Citations sur Ce coeur changeant (52)
Le reste du temps, elle gardait une distance qu'elle aurait voulu ironique (car elle ne manquait pas de goût), mais qui n'était que vide (car elle manquait de coeur)
Au salon... J'ai été rebutée par votre laideur, je ne suis pas habituée. Mais maintenant, vous me plaisez tout à fait. Votre museau, car, vous le savez sans doute, vous ressemblez à une musaraigne ; cela ne peut pas vous vexer, c'est un constat. Votre museau est tout différent à présent que je vous connais, à présent que nous nous sommes parlé. Vous avez ce qu'on appelle un physique ingrat, c'est à dire une physionomie qui ne vous rend pas justice.
Elle se souvint alors du dioula, de l'anglais, ces langues qu'elle avait apprises sans le faire exprès en se contentant de les laisser pénétrer dans son oreille. Les mots clandestins, les mots étrangers passaient et repassaient dans la conversation et, à force, on les reconnaissait, ils n'étaient plus étrangers et si clandestins, parfois ils apparaissaient légèrement modifiés à la faveur d'une conjugaison, d'un pluriel, mais ne pas les identifier aurait été comme ignorer son voisin sous prétexte que la veille il paradait col ouvert, alors qu'il vous saluait, ce jour, le cou orné d'un papillon.
- Comme cela te va mal, fit Dora attendrie. Les roses sont des fleurs épaisses, trafiquées, domestiquées, d'une complexité inutile. Elles sont si bêtes avec leur grosse tête de bourgeoise au bout d'une tige en bois."
Rose n'osait rien répondre. Elle avait toujours aimé son prénom et ce qu'il désignait. Elle se pâmait, enfant, le nez plongé dans les corolles. Elle sut pourtant, à cet instant, que plus jamais elle ne goûterait ce parfum et que son nom lui pèserait dorénavant sur les épaules comme une pelisse ingrate.
Nadar, avait répété mentalement l'enfant Rose, sous son béguin. Le cheval avait crotté au même instant et le parfum délicieux de la déjection s'était ainsi et pour toujours mêlé au pseudonyme de Gaspard-Félix Tournachon.
Avant, par exemple, je ne parlais jamais. Aucun mot ne venait.
]e croyais que c'était par ce que j'étais stupide, mais non.
C'était parce que j'étais vivante.
La parole est arrivée pour accompagner cette pénible et longue recherche, la recherche de ce qui a disparu, un peu comme si j'avais développé des pinces, deux grandes pinces de crabe.
P206
Vous semblez rassasiée et lointaine. Est-ce une sagesse infinie que je lis en vous, ou une détresse sans limites ?
Vos yeux me regardent et pourtant, ils paraissent voir beaucoup plus loin, fixés sur un horizon dont je n'ai pas idée.
P 157
Marie
Vous y dansiez petite fille
Y danserez-vous mère-grand
C'est la maclotte qui sautille
Toute les cloches sonneront
Quand donc reviendrez-vous Marie
Les masques sont silencieux
Et la musique est si lointaine
Qu'elle semble venir des cieux
Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine
Et mon mal est délicieux
Les brebis s'en vont dans la neige
Flocons de laine et ceux d'argent
Des soldats passent et que n'ai-je
Un cœur à moi ce cœur changeant
Changeant et puis encor que sais-je
Sais-je où s'en iront tes cheveux
Crépus comme mer qui moutonne
Sais-je où s'en iront tes cheveux
Et tes mains feuilles de l'automne
Que jonchent aussi nos aveux
Je passais au bord de la Seine
Un livre ancien sous le bras
Le fleuve est pareil à ma peine
Il s'écoule et ne tarit pas
Quand donc finira la semaine
L'Intégrale du poème sublime de Guillaume Apollinaire
Elle avait appris à suivre son amante comme l'eau d'une rivière suit son lit, avec la même constance, la même détermination.
La curiosité qu'elle avait pour le corps était plus puissante que son dégoût.