esclaves s’indignent que des métèques menacent leur indépendance ! Le risque d’apartheid ? (…). Le ghetto du nouvel apartheid spectaculaire (…) est déjà là, dans la France actuelle : l’immense majorité de la population y est enfermée et abrutie ; et tout se serait passé de même s’il n’y avait pas eu un seul immigré. (…). Et maintenant on prétend regretter ce seul résultat particulier de la présence de tant d’immigrés, parce que la France « disparaît » ainsi ? Comique. Elle disparaît pour bien d’autres causes et, plus ou moins rapidement, sur presque tous les terrains.
Les immigrés ont le plus beau droit pour vivre en France. Ils sont les représentants de la dépossession ; et la dépossession est chez elle en France, tant elle y est majoritaire, et presque universelle. Les immigrés ont perdu leur culture et leurs pays, très notoirement, sans pouvoir en trouver d’autres. Et les Français sont dans le même cas, et à peine plus secrètement. Avec l’égalisation de toute la planète dans la misère d’un environnement nouveau et d’une intelligence purement mensongère de tout, les Français, qui ont accepté cela sans beaucoup de révolte (…) sont malvenus à dire qu’ils ne se sentent plus chez eux à cause des immigrés ! Ils ont tout lieu de ne plus se sentir chez eux, c’est très vrai. C'est parce qu’il n’y a plus personne d’autre, dans cet horrible nouveau monde de l’aliénation, que des immigrés.
Il vivra des gens sur la surface de la Terre, et ici même, quand la France aura disparu. Le mélange ethnique qui dominera est imprévisible, comme leurs cultures, leurs langues mêmes. On peut affirmer que la question centrale, profondément qualitative, sera celle-ci : ces peuples futurs auront-ils dominé, par une pratique émancipée, la technique présente, qui est globalement celle du simulacre et de la dépossession ? Ou, au contraire, seront-ils dominés par elle d’une manière encore plus hiérarchique et esclavagiste qu'aujourd'hui ? Il faut envisager le pire, et combattre pour le meilleur.
Guy Debord, Correspondances, 1985.
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J'ai expérimenté, plutôt mille fois que cent fois, et sans jamais une seule exception, ce fait constant que les gens ne vous pardonnent pas les bons conseils qu'on leur a donnés, quand ils ne les ont pas suivis et subissent les conséquences.
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23 février 1981
Le retard des bureaucrates russes à intervenir contre la révolution polonaise prouve de manière la plus flagrante leur faiblesse aujourd'hui en Russie même.
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