Je suis très heureuse de pouvoir chroniquer
Pour Luky, parce que c'est une nouvelle découverte pour moi. Par là j'entends que j'ai à nouveau cette sensation d'avoir lu quelque chose que je n'avais jamais lu jusqu'à présent ! Il y a deux raisons à cette sensation.
Premièrement,
Aurélien Delsaux a une manière d'écrire que je n'ai jamais lue avant. Sur le bandeau du roman, on peut lire ce qui suit : « Delsaux invente une langue qui est comme un couteau papillon, qui se plie et se replie sans cesse, virevolte et blesse pour finir. » -
Nicolas Mathieu. D'habitude, je ne fais pas bien attention aux bandeaux, je ne cherche pas vraiment l'approbation d'un autre auteur ou d'un prix quand je craque pour un livre. Mais là, je dois dire que ma curiosité a été piquée. Comment peut-on « inventer une langue » ? Parce que là, on est sur de la littérature contemporaine Française, pas de la fantasy. Mais en fait, c'est vrai que l'auteur utilise son propre langage, en tout cas ce n'est ni classique, ni soutenu. C'est un style qui convient à ses personnages, Luky, Abdoul et Diego, jeunes lycéens paumés dans leur petite ville de campagne. Mais on ne peut pas s'arrêter à ça, ce n'est pas un style de « jeunes » non plus. C'est une écriture mouvante, comme les pensées et les idées. C'est contemplatif, brûlant, énergique, calme. C'est parfois tout à la fois. L'auteur mélange les temps, se répète, enchaîne chapitres courts, phrases courtes, envolées lyriques, monologues insensés (ou le sont-ils ?), dialogues hachés. le lecteur plonge dans la tête des protagonistes par le rythme, la mélodie, les silences. Pas tant par le verbe (même si quand même, aussi).
Deuxièmement, c'est la première fois que je lis un roman dont l'intrigue se déroule chez moi ! Je vois d'ici les Parisiens se moquer gentiment, je sais bien que pour vous c'est la routine, mais quand on habite un coin un peu paumé en Isère, c'est toujours surprenant de voir qu'on est pas seul dedans. En fait, il y a aussi Luky, Abdoul et Diego. Et voir la ville par leurs yeux, voir les lieux par leurs yeux, comme c'est étonnant ! J'ai la vue qui s'élargit ! Je les lis se promener dans le parc, dans la rue, dans la forêt. Je les lis zoner. Je les lis se questionner sur leur avenir, leur présent, le sens de la vie. J'ai l'impression de les connaître un peu…
Mais pour aller au-delà de l'image de la personne qui la première fois qu'elle va sur Google Earth cherche sa maison, j'ai trouvé ce roman excellent. Vibrant. Les personnages sont diablement touchant, leur histoire prenante. Il y a là matière à me faire réfléchir ; le poème de la vie de Luky, l'appel à la culture d'Abdoul, le manque de mots de Diego. L'auteur prend le temps d'insuffler à son roman une bonne dose de questions existentielles et d'émotion.
Pour Luky pose vraiment la question des territoires reculés, de la « campagne ». Absence de lignes de bus, de sorties possibles, absence de vie, à part l'été pendant le festival. Je pense forcément un peu à
Cécile Coulon qui elle aussi raconte l'éloignement, l'attachement à la terre, mais d'une toute autre façon ;
Aurélien Delsaux décrit le vide, le chez soi qui n'existe pas vraiment, l'absence.
En bref, j'ai adoré suivre nos trois personnages dans leur quête de repères durant leur année scolaire. J'ai été dépaysée au possible par l'écriture d'
Aurélien Delsaux, malgré le fait que l'histoire se passe dans mon coin de France. Merci de m'avoir mis une autre paire de lunettes sur le nez !
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