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620 pages
thèse (24/03/2017)
5/5   1 notes
Résumé :
Que sont devenus les enfants des bidonvilles et cités de transit de l'après-guerre en France ? Alliant entretiens, observations, archives et statistiques, la thèse reconstitue les expériences et les trajectoires d'individus d'origine algérienne, marocaine et portugaise ayant grandi dans les bidonvilles et cités de Nanterre et de Champigny-sur-Marne, en Île-de-France. Elle rend compte de leur vécu dans ces formes d'habitat précaires, ségrégées et stigmatisées qui ont... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Comment les enfants des immigrés "parqués" dans des bidonvilles et cités de transit à Nanterre et à Champigny-sur-Marne ont-ils vécu cette expérience ? Comment ont-ils pu -ou pas - en faire le tremplin vers une vie meilleure ou vers la reconduction ou l'imitation, sous d'autres formes, de la vie précaire que leurs parents ont connue ? Et comment ce parcours depuis le moment où leurs familles ont quitté leurs pays d'origine est-il devenu un objet de mémoire quant à la ségrégation qui a été marquée par le pays d'accueil - ici la France - à leur endroit ? Peut-on dépasser tout cela et comment ? Ce sont toutes ces questions que Margot Delon aborde, avec le sérieux et la retenue de rigueur, dans sa thèse intitulée : Les incidences biographiques de la ségrégation.
Elle retient d'emblée deux exemples parmi les plus emblématiques de ce phénomène puisqu'elle choisit parmi tous les bidonvilles et cités de transit apparus après 1945 ceux qui ont connu la plus grosse concentration humaine, à Nanterre, zone sur laquelle le directeur de recherche de l'auteure l'invite à se pencher, et à Champigny-sur-Marne, terrain que Margot Delon souhaitait explorer pour rester sur le secteur sud-est de la première couronne parisienne si chère à sa devancière, Colette Pétonnet, et excluant finalement un troisième point d'observation initialement envisagé, mais assez éloigné, puisqu'il s'agissait de Marseille, et ne retenant au bout du compte comme champ d'exploration que le pôle Nanterre - Champigny en banlieue parisienne.
Elle a sans aucun doute bien fait, car cela nous vaut une enquête remarquablement conduite auprès d'une cinquantaine de témoins - 27 à Nanterre et 23 à Champigny, tous enfants de la génération qui est venue s'installer dans les bidonvilles et/ou puis dans les cités de transit.
Mais tout de suite s'opèrent les premières distinctions, selon que les parents appartiennent à des familles d'origine algérienne envers lesquelles jouera une forte discrimination et à l'égard desquelles s'exercera longtemps la méfiances des autorités et de la population française, surtout durant la période de la guerre de décolonisation (1954-1962) mais même au-delà, ou selon qu'ils soient d'origine portugaise, population nettement moins indésirable, même si tout ne fut pas parfait, et sans doute considérée comme nettement plus assimilable, surtout avec le renforcement de la construction européenne.
De ces différences de traitement, les deux communautés ne tireront pas les mêmes impressions et ne vivront pas de la même façon une forme d'humiliation entretenue que l'on qualifie ici de ségrégation.
De plus, au sein de chaque groupe, les individus ne réagiront pas de manière uniforme, même si la mémoire collective a enregistré le fait accompli en le recevant comme un déni d'humanité autant que de citoyenneté, lors même que la nationalité française sera progressivement accordée, souvent au terme d'un processus de socialisation plutôt inégalement profitable à ces populations et aux générations qui succèdent aux occupants des bidonvilles.
