Citations sur Le livre des heures (50)
L'enlumineur qui travaille à la lumière de l'instant sait jouer des temps longs, sait être patient. Un beau livre d'heures requière jusqu'à huit mois de la vie d'un peintre. Un mariage susceptible de durer la vie vaut bien un peu de patience.
Peur. Peur de l'autre. Peur de soi, de ne pas croire comme il faut croire, de ne pas haïr qui l'on doit . Peur de l'ennemi, connu. Peur fascinée des mondes qu'on ne connaît pas. Hier le remède à la peur?à la mélancolie ? La réponse à tout ? Peindre.
Marguerite a beau être volontaire, hardie, elle est enfant de son temps, enfant de ses peurs Son grand-père a eu les siennes, le pillage, les disettes, la guerre. Du temps de Marguerite, le royaume de France est en paix, mais c'est une paix en apnée , dans un monde qui craque de toutes parts.
Si, comme il se doit, Marguerite équipera son livre d’heures de calendrier liturgique, d’extraits d’évangiles, d’un petit office de la Vierge organisé selon les heures canoniales, elle prendra quelques libertés. d’autres avant elle en ont prit. Il est commun que le propriétaire de livres d’heures cherche à rentabiliser sa mise, car le coût en est très élevé. On y inscrira toutes sortes de choses, des recettes locales de tisanes, d’onguent, en passant par les dates des naissances et des morts des membres de la famille. Alors pourquoi pas des pensées, des échappées intime ? Voilà pour le fond .
Et sur la forme ?
D’austères au XII° siècle, les livres d’heures vont prendre vie, couleurs au fil du temps. Des prières, comme d’une terre, vont en pousser s’enguirlander de branches, de feuilles, de forêts entières.
Les maisons des petites gens sont couleur de bois, de pierre, de boue, de chaume, leur mobiliers de terre cuite, d’étain, leurs habits d’étoffe non teinte ou si peu. Le Moyen Âge est friand de couleurs vives autant que d’épices. La couleur est l’apanage de la nature, de nature divine, des Hommes qui en ont extrait les secrets et de ceux qui peuvent se les payer. Plus elle est vive, saturée, plus elle est enviable, enviée. Elle est la marque du puissant, de la cathédrale, du jour de fête et de procession avec ses étendards. L’absence de couleur est signe de pauvreté, d’insignifiance, d’inexistence, de mort.
Elle pose un sarment sur la pierre et le broie, verse dessus un peu d’eau de pluie, broie encore, broie le noir aussi loin qu’elle a de temps avant elle, de force et de volonté. Plus elle broie, plus le noir sera bon.
Elle lui dit : "Monsieur, je n'ai pas de quoi philosopher, en la matière c'est vous le maître. Mais vous me faites rougir malgré moi, et je vous en veux. Ici à l'ordinaire c'est moi qui commande aux couleurs."
Page 23, on parle de la couleur.
« Les maisons des petites gens sont couleur de bois, de pierre, de boue, de chaume, leurs mobiliers de terre cuite, d’étain, leurs habits d’étoffe non teinte ou si peu. Le Moyen-Âge est friand de couleur vive autant que d’épice. La couleur est l’apanage de la nature, de la nature divine, des Hommes qui en ont extrait les secrets et de ceux qui peuvent se les payer. Plus elle est vive, saturée, plus elle est enviable, enviée. »
Marguerite voudrait qu'il en soit de ces règles qui s'imposent à la société comme de celles qui prévalent à l'apothicairerie et à l'atelier des peintres, où on n'exclut pas de chercher longtemps la bonne mesure, où on ne dit jamais du temps qu'on y a passé qu'il est perdu, où on ne blâme pas d'autre que soi pour ne pas avoir atteint son but.
Elle sait que l'héritage de son grand-père ne fera que passer par elle,elle sait que pour qu'il vaille,la société veut qu'il s'enracine dans une lignée d'homme. Pour que l'atelier vive,lui survive,il faut que Marguerite s'associe à un homme de la profession.(p.100)