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sur 595 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Il dit que Paul me déteste, qu'il se roule par terre, qu'il me hait. Je vais chez eux. Mon fils se roule par terre. Il me hait. »

Le livre porte sur le délitement d'une relation, celle d'une mère et de son fils.
Les causes en sont multiples. Il y a le père de l'enfant qui, à tort ou à raison, se persuade de la toxicité de son ex-femme, et met tout en oeuvre pour l'empêcher de voir Paul. Il y a la société entière, institutionnelle et civile, — nous tous, en somme — qui, encore passablement empêtrée dans des représentations fausses et périmées de la maternité, se crispe face à une femme ayant opté pour une existence marginale qui claque comme un bras d'honneur. Et il y a la mère qui, pour vivre une vraie vie, une vie d'ascète dépouillée à l'extrême, et non plus « une vie lamentable », est prête à payer le prix fort. Cette vie, elle l'a choisie, elle n'y renoncera pas. Car y renoncer, c'est mourir. J'ai pensé à Anna Karénine. Elle aussi doit renoncer à son fils unique et adoré. Elle aussi est maudite par le père de l'enfant, stigmatisée, marginalisée. Elle aussi lutte pour ne pas sombrer dans la folie. Il existe cependant une différence de taille entre les deux femmes : leur motivation n'est pas la même. Anna quitte tout pour l'amour d'un homme, Constance quitte tout pour l'amour de la liberté. Anna cherche son salut en l'autre, Constance cherche son salut en elle et en elle seule.

Constance Debré fait de sa vie — de sa nouvelle vie — la matière de ses livres. Comme Annie Ernaux dont elle pourrait reprendre à son compte cette phrase tirée du Jeune homme : « Si je ne les écris pas, les choses ne sont pas allées jusqu'à leur terme, elles ont été seulement vécues ». Ou comme Angot, en moins obsessionnel. En moins redondant, aussi. Quoique des redondances, il y en a peut-être d'un livre à l'autre, mais si tel est le cas, ça ne m'a pas gênée. Peut-être parce que je n'ai lu que deux de ses livres, je ne suis pas encore lassée. Je suis loin d'être lassée en réalité, très loin. Je suis au contraire et à ma grande surprise incroyablement intéressée, limite envoûtée. Fascinée par cette langue âpre et crue qui va à l'essentiel. À l'os. Il faut être très attentif avec une telle langue parce que sa simplicité peut masquer aux yeux du lecteur distrait sa profonde richesse. Un peu comme un haïku. C'est tellement dénudé, un haïku, qu'il est parfois difficile d'en saisir toute la beauté, toute la signification. Avec Constance Debré, j'ai été parfois déroutée, pressentant que je n'appréhendais pas dans leur totalité les implications de ce que je venais de lire.
Un exemple : son ex-mari réclame la garde exclusive de leur fils, la déchéance de son autorité parentale, et l'accuse, entre autres choses, d'inceste, ce qui suscite ce commentaire grinçant de l'intéressée :
« Ça claque, l'inceste. Un vrai crime de mec. Presque une reconnaissance pour une meuf. »
Au-delà de son air bravache que veut nous dire cette phrase au juste? Elle est choquante cette phrase, ça c'est indubitable. Parce qu'elle transforme une accusation gravissime en une sorte d'hommage. Mais si elle n'était là que pour choquer, ça ne serait pas très intéressant. Dix pages plus loin, le sens sous-jacent s'éclaire un peu :
« Ce qui m'intéresse dans l'homosexualité ce n'est pas les filles que je baise, c'est la fille que je deviens. Avec les hommes il y avait toujours une limite, ici j'ai tout l'espace que je veux, il me semble que je peux tout faire. »
Il y a d'autres indices bien sûr : les fringues, les tatouages, la coupe de cheveux, une manière d'être au monde. Bref, la lumière s'est enfin faite dans mon esprit : ce qu'elle veut Constance Debré, c'est être un mec. Et pourquoi elle veut être un mec? Pour les potentialités que cela lui ouvre. Je me suis souvenue d'une interview donnée par la romancière Belinda Cannone dans laquelle elle explique choisir pour ses romans des personnages principaux masculins en ce qu'ils peuvent porter, contrairement aux personnages féminins, des problématiques universelles. le masculin, c'est le neutre. Je pense que c'est la même motivation à l'oeuvre chez Constance Debré, mais elle, ça n'est pas dans ses livres qu'elle veut être un mec, c'est dans sa vie : vivre et se comporter en mec, c'est briser le carcan qui assigne les femmes à une place contrainte, c'est être pleinement libre.
J'ai également pensé à Coleman Silk dans « La tache » de Philip Roth ou à Stella Vignes dans « L'autre moitié de soi » de Britt Bennett, deux personnages dont l'origine afro-américaine les condamne à une existence aux perspectives limitées, mais qui ont la particularité d'avoir la peau très claire. Aussi, Coleman et Stella choisissent-ils de changer d'identité et de devenir Blancs.

