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EAN : 9782070401352
147 pages
Gallimard (30/11/-1)
4.16/5   78 notes
Résumé :
Ces commentaires pourront servir à écrire un jour l'histoire du spectacle ; sans doute le plus important événement qui se soit produit dans ce siècle, et aussi celui que l'on s'est le moins aventuré à expliquer.
En des circonstances différentes, je crois que j'aurais pu me considérer comme grandement satisfait de mon premier travail sur ce sujet, et laisser à d'autres le soin de regarder la suite. Mais, dans le moment où nous sommes, il m'a semblé que personn... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Les Commentaires sont publiés en 1988, une vingtaine d'années après la publication de la société du spectacle. « En des circonstances différentes, je crois que j'aurais pu me considérer comme grandement satisfait de mon premier travail sur ce sujet, et laisser à d'autres le soin de regarder la suite. Mais, dans le moment où nous sommes, il m'a semblé que personne d'autre ne le ferait. » La société du spectacle fonctionne bien. C'est justement ça le problème. Que l'inconscient soit une notion phare du 20e siècle n'est sans doute pas une coïncidence. Dans certaines circonstances, toute prise de pouvoir individuelle peut se dissoudre en se laissant subordonner par une entité qui remplit les amphores assoiffées de nos âmes par des produits de contrefaçon confectionnés en série dans les laboratoires de la société du spectacle. Des informations qui parlent de ce qui n'est pas important pour éviter de parler des choses primordiales ; des oeuvres anciennes retouchées selon les codes culturels du moment pour faire plus vrai ; des états d'urgence à répétition pour légitimer l'instauration d'une surveillance généralisée ; la falsification des mots, des normes et des figures du pouvoir ; l'impression d'une fête continue qui donne la gerbe aux plus emmerdants, dont nous faisons partie si on reconnaît dans le texte de Debord la fatigue assommante qui transfigure son texte.


Debord écrit : « On pourrait dire un jour, si cela paraissait souhaitable, que cet écrit est une entreprise de désinformation sur le spectacle ; ou bien, c'est la même chose, de désinformation au détriment de la démocratie. » Pour le prendre à revers, on n'a jamais rien entendu de mal sur ce qu'il a écrit concernant la société du spectacle. Rien de franchement mal en tout cas. La société du spectacle aime même y faire référence pour avoir l'air de ne pas y toucher. La désinformation prend aussi la forme d'une semi-ignorance. On croit connaître des choses mais ce ne sont que des poussières de lucioles anonymes dans le grand ciel étoilé de ceux qui font le jour et la nuit.
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Merci à Babelio et à la collection Essais Folio de m'avoir envoyé ce livre dans le cadre de la Masse critique. J'ai mis un peu de temps à le commenter à cause de l'organisation du pique-nique de Babelio mais aussi parce que ce livre est difficile à commenter sans un certain recul. Son auteur est un penseur original et novateur, militant révolutionnaire imprégné (mais aussi précurseur) des événements de mai 1968, qui s'appuie en partie sur les analyses de Marx et de Lukacs tout en mettant sur un pied d'égalité totalitarisme nazi et stalinien (p. 21), ce qui me rappelle ma visite à Riga de l'intéressant «Musée des deux occupations».
Debord est né en 1931 et mort en 1994 de néphrite alcoolique. Il a signé le fameux «Manifeste des insoumis» avant que ce terme (qui relève lui-même de la société du spectacle) soit recyclé récemment par un mouvement politique. Son «Commentaire» (1988) sur son livre «La société du spectacle» (1967), est un regard radical sur la société. Comment l'aborder ? C'est un classique de la pensée, comme les autres titres de cette collection, mais un demi-siècle plus tard, la roue a tourné et amène d'autres problèmes (chute du Mur de Berlin et des régimes communistes, terrorisme, réchauffement du climat, résurgence des nationalismes, etc.). Certains commentaires restent pertinents, d'autres ont vieilli car la société a changé, mais le tout reste une occasion de réflexion intéressante.
