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Critiques filtrées sur 2 étoiles  
L'exercice du premier roman n'est pas chose aisée, loin de là.
Surtout dans le domaine de l'imaginaire et, notamment, de la fantasy, où les romans pullulent depuis le succès du Seigneur des Anneaux au cinéma et, plus récemment, de Game of Thrones à la télévision.
La collection ExoFictions de chez Actes Sud, non contente d'avoir publié quelques ouvrages particulièrement audacieux comme Les Anges Radieux de William T. Vollman ou le Problème à Trois Corps de Liu Cixin, se lance aujourd'hui sur le créneau de la fantasy avec la publication d'un premier roman français signé Jean-Luc Deparis. Et pour ne pas faire les choses à moitié, c'est un pavé de plus de 600 pages qui attend le lecteur en ce début d'année dans un univers de magie et de dieux belliqueux.

Les Chapelles d'Isidis
Sandremonde s'ouvre sur une étrange découverte : celle d'une jeune fille aux cheveux blancs comme la neige par le Chevalier de Guelemer de la Chapelle de Malestan.
Alors que la troupe s'en allait cueillir l'une des caravanes des Chapelles voisines pour la dépouiller de son or et de ses provisions, les chapelains se retrouvent nez à nez avec une Shaël-Faar, un être de légende que beaucoup pensent dotée de pouvoirs magiques.
Contre toute attente, le Chevalier de Guelemer, impressionné par la vitalité de cette créature capable de surpasser la protection divine des bornes-frontières d'Isidis, décide de la laisser vivre…et de l'emporter avec lui à la Chapelle de Malestan.
Seulement voilà, depuis longtemps les Shaël-Faars sont un tabou pour l'Église qui règne sur Sandremonde, et à plus forte raison dans les Chapelles, ces fiefs offerts par le Collège Cardinal aux vrais croyants et protégés par la volonté divine d'Isidis si bien que les personnes ne portant pas la bonnes clefs tatouées sur leur peau ne peuvent franchir une borne-frontière donnée.
Malgré les précautions prises par le Chevalier, la vérité arrive rapidement aux oreilles de l'Évêque puis du collège d'Illieneï qui décide d'envoyer ses redoutables moines-soldats à la recherche de la Shaël-Faar et de raser Malestan par la même occasion.
Contrainte de fuir dans la cité d'Atabeg au fin fond de la Plaie, repaire des sicaires et Intouchables capables de passer outre la puissance des bornes-frontières, celle que l'on nomme Elyz-Ana va peu à peu découvrir ses origines et son destin.
Et…nous n'en dirons pas plus pour ne pas gâcher la surprise des lecteurs.
Sandremondre commence de façon énigmatique et envoûtante avec un monde bouffé par le dogme d'Isidis et le gantelet de fer d'une Église toute puissante. Jean-Luc Deparis a l'art et la manière d'installer son univers en alternant les lieux intriguant et en dévoilant surtout un système de magie intelligent. Les pierres posées par le français offre un worldbuilding prometteur où le pouvoir de l'Église serait littéral, où les fidèles d'entre les fidèles, les plus fervents croyants seraient littéralement récompensés dans le monde réel sans devoir attendre le Paradis grâce aux Chapelles, sorte de territoires protégés de façon surnaturelle par les bornes-frontières et où la vie serait bien plus aisée que dans les cités des Terres Médianes où règne la pauvreté et la violence.
Une violence qui n'est pourtant pas absente des Chapelles car celles-ci se tirent continuellement la bourre pour s'emparer des ressources des caravanes marchandes envoyées commercer avec les cités. Et puis, l'Église a beau protéger les siens, elle ne se prive pas de prélever taxes et impôts tout en gardant l'oeil sur les Czars par l'intermédiaire des Évêques, prêts à envoyer l'ensemble des habitants d'une Chapelle dans les Terres Médianes par la force s'il le faut.
Un monde à priori passionnant donc…mais qui perd de sa splendeur par la suite.