C'est incroyablement dur et exigeant de renoncer à une part de son identité, de renier tout ou partie de son passé. Il faut une volonté et une discipline de fer :
« Alors je nage tous les jours, je ne réfléchis même plus. Je le fais et puis c'est tout. C'est ma discipline, ma méthode, ma folie pour échapper à la folie. (…) C'est mon contrat avec moi-même. Mon seul engagement. Une question de vie ou de mort. le jour où j'arrête je tombe. (…) Chaque jour je me sauve. Bien sûr il faut recommencer le lendemain. »
Et bien sûr, ca ne suffit pas toujours :
« Avant je ne les voyais pas, je n'avais pas remarqué comme ils étaient nombreux, comme ils étaient partout, les enfants, toutes les sortes d'enfants, toute la gamme, les bébés, les trois-quatre ans, les six-huit, les dix-douze. J'ai l'impression qu'ils sont là pour moi, pour me narguer, un coup des dieux qui veulent se moquer de moi, me rappeler ce que j'arrive à peu près à oublier à force de discipline, me dire qu'elle sert à rien ma discipline, mes longueurs de piscine et toutes ces filles que je vois. Je fuis les enfants comme s'ils étaient des bombes à fragmentation, comme s'ils allaient m'exploser à la gueule, cribler mon corps de petits morceaux de métal coupant. »

La liberté, la vraie, celle où on est seul, sans attaches, dépossédé, pas celle que nous choisissons généralement et qui comporte plus ou moins de compromis, plus ou moins de faux-semblants, de grands et de petits attachements, est à ce prix. Mais ça vaut le coup, nous dit Constance Debré.

« Alors oui comme ça, sans filet, marcher sur les toits, ça me plaît. (…) Peut-être qu'il ne vaut pas lourd mon romantisme à deux balles. Mais c'est comme ça. La vie tout confort et les frigos pleins, ça me donne envie de crever. »

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Contrairement à la plupart des gens, Constance Debré a décidé de faire tout l'opposé de ce que l'on attendait d'elle. Elle a lâché son boulot stable pour se consacrer à l'écriture, elle a divorcé pour vivre son homosexualité sans tabous, elle a quitté son logement pour passer d'appartement en appartement. Autant dire qu'en terme de changement, elle n'a pas fait dans la dentelle. Elle a laissé une vie ordinaire et rangée pour vivre SA vie. Elle s'est créé sa propre liberté, en faisant exploser l'ensemble des conventions de son quotidien. N'écoutant que ses envies, elle se contente d'un minimum qui la rend heureuse.

Seulement cette quête de liberté se heurte aux préjugés, qui sont encore très puissants dans notre société pourtant moderne. Tel « l'étranger » de Camus, l'autrice n'est jamais comprise par le reste de la population. Son comportement déroute le monde aseptisé d'aujourd'hui, qui rejette ce qu'il ne comprend pas. Elle pourrait s'en moquer mais la présence de son fils constitue un lien avec le monde qu'elle ne peut briser.

Grâce à une plume incisive, à l'os, l'autrice nous livre le récit d'une écorchée vive qui se débat afin de rester un électron libre. Elle tente de continuer son chemin en dehors des clous, malgré les injonctions des us et coutumes. le texte est subversif sans concession, mentalement brutal. Il dérangera surement les bienpensants. Mais l'honnêteté dont fait preuve Constance Debré, rend son histoire particulièrement touchante.

