Cela fait un an que les Russes ont lancé l'assaut contre l'Ukraine lorsque le narrateur, un journaliste français, prend le train pour gagner Kiev. Ce pays, il le connaît déjà : il s'y était rendu dès le début du conflit. Mais ce qu'il connaît surtout c'est la Russie. Enfant, il y avait fait plusieurs séjours avec sa mère, descendante de Russes blancs, qui y organisait des voyages scolaires. Même s'il n'en maîtrisait pas la langue, se rendre là-bas c'était retrouver ses racines, faire face à un peuple avec lequel il se reconnaissait des caractéristiques physiques communes, replonger dans une histoire familiale. Mais comment considérer ces origines désormais ?
Alternant les chapitres,
Nicolas Delesalle évoque la situation actuelle de l'Ukraine et l'histoire de la Russie à travers une trajectoire personnelle et familiale qui semble avoir de forts accents autobiographiques. Il privilégie ainsi une approche humaine et singulière qui présente des atouts… et des limites.
C'est en effet avec tendresse et non sans humour qu'il évoque la figure maternelle, provoquant ainsi chez le lecteur une profonde empathie. le caractère fantasque de cette femme, sur lequel il met largement l'accent, nous la rend éminemment sympathique.
Quant à la poignée de personnages qu'il rencontre lors de sa traversée de l'Ukraine, qu'il s'agisse du vieux Sacha qui, à soixante-dix ans, veut toujours défendre son pays ou de Vania, le jeune prisonnier russe dont il a la garde, ils sont dépeints avec cette même attention à la relation qui se tisse en dépit de la situation dramatique dans laquelle elle s'inscrit.
Il en résulte un texte très plaisant à lire, emmené par des protagonistes attachants, qui offre chemin faisant une certaine image du conflit russo-ukrainien. Il présente à ce propos quelques éléments intéressants et évite de sombrer dans une approche manichéenne. Mais on reste cependant sur sa faim : l'approche très intimiste choisie par l'auteur ne permet pas une réelle analyse ni une réelle compréhension des enjeux. Là n'était sans doute pas l'objectif de l'auteur, mais cette lecture a néanmoins provoqué chez moi un sentiment mitigé. Si j'étais malicieuse, je dirais que le traitement choisi n'est pas loin de celui de Paris Match, pour lequel officie Delesalle : il nous offre des instantanés poignants, jouant sur la corde sensible et présentant des destinées personnelles savamment relatées, mais qui peinent à rendre compte de l'événement dans sa globalité et sa complexité… Pourquoi pas. il faut juste adhérer à la démarche.
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