Pour rallumer les étoiles

« J'avais besoin de te retrouver. » Des mots pesants, lourds de mille souffrances, de reproches, d'espoirs déçus, de désir inquiet, de désespoir aussi. De rancune peut-être... Des mots porteurs d'amour aussi.

Elle contempla le lac à sa fenêtre, puis les montagnes, le ciel, et retrouva l'émotion qu'elle avait éprouvée la dernière fois qu'elle s'était aventurée sur le lac gelé. Une sorte d'enchantement, l'impression de communier avec l'univers.

Il avait découvert que sa main bousillée était encore capable d'arracher du sens et même de la beauté à un simple morceau de bois. Il ne parvenait pas à atteindre la même précision qu'autrefois, mais ses coups de ciseau grossiers faisaient naître des animaux aux formes plus naïves qui avaient quelque chose de touchant.

Et puis un jour, j'ai eu l'impression que le ciel me tombait sur la tête. Je n'ai aucune idée de ce qui a pu déclencher ça. C'est comme si une minuterie interne avait sonné en moi. C'était une sorte de prise de conscience à retardement. Il m'a semblé tout à coup que plus rien ne tenait. Qu'il n'y avait plus rien de sûr, rien de stable autour de moi. J'avançais sur des sables mouvants. J'avais l'impression de ne plus même savoir qui j'étais.

Il ne suffit pas de tenir bon, de rester droit. Il faut aussi avoir le courage d'aller au bout de sa route et plus loin encore en écoutant la petite voix au fond de soi.

Elle avait tant à dire. Mais les mots lui semblèrent soudain trop légers. Il n'existait qu'un langage suffisamment puissant. Alors elle laissa son corps lui dire que c'était avec lui qu'elle voulait rire, danser, chanter, pleurer, crier.

Elle n'avait jamais cessé de l'aimer, mais la peur, la honte, le doute, la culpabilité avaient brouillé sa vision. L'avaient fait hésiter. Douter même. La peur est le pire ennemi. Une bête sournoise qui nous grignote les tripes jusqu'à ce qu'on ne sache même plus qui on est et pourquoi on existe.

Il lui avait un jour confié : « Mon pays, c'est le lac. » Et en l'entendant, elle avait eu l'impression de prendre racine.

Le pire ennemi n'était pas la douleur mais le risque de blessure. Il fallait accepter de se transformer en bête de somme, de pousser son corps sans pitié bien au-delà des limites qu'il proposait mais en restant à l'écoute des signaux d'urgence pour éviter de détraquer la machine. De blesser la bête.

Faire le deuil du passé pour enfin rallumer les étoiles.