Dans le fil de la pensée marxiste, Guy Debord dénonce «le règne autocratique de l'économie marchande» (p. 14), sans avoir pu prévoir qu'après la publication de son livre, tous les pays à régime marxiste ont fini par adopter l'économie de marché à l'exception notable de la Corée du Nord qui n'est ni un exemple d'efficacité économique, ni un modèle de bien-être social. Il est vrai que de Staline à Pol Pot ou à Xi, on a fait dire n'importe quoi à Karl Marx, en évitant par exemple de rappeler que c'était un grand défenseur de la liberté de la presse, aspect de sa pensée soigneusement oublié par les régimes qui se réclament officiellement de lui.
D'un militant révolutionnaire comme Debord, il ne faut pas attendre une étude sociologique très nuancée, et je ne relèverai que quelques exemples pour l'illustrer. La liberté de la presse et son pluralisme ne semblent pas exister pour lui car les journalistes sont décrits comme les «employés médiatiques» des «maitres de la société » (p. 19). A-t-il oublié que Nixon a été forcé à la démission grâce à la liberté d'une presse indépendante ? de même, les savants sont «élus par les maitres du système» (p. 59), «La médecine n'a, bien sûr, plus le droit de défendre la santé de la population contre l'environnement pathogène, car ce serait s'opposer à l'Etat, ou seulement à l'industrie pharmaceutique» (pp. 59-60), et la « science officielle» «reprend les très anciennes techniques des tréteaux forains – illusionnistes, aboyeurs ou barons» (p. 61). Arrêtons-nous à ces exemples.
A part cela, Debord a souvent un regard lucide et précurseur. Un des meilleurs exemples de ce qu'il appelle la société du spectacle, et qu'on pourrait aussi appeler la civilisation de l'image, est le «spectacle» des campagnes électorales qui sont en grande partie vidées d'idées au profit du spectacle. Chacun se rappellera à quel point le score électoral de chaque candidat est fonction de ses qualités oratoires, et le débat à peine fini, les instituts de sondage proclament le gagnant du match. On oublie les idées, on retient les bons mots et on s'égosille du cafouillage devant les fiches qu'on ne retrouve plus ou d'autres moments forts du même genre. le passage de l'écrit à l'image est un passage à l'émotionnel et à l'immédiateté («Tout, tout de suite»). Les réunions électorales deviennent des spectacles avec sono et «vedettes américaines», orateurs chargés de chauffer la salle pour celui qui livrera quelques bons mots trouvés non pas par lui mais par des professionnels de la communication. L'émotionnel est en train de tuer la réflexion et l'esprit critique.
L'un des points où je me sépare de Guy Debord (p. 23), c'est qu'il y voit un «grand complot» des industriels, alors que pour moi, la situation est pire. Depuis que les chaines télévisées, même dites de service public peuvent vendre nos cerveaux aux annonceurs, le critère de programation d'une émission plutôt qu'une autre est l'audimat. Mais ce ne sont pas les industriels qui choisissent ce que regardent les téléspectateurs, ce sont ceux-ci. C'est un problème de société et d'éducation. On regarde la finale du «Mundial» où 22 hommes-sandwichs font la publicité de tel ou tel équipementier qui revend à prix d'or ses vêtements fabriqués souvent par des enfants du Tiers-Monde pour quelques centimes. Eux, on n'en parle pas, ça ferait tâche dans le spectacle.
Un économiste chinois me disait récemment que l'Europe était vouée à la décadence car la principale préoccupation des Européens sont le loto, le sport et les feuilletons à la télévision, les jeux des smartphones, les articles sur le dernier divorce d'une starlette de série B et l'âge de la retraite.
Ce que Debord n'a pas vu, et qui est également préoccupant, c'est la montée du nationalisme, du Brexit, du chacun pour soi, du moi d'abord, loin des idéaux de fraternité entre les peuples des bâtisseurs de l'Europe au lendemain des conflits. Trump lance une guerre commerciale avec ce qu'on ne peut donc plus vraiment appeler ses «alliés». Ce n'est plus le temps du Plan Marshall. Et pour la solidarité à l'intérieur de l'Etat, c'est la même chose : les malades et les personnes âgées deviennent des postes budgétaires sur lesquels il faut trouver des économies.