Personnellement, je suis plutôt conventionnel dans mes choix de vie. Conditionné par mon environnement, j'ai toujours essayé de faire comme Monsieur Tout le Monde, suivre les règles, ne pas trop déranger. C'est pourquoi le roman de Constance Debré a agi sur moi telle une véritable secousse. Entrer dans son esprit libéré m'a vraiment dérouté. J'ai été bouleversé par sa révolte silencieuse, dénuée de violence. Mon premier coup de coeur de la rentrée !
Lien : http://leslivresdek79.com/20..
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Écrire. Partant de là pour un au delà. Au delà de ce qui vient et va de soi. Faire travail d'une oeuvre utile. Tenir la ligne ce n'est pas tirer un trait. C'est tracer son propre chemin. Voyager léger, ne garder que le nécessaire. le nécessaire à vivre, passer le chaos du vide, remplir les silences des dieux, réduire le mal à son insignifiance. Oui c'est un livre qui parle à l'amour. Parce qu'il n'y a pas de compromis possible, ça ouvre, ça entre, ça coupe, ça donne, ça prend, ça s'écrit en dedans, ça laisse des traces comme des mots imprimés sur la peau . Une lettre ouverte qu'on ne referme pas.
Faire place, ne pas se soumettre à un rôle, se détacher, délier sa pensée et son geste.
Aimer, non de la raison qui nous lie, mais à raison de ce que vivons, à la hauteur des possibles que nous rencontrons, construisons, partageons.
Aimer ne va pas de soi. Ce serait trop simple, trop peu humain. Tout ne se réduit pas au rôle distribué, arbitrairement attribué.
L'amour ne lie pas, il émancipe.
Ce n'est pas une question de choix mais de liberté.
Un immense merci à Constance Debré de nous le rappeler.

Astrid Shriqui Garain

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Je n'ai pas pu poser ce livre avant de le terminer. Ça décoiffe, ça dérange et c'est tellement juste!
J'ai vraiment beaucoup aimé ce "Love me tender" de Constance Debré qui ne fait pas dans la dentelle. Ce roman d'autofiction est direct, dans le genre de Christine Angot, et je crois que je ne suis pas la seule à le dire.
C'est le récit de Constance, une femme qui bascule dans une autre vie, celle qu'elle a choisie, et en subit les conséquences : la perte de la garde de son fils.
Avocate et mariée elle a décidé de tout quitter pour écrire et vivre son homosexualité en toute liberté.
Mais cela dérange, surtout le père de son fils. Après le divorce, la vengeance ; elle va perdre pendant plus d'un an la garde de son petit garçon de 9 ans. Elle va vivre cette attente insupportable pour avoir finalement un droit de rencontre dans un centre social ou mère et fils sont aussi mal à l'aise l'un que l'autre.
Cette année sans son fils devient pour elle un moment de basculement de son existence, métamorphose qu'implique la douleur.
L'argent lui importe peu et elle se détache de toute possession. Elle change de corps aussi, sculpté par des séances quotidiennes à la piscine. Elle multiplie les aventures avec les filles, boulimique de sexe, comme pour compenser le manque.
Et s'il y a des interrogations sur l'amour sous toutes ses formes dans ce livre, il n'y a jamais de complaisance.

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Je n'étais pas trop portée sur l'autofiction, et je me méfiais un peu de l'engouement de la presse, mais ce livre est bouleversant. Constance Debré a le chic pour trouver la formule qui fait mal, qui décape le langage. On la suit où elle veut bien nous amener, hors des sentiers battus de la littérature, dans ses amours comme ses galères. A lire...
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Les mots peuvent-ils faire rempart au monde ? La littérature peut-elle permettre de se forger une carapace inexpugnable ?
C'est ce que semble avoir entrepris Constance Debré. Après avoir rompu toutes ses attaches - mari, travail, appartement - pour, quoi ? rejeter tout ce qui pouvait lui apparaître comme un diktat social afin de vivre selon ses propres valeurs ? elle a choisi de revendiquer son homosexualité et de se consacrer à l'écriture.

Quelle est vraiment la nature de ce choix ? Tant son écriture que sa manière d'assumer et de vivre son homosexualité semblent émaner de son rejet des normes sociales et de sa volonté farouche de s'en extraire. Vivre au jour le jour, sans un sou en poche, ni toit sous lequel passer la nuit, ni relation affective stable sur lesquels se reposer, grâce auxquels souffler. Souffler ? Mais c'est justement cela qui constitue à ses yeux une aliénation, c'est cela qui l'empêche de vivre. de ces entraves, elle s'est libérée, et elle assume sans ciller les revers et la violence qu'une telle décision ne manque pas d'engendrer.

Sauf que. Sauf qu'il y a Paul. Son fils de 10 ans, que son ex va couper d'elle, sa mère. Ce lien-là aussi, il va lui falloir l'arracher, le sectionner, le cisailler. A force de courage. A coups de phrases sèches. Se contraindre à désaimer. Pour ne pas souffrir. Pour ne pas tomber en chemin. Pour pouvoir vivre comme elle l'entend. Ce texte, pour faire « dénaître » son fils.