L'élue est parmi nous !
Car après avoir esquissé les règles qui régissent les Chapelles et avoir illustré le petit jeu sinistre de l'Église, Jean-Luc Deparis projette son héroïne dans la cité d'Atabeg où elle devient une sicaire, une mercenaire capable d'entrer sur les terres bénies de l'Église pour venger une Chapelle lésée lors d'un raid contre l'une de ses caravanes marchandes. Elyz-Ana découvre alors une religion oubliée avec le culte de Gwendhel et son livre sacré, le Kalath-Ka. Bourré d'enseignements, celui-ci devient rapidement l'obsession principale de la jeune femme qui doit à nouveau fuir les moines-soldats envoyés par le Cardinal Premier, sorte de Pape de l'Église d'Isidis, qui ne tolère pas qu'une Shaël-Faar soit laissée en vie…surtout quand d'étranger cavaliers aux lames bleutées et aux casques à cornes se mettent à trucider du Czar dans les saintes Chapelles de l'Église !
Premier problème pour Sandremonde, l'intrigue propose une installation longue d'environ 230 pages où le lecteur visite des Chapelles, l'île d'Illieneï, une prison sordide, le territoire forestier des Mélankins et, bien sûr, la Plaie d'Atabeg. Il faut attendre un tiers du roman pour que l'héroïne tombe sur le premier représentant de son peule qu'elle pensait pourtant perdu. C'est long, certes, mais on peut tout de même profiter de l'imagination déployée par Jean-Luc Deparis qui dépeint un monde riche et pleins de possibilités…jusqu'au choix malencontreux qui amène notre héroïne dans le Den-Auroch et sur la terre des Saudahyds, sorte de barbares cimmériens vénérant les Dieux des profondeurs, les Cron-Y-Bradh.
À partir de là, Jean-Luc Deparis troque son univers patiemment construit pour un cliché archi-rebattu de la fantasy : l'élue.
Si le lecteur profitera encore par la suite de la découverte du Den-Auroch, contrée-cimetière d'un peuple fauché par le destin, tout déraille lorsque Sandremonde se focalise entièrement sur Elyz-Ana et sa destinée extraordinaire.
Amenée à sauver son peuple et à accomplir la prophétie, elle doit d'abord prouver sa valeur, renouer avec les siens et leurs traditions, trouver l'objet-magique capable de révéler sa destinée, lutter contre les dissensions entre ceux qui croient en elle et ceux qui la renient avant de triompher glorieusement pour l'éternité.
Après la moitié du roman environ, Sandremonde enfile les clichées comme des perles et la lecture devient de plus en plus pénible malgré le monde initialement prometteur déployé par l'auteur. Oubliez les Chapelles et le système de magie, oubliez les Melankins et leur rapport à la Terre, tout devient manichéen dans la suite de Sandremonde avec une Église très méchante et des gentils très…gentils.

De l'art de la narration
Mais qu'à cela ne tienne, si Sandremonde propose une quête héroïque balisée, peut-être propose-t-il, comme nombre de romans, des éléments capables de sublimer cette banalité apparente ?
En réalité, non. Jean-Luc Deparis oublie de caractériser comme il faut ses personnages en cours de route si bien qu'on n'en retient aucun une fois le roman refermé…si ce n'est Elyz-Ana, justement, qui souffre d'un problème courant dans les récits de fantasy habituels : elle n'est pas tant un personnage qu'un personnage-objet, le prétexte d'une quête dont le parcours est cousu du fil blanc de la destinée, favorisée par les Dieux et toujours sauvée in extremis ou presque.
Donc, aucun suspense, aucun enjeu et surtout aucune empathie pour une héroïne qui n'est à l'arrivée qu'un outil. Et c'est bien dommage car il y avait certainement matière à faire mieux. Jean-Luc Deparis aurait pu surpasser son cliché d'enfant-destin par une profonde réflexion introspective sur son héros comme Syffe dans L'Enfant de Poussière de Patrick K. Dewdney ou par une complexité de l'univers et la multiplicité des sous-intrigues comme dans le Trône de Fer de George R.R. Martin. Mais non, rien n'y fait, et le dernier tiers de l'histoire se concentre sur un McGuffin facile avec le Golmédian et sa quête.
Pire encore, Sandremonde souffre de problèmes narratifs évidents.
Dès que Elyz-Ana récupère le livre sacré, le Kalath-Ka, elle commence à débiter de façon sempiternelle des passages dudit livre, confirmant non seulement son statut de personnage-objet mais imposant des passages régulièrement pompeux et répétitifs au lecteur qui en finit harasser.
Jean-Luc Deparis fait d'ailleurs la même chose avec la langue des Saudahyds. À chaque fois que des Saudahyds commencent un dialogue, pour bien montrer qu'ils ne parlent pas la même langue que les autres, l'auteur débute par des mots-charabia qui n'ont d'autre intérêt que de faire exotiques et barbares à la fois. Ce procédé ultra-répétitif finit d'achever un récit incapable de trouver un véritable antagoniste face à cet enfant providentiel qui n'est jamais réellement mise en danger une fois le tiers du roman dépassé et les mécanismes de l'histoire compris par le lecteur.
Que reste-t-il alors à Sandremonde ? Principalement des trouvailles esthétiques avec les cités en ruines du Den-Auroch et les Dieux endormis qui y sommeillent tel ce Dieu-Crapaud faucheur d'âmes rencontré par Elyz-Ana au détour d'un songe. Malheureusement, toute l'histoire s'enlise tellement dans un prêchi-prêcha sur le sacrifice et la force du destin que l'on se noie totalement et jusqu'à la dernière page, cela malgré l'indéniable talent d'écriture de Jean-Luc Deparis qui ne suffit pas.

