Donc je lis « roman » sous le titre du livre. Et l'autrice d'ailleurs le précise lors d'une interview sur France 24 en janvier 2020 : « Cette narratrice c'est moi si vous voulez, mais quand même... c'est... ce ne sont pas des confessions ».
C'est donc en partie autobiographique : on connait l'histoire des choix effectués par l'autrice, famille bourgeoise, avocate, épouse et mère d'un enfant, qui envoie un jour tout promener pour en finir avec les conventions et « ne pas être enfermée dans une position » familiale et sociale et, surtout, se consacrer à l'écriture (qui serait le principal moteur de ses mues personnelles si j'ai bien compris).
Alors ne prenons pas au premier degré l'entièreté du texte et mettons sur le compte de la création littéraire le style ultra tonique des premiers chapitres, la narration de cette vie de "coureur de jupons" (dirait-on d'un homme, ici il faudrait "coureuse" mais le parallèle me semble nécessaire) qui "envoie du bois" tant par les descriptions et mots crus employés que la manière dont la narratrice gère ses conquêtes et relations. C'est habile, clair, violent peut-être, on visualise tout à fait les situations et les sentiments auxquels se confronte la narratrice.
La relation de la mère à son enfant prend plus de place au fur-et-à-mesure de la compréhension que nous acquérons des mobiles de la narratrice et de son (ex) conjoint. Elle perd la garde de son fils à l'appui d'un dossier monté par son (ex) mari qui, face au tribunal, charge la barque et s'appuie lourdement sur les choix amoureux de la mère. Pour autant, je ne crois pas que l'homosexualité de cette femme soit le point central du roman.
Constance Debré le dit d'ailleurs (même interview) : « Pour moi la question de l'homosexualité ça n'est pas important en réalité ». N'en déplaise à la fin du livre qui narre le détachement de la mère à l'égard de cet enfant, ce changement de position comme le dit l'autrice, il me semble que le coeur de cette oeuvre réside bien dans la relation mère / fils. Bien que je lise les motifs de cette position maternelle, que je crois comprendre qu'il ne s'agisse pas pour l'autrice d'une posture mais plutôt de l'acceptation d'une situation dont elle a conscience (à défaut d'être convaincue) qu'elle s'inversera un jour, j'ai un peu de mal à garder la proximité acquise jusque-là pendant ce final.
Bien qu'homme (personne n'est parfait...) et père (c'est un peu mieux ?), je n'arrive pas à me projeter vers un tel détachement envers mes enfants (dans des circonstances similaires et, probablement, en aucun cas).
Ceci étant dit,
Love Me Tender est un très bon livre qui donne à voir une image (réelle ou pas, peu importe) du mal que peuvent procurer les conventions, d'une part, et des réactions sans concessions que l'on peut privilégier pour s'en défaire, d'autre part.
Si vous ne vous arrêtez pas aux présentations sulfureuses qui peuvent (ou ont pu) être faites de l'autrice, si vous avez de la curiosité et/ou de l'empathie, envie d'une écriture peu courante, lisez donc ce "roman".