Honnêtement, ce livre, j'y allais à reculons. Cette écriture dont je croyais avoir suffisamment entendu parler pour entrevoir les mots crus cherchant le contact direct, refusant de faire écran, cette économie de moyens visant à réduire l'effet à néant, cette recherche forcenée d'annihiler toute émotion, ce n'était pas pour moi.

Croyais-je.

Il faut pourtant un putain de courage pour faire ce qu'elle a fait. Car la douleur est là, contenue, domptée, dominée, muselée. Grâce à l'écriture qui lui tient lieu de logis et de raison de vivre. Avec ces mots qui se dressent comme autant de boucliers. Des mots qui laissent pourtant à de rares instants entrapercevoir les entrailles à vif. Mais des instants brefs, à peine perceptibles, car Constance ne cesse jamais de s'en remettre à la seule chose qui vaille à ses yeux : la puissance des mots et des phrases.

Alors c'est vrai, je me suis fait violence pour entrer dans ce récit. J'ai été empoignée, harponnée, je me suis sentie malmenée. Mais à aucun moment je n'aurais pu le lâcher. LA lâcher. de toute évidence, ce style et ce texte n'ont pas vocation à séduire. Ce sont leur force et leur puissance rares qui en font tout le prix.
Lien : https://delphine-olympe.blog..
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Constance Debré a laissé tomber la toge et le barreau. Elle a plaqué son salaire avantageux. Pour écrire. Elle a coupé ses cheveux. Elle s'est fait tatouer. Pour être elle-même. Elle fréquente des filles maintenant. Son fils le sait. Elle ne veut rien lui cacher.
🖤
Quand elle décide de prévenir son ex (qu'il brûle en enfer) de ce changement, elle ne sait pas que cela va sceller son destin. Bonjour ego de mâle blessé. Au revoir son petit garçon ?
🖤
Dans ce récit de vie ahurissant et rédigé avec une plume percutante et poétique, c'est l'amour sous toutes ses formes qu'elle sonde. Les normes sociales qu'elle remet en question. Que de réflexions fortes et fulgurantes !
🖤
De la première à la dernière ligne, j'ai été happée par ce texte. Par cette vie. Par cette femme surtout, incroyable, courageuse et résiliente. Je me suis prise d'une affection sincère et immédiate pour elle. J'ai appris, erré, souffert, aimé et, surtout, réfléchi, avec elle.
🖤
Cette autrice fut une découverte pour moi (et quelle découverte !) et je compte bien lire son livre précédent et tous ceux qui suivront. Quelle claque !
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Lecture facile et tellement dure. Facile, car bien écrit, fluide, des phrases qui coulent l'une après l'autre comme des perles d'un collier qui vient de se casser. Dur, car tendre n'est que dans le titre, tellement de douleurs contenues dans ces pages, la douleur d'une mère séparée de son enfant, une vie qui se réduit à néant, volontairement. Une recherche d'amour, d'amour différent, mais avec une frénésie énorme qui ne permet pas de bâtir, qui ne veut rien bâtir. Comme elle le dit si bien... l'amour est une sauvagerie.
Lien : https://redheadwithabrain.ch..
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Dans ce roman, Constance Debré interroge l'amour maternel et le droit de vivre sa vie. J'ai dévoré ce roman en 2 heures! Avec un style cru et incisif, l'auteure évoque sa quête d'elle même, sa sexualité, sa place dans la société, et son rôle de mère. Elle nous livre le récit d'une écorchée vive, incomprise de tous et d'elle même aussi. J'ai longtemps hésité à lire ce roman à cause du battage médiatique. Quelle erreur ! C'est une véritable bombe littéraire! Un livre fort. Ce n'est pas conventionnel, certains passages peuvent déranger, ça ne plaira pas à tout le monde mais je vous recommande fortement ce roman percutant.
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Je poste ce petit commentaire pour que vous ne soyez pas influencés par "Lu en deux soirs. Affligeant ! C'est rédigé comme une liste de courses..."
J'ai lu ces quelques mots avant de débuter le récit, qui ont entêté ma lecture.
Lisez plutôt la critique de Killing 79 par exemple.
Pour ma part j'ai aimé ce livre, ce qu'il raconte des femmes et de non liberté.
Cela m'a rappelé également Hervé Guibert, que j'ai tant aimé lire.
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