Le haut, le bas, murmure Rose en suivant d’un doigt le mouvement naturel des cheveux de sa fille qui s’enroulent hypnotiquement. Comment savoir? A droite, à gauche? Où aller? Car tout n’est qu’un cercle. Et toujours, celle qui m’abandonne, me sauve, ma mère d’abord, puis Zelada, et Louise enfin.
Voilà ce qui arrive. On pousse une porte et, le lendemain, vos cheveux sont emportés, et avec vos cheveux, c'est tout le passé qui s'en va, votre nom, votre identité. C'est une naissance, et c'est joyeux, comme se doivent d'être les naissances, mais c'est douloureux et triste, comme elles le sont en vérité, la plupart du temps.
Elle avait la sensation d'avoir vécu son enfance dans un nuage d'ouate, à l'abri de sa propre rêverie qui se dressait comme un écran, ou plutôt fabriquait une cloche opaque et protectrice la séparant du monde et de ses contingences.
C'était ainsi qu'elle avait toujours voyagé, songeait-elle, sans regarder vers l'avenir qui se précipitait sur vous comme une bête sauvage, mais plutôt tournée calmement vers le passé dont on parvenait à retenir certaines bribes tandis qu'il défilait à l'envers, jusqu'au néant. Se souvenir quel luxe.
(page 320)
Elle savait que le ménage, le vrai, commence toujours par un renouvellement de l'air. L'air se souvient et ce qu'on lave, quand on lave vraiment, c'est la mémoire.
]e sais qu'à vous, je peux faire confiance, car vous n' attendez rien de moi.
Vous n' attendez rien de personne.
À force, c'est comme si vous n'étiez plus tout à fait humain.
Vous persistez comme une branche persiste au bout d'une autre branche.
P157
La honte de l'endeuillée était plus poignante que ses larmes.
P135
C'était peut-être cela, la solitude : vivre les choses sans pouvoir les raconter. Et si on ne les racontait pas, existaient-elles vraiment?
Les instants parfaits, il valait mieux les rêver. car ainsi on ne les perdait pas.
(page 191)
C'était peut-être cela, la solitude : vivre les choses sans pouvoir les raconter. Et si on ne les racontait pas, existaient-elles vraiment ?