Le pari était audacieux, le début prometteur mais force est de constater que Sandremonde s'écroule à mi-chemin. Gangrené par les clichés de la fantasy, étouffé par des effets narratifs et stylistiques répétés ad nauseam et dépourvu de personnages poignants et/ou charismatiques, le premier roman de Jean-Luc Deparis rate son objectif. Que Gwendhel ait pitié.
Lien : https://justaword.fr/sandrem..
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J'ai été déçue par Sandremonde, dont le titre et la quatrième de couverture me donnaient pourtant envie. Je ne dirais pas que j'ai détesté : je suis allée jusqu'au bout de ma lecture, car j'avais malgré tout envie de savoir la fin (j'abandonne très peu de lectures) mais je dois avouer que j'ai survolé ladite fin. Pour la dévorer, il aurait fallu que j'adhère davantage au début.

L'on croise des personnages intéressants dans Sandremonde ; pourtant, en tant que lectrice, je n'ai pas eu le temps de m'attacher à eux - il faut dire que l'histoire est assez elliptique et que l'on traverse par ailleurs des lieux divers qui s'enchaînent (notamment les 250 premières pages). J'avais l'impression que le narrateur énonçait des faits de façon très détachée. J'aurais aimé être bousculée. Certains épisodes s'y prêtaient bien, comme lorsqu'Elyz-Ana, l'héroïne, est poursuivie et son fief d'accueil anéanti.

Je me suis encore moins attachée à cette héroïne dont le surnom "l'Ombre" semble la définir ; pour moi, ce n'était qu'un sobriquet car on ne sait pas vraiment comment elle l'est devenue. Tout un pan de sa vie est passé sous silence. Dommage : ce nom semblait porteur de sens mais à la façon dont il est imposé, il sonne creux. Remarquez, c'est cohérent avec ce qu'elle dégage : Elyz-Ana parle assez peu ; les dialogues mettent peu sa personnalité en valeur car ils (elle?) incarnent voire récitent le Livre du Kalath-Kal. En outre elle exprime très peu d'émotions et manque de profondeur, à l'instar de sa relation avec Kün-Sudul, sortie de nulle part : je n'en ai pas vu l'intérêt.

Le manque d'émotion et de complexité des personnages est aussi à l'origine de mon manque d'intérêt pour la mythologie de Sandremonde, car celle-ci existe surtout à travers les personnages. Par ailleurs, Elyz-Ana est évidemment l'enfant-destin, qui comme par hasard (c'est le destin, tu vois) possède depuis perpette une arme nommée Miséricorde dont elle ne se sépare jamais. Celle-ci s'avère - surprise ! - une sorte d'objet sacré dont elle a besoin dans sa quête. ... Dans un autre contexte, si l'auteur avait développé ce lien particulier avec Miséricorde, cela aurait été significatif. Or dire que ce lien existe ne suffit pas. En l'état, on dirait juste une mauvaise coïncidence bien pratique.

J'ai apprécié certains passages, notamment la beauté de certains paysages, l'existence de l'Inframonde ou du Pays de l'Eté (Emain-Ablach qui me rappelle singulièrement l'au-delà égyptien). L'univers de Sandremonde n'est, finalement, pas exploité à sa juste valeur. Je pense que j'aurais davantage aimé l'histoire si j'avais eu le temps de m'attacher aux personnages. Pour cela, il aurait fallu que Jean-Luc Deparis se montre moins elliptique, prenne le temps de réellement donner corps à l'Ombre.
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