Après mes réflexions à la lecture de ce livre, voici quelques citations.
«Les hommes ressemblent plus à leur temps qu'à leur père» (p. 35).
La société est «fragile parce qu'elle a grand mal à gérer sa dangereuse expansion technologique» (p. 36).
«Jamais, il n'a été permis de mentir avec une si parfaite absence de conséquence» (Là, je trouve qu'il aurait dû réviser ses cours d'histoire) (p. 38).
La démocratie «veut être jugée sur ses ennemis plutôt que sur ses résultats» (p. 40).
«Tout discours montré dans le spectacle ne laisse aucune place à la réponse» (p. 46).
La «paresse du spectateur est aussi celle de n'importe quel cadre intellectuel, du spécialiste vite formé, qui essaiera dans tous les cas de cacher les étroites limites de ses connaissances par la répétition dogmatique de quelque argument d'autorité illogique» (p. 47).
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Dès 1988, avec le concept de "Spectaculaire Intégré", Debord décrit avec une rare lucidité les nouvelles conditions de notre époque ou désormais le mensonge, la falsification, sont au coeur de la réalité sociale et des formes actuelles de la domination. Pour se donner une chance d'échapper et de pouvoir combattre cette aliénation mondialisée, encore faut il en reconnaître la nature et l'origine.
A ce jour, personne mieux que Debord n'a su en faire une description aussi exacte et avec une telle clarté du propos pour qui sait lire.
Quelques lecteurs, manquant quelque peu de distance, trouveront sans doute quelque exagération dans ce livre et ce en toute bonne foi puisqu'ils ne sont pas en mesure d'évaluer objectivement l'ampleur et le sens des transformations de la structure sociale dans son ensemble.
Il aura pourtant suffit d'une cinquantaine d'années pour que les notions de devenir humain ou de Monde commun perdent pratiquement toute saveur et tout contenu effectif; laissant chacun seul face aux lois du marché désormais mondialisé. Mais pour vivre quoi ?
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La société du spectacle organise la passivité générale en distribuant une panoplie sans cesse renouvelée de rôles - de la superstar aux figurants les plus obscurs - auxquels devront s'identifier ou qu'auront à admirer ou imiter les citoyens spectateurs dans l'exécution de leurs fonctions, que ce soit comme producteurs, consommateurs ou publicitaires des marchandises auxquelles ils sont assignés. Au-delà de la petite manoeuvre de promotion personnelle, c'est ainsi qu'il faut comprendre tous les discours médiatiques et politiques sans aucune exception : chacun propose un masque auquel pourront et devront s'adapter, les multiples comportements contradictoires de soumission à l'ordre existant.
L'un revendiquera la multiplication des quartiers de haute sécurité, l'autre exigera qu'on repeigne démocratiquement tous les barreaux, un troisième plaidera pour le fleurissement des espaces communs, le plus audacieux négociera son rôle de contestataire radical auprès des administrateurs du système.
Applaudissements.
De sorte qu'il ne reste rien des contradictions susceptibles de troubler l'ordre spectaculaire, mais seulement la soumission réelle.
Rideau.
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A présent que notre nouvelle mascotte nationale est condamnée sous peu de temps à s'afficher sur tous les tee-shirts un peu de la même manière que le Che, je pense qu'il est grand temps d'évoquer deux traits fondamentaux de son oeuvre par trop oubliés :

- Ce n'est pas son moindre mérite que d'avoir mis en avant à quel point la perte du goût occupe et occupera une position déterminante dans l'évolution actuelle de la société, celle-ci évoluant dans un vase de plus en plus clos, se privant ainsi du terreau dans lequel naissent les solutions, à mesure que les idées deviennent de plus en plus inaccessibles et incommunicables.

- Concevoir une oeuvre qui soit au dessus de toute récupération n'a pas été un mince travail.

Ceci étant dit, à chacun de se faire sa propre opinion.

