Je peux le jurer, je n'ai jamais voulu tromper.
Ce qui ne veut rien dire, laisse entendre beaucoup, sans être un mensonge. La technique Dehousse.
Du jour au lendemain, chacun découvre avec stupéfaction que le voisin vaguement salué sur le palier ou croisé au coin de la rue a posé des bombes, ait dérailler des trains, reçu es parachutages nocturnes, éliminé des traîtres, manipulé des codes, transmis clandestinement des informations sur des bases de V1, affronté la nuit, le fruit, la peur.
Comment un homme a réussi à s'inventer une autre vie que la sienne, plus belle, plus haute, voilà ce que j'ai entrepris de raconter.
Yvette a toujours eu le chic pour énoncer, avec l'innocence du cœur, des vérités pas loin d'être odieuses.
Un homme qui ne fut qu'une immense et soigneuse tromperie.
Il préfère ignorer qu'il tentait de vendre des textiles aux collectivités, pendant que d'autres prenaient de tels risques et mouraient fusillés dans les fossés des forts.
Plus tard, quand il aura endossé l'uniforme et fabriqué son passé valeureux, ces traits physiques donneront à tous ceux qui le rencontreront l'image d'une élégance naturelle et distante, presque désincarnée, parfaitement en accord avec son personnage de héros très discret.
Quand une mécanique est lancée, même à partir d'un mensonge, rien ne peut l'arrêter. Très vite les acteurs, hommes et femmes, pris par le mouvement, sont dépassés. La vérité n'a plus d'importance : c'est seulement la vraisemblance au départ qui comptait.
Les vents des deux mers et des deux continents sont si rudes qu'ils font tourbillonner les pensées comme feuilles mortes dans le patio. Et les mots se bousculent en bruissant, autres feuilles mortes secouées par le vent.