Margot Delon, qui a consacré en moyenne deux heures d'entretien avec chaque témoin interviewé pour mieux saisir toutes les dimensions du récit de la trajectoire de ces ex-enfants des bidonvilles, a équitablement et sociologiquement réparti les groupes selon les catégories majoritaires : 21 personnes d'origine algérienne sur les 27 interrogées à Nanterre et 23 personnes toutes issues de la communauté portugaise à Champigny. Elle a aussi tenu grand compte des acteurs, milieux et contextes socialisateurs qui ont aidé à l'ascension sociale de plusieurs des "enquêtés", dont les plus volontaires et les plus désireux de surmonter tous les handicaps et obstacles placés sur leur chemin depuis les origines et de par leurs origines, qui ont su améliorer leur sort. Ce qui fait de ces derniers un cas à part, car leur petit nombre fait bien sûr d'eux une minorité par rapport à des populations ayant reconduit autrement l'expérience de la précarité. Mais il est intéressant de noter que ce sont les Algériens et les Marocains qui ont, quantitativement, dans l'échantillon retenu, davantage réussi que les Portugais, au moins dans les mobilités ascendantes sur le plan professionnel puisque l'on dénombre par exemple 6 cadres et membres des professions intellectuelles supérieures chez les Nord-Africains venus de Nanterre pour 3 chez les Portugais venant de Champigny, encore que les populations des bidonvilles de Nanterre eussent été plus importantes (8283 habitants en 1968) que celles de Champigny (1787 habitants).
Un autre point intéressant de cette thèse est qu'elle ne néglige en rien la chronologie et les conditions socio-professionnelles et économiques de ces populations avant, pendant et après l'expérience des bidonvilles ni non plus les sacrifices consentis par les parents pour que les enfants ent un sort meilleur que le leur.
La documentation sur laquelle s'appuie Margot Delon est riche et abondante. Et lors de l'enquête, elle n'a pas hésité à produire des photos des lieux et des personnes qui ont permis aux témoins de libérer leur parole.
Je salue le travail accompli par Margot Delon qui émet pour finir l'hypothèse que bientôt viendra l'heure d'interroger les enfants des enfants des résidents des bidonvilles et cités de transit dont la résorption a été lente et pénible. Hors sa thèse, je sais qu'elle formule le souhait qu'advienne une transformation plus structurelle de la société en vue d'une intégration réussie et complète des populations trop longtemps ségrégées. Les expériences décrites par elle doivent informer et éclairer les décisions prises par les pouvoirs politiques et publics actuels pour traiter la question des formes de logement à proposer à tous ceux des nouveaux migrants qui renouent actuellement avec l'expérience des camps immrovisés et des bidonvilles.

Je ne saurais achever ce commentaire sans dire ma gratitude à Monsieur Pierre Levené, Secrétaire général de la Fondation Caritas France qui m'a invité le jeudi 21 septembre 2017 à la remise à Margot Delon du prix de recherche 2017 de la Fondation de recherche Caritas - Institut de France, dans les murs de l'Institut et précisément dans la salle où se réunit habituellement l'Académie des inscriptions et Belles-Lettres dont fait partie une personne que j'estime particulièrement, et chacun aura compris que je nomme ici Monsieur Philippe Contamine.

François Sarindar
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Dites, communiquées, répétées, les interprétations du passé acquièrent une portée collective, se stabilisent et se transmettent, tout en étant dans le même temps renégociées dans ces interactions. Dans l'idée de re "sociologiser" la mémoire, il est intéressant de creuser l'analyse des espaces dans lesquels on peut dire ses souvenirs ainsi que des conditions de cette "dicibilité". Comme l'a montré Michael Pollak dans son enquête sur les survivants des camps de concentration, on ne raconte pas ses souvenirs - en particulier s'ils sont douloureux et "inclassables" - à n'importe qui [et] de n'importe quelle manière, mais en fonction de l'idée que l'on peut être ou non compris par son interlocuteur. La question des scènes de dicibilité est donc cruciale : elle engage à examiner les réseaux, relations et configurations sociales dans lesquels l'individu s'inscrit en fonction de sa trajectoire, et à saisir leur rôle dans la remémoration et la transmission du passé.
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La thèse se donne l'objectif d'expliquer le fait que des conditions de vie matérielles très proches aient pu donner lieu à des incidences très contrastées selon les habitants [des bidonvilles et cités de transit de Nanterre et de Champigny-sur-Marne].
(Sur l'hétérogénéité plus forte que l'homogénéité des expériences, des parcours et des résidus laissés dans la mémoire)
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Vidéo de Margot Delon
Sciences Po Que deviennent les enfants qui ont grandi dans l’un des bidonvilles français d’après-guerre ? Sociologue, Margot Delon a retracé les trajectoires d’enfants de bidonvilles et de cités de transit à Nanterre et à Champigny-sur-Marne
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