« […] Qu'ils sachent clairement de quels obstacles ils sont délivrés, et de quoi ils sont capables. »
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Citations et extraits (60) Voir plus Ajouter une citation
Cette démocratie si parfaite fabrique elle-même son inconcevable ennemi, le terrorisme. Elle veut, en effet, être jugée sur ses ennemis plutôt que sur ses résultats. L’histoire du terrorisme est écrite par l’État ; elle est donc éducative. Les populations spectatrices ne peuvent certes pas tout savoir du terrorisme, mais elles peuvent toujours en savoir assez pour être persuadées que, par rapport à ce terrorisme, tout le reste devra leur sembler plutôt acceptable, en tout cas plus rationnel et plus démocratique.
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Hormis un héritage encore important, mais destiné à se réduire toujours, de livres et de bâtiments anciens, qui du reste sont de plus en plus souvent sélectionnés et mis en perspective selon les convenances du spectacle, il n’existe plus rien, dans la culture et dans la nature, qui n’ait été transformé, et pollué, selon les moyens et les intérêts de l’industrie moderne.

http://wp.me/p5DYAB-1Co
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Pour faciliter la vie, c’est-à-dire les mensonges, des savants élus par les maîtres de ce système, on a découvert l’utilité de changer aussi les mesures, de les varier selon un plus grand nombre de points de vue, les raffiner afin de pouvoir jongler, selon les cas, avec plusieurs de ces chiffres difficilement convertibles. C’est ainsi que l’on peut disposer, pour évaluer la radioactivité, des unités de mesure suivantes : le curie, le becquerel, le röntgen, le rad, alias centigray, le rem, sans oublier le facile millirad et le sivert, qui n’est autre qu’une pièce de 100 rems.
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En juin 1987, Pierre Bâcher, directeur adjoint de l’équipement à l’E.D.F., a exposé la dernière doctrine de la sécurité des centrales nucléaires. En les dotant de vannes et de filtres, il devient beaucoup plus facile d’éviter les catastrophes majeures, la fissuration ou l’explosion de l’enceinte, qui toucheraient l’ensemble d’une « région ». C’est ce que l’on obtient à trop vouloir confiner. Il vaut mieux, chaque fois que la machine fait mine de s’emballer, décompresser doucement, en arrosant un étroit voisinage de quelques kilomètres, voisinage qui sera chaque fois très différemment et aléatoirement prolongé par le caprice des vents. Il révèle que, dans les deux années précédentes, les discrets essais menés à Cadarache, dans la Drôme, « ont concrètement montré que les rejets – essentiellement des gaz – ne dépassent pas quelques pour mille, au pire un pour cent de la radioactivité régnant dans l’enceinte ». Ce pire reste donc très modéré : un pour cent. Auparavant on était sûrs qu’il n’y avait aucun risque, sauf dans le cas d’accident, logiquement impossible. Les premières années d’expérience ont changé ce raisonnement ainsi : puisque l’accident est toujours possible, ce qu’il faut éviter, c’est qu’il atteigne un seuil catastrophique, et c’est aisé. Il suffit de contaminer coup par coup avec modération. Qui ne sent qu’il est infiniment plus sain de se borner pendant quelques années à boire 140 centilitres de vodka par jour, au lieu de commencer tout de suite à s’enivrer comme des Polonais ?
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On peut remarquer que l’interprétation des mystères du terrorisme paraît avoir introduit une symétrie entre des opinions contradictoires ; comme s’il s’agissait de deux écoles philosophiques professant des constructions métaphysiques absolument antagonistes. Certains ne verraient dans le terrorisme rien de plus que quelques évidentes manipulations par des services secrets ; d’autres estimeraient qu’au contraire il ne faut reprocher aux terroristes que leur manque total de sens historique. L’emploi d’un peu de logique historique permettrait de conclure assez vite qu’il n’y a rien de contradictoire à considérer que des gens qui manquent de tout sens historique peuvent également être manipulés ; et même encore plus facilement que d’autres
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Vidéo de Guy Debord
Son : Guy Debord, "In girum imus nocte et consumimur igni" Images : La société du Spectacle Doublure : Big Pharmacron #Macron #Confinement #Servilité #BigPharma #Fabriqueduconsentement #sociétéduspectacle #guydebord #ingirum
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