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Citations sur L'éternel fiancé (74)

Que lui répondaient ses parents quand elle se plaignait de l'ennui, ou qu'elle était d'humeur maussade à cause d'un chagrin d'amour ? Ils ne lui disaient pas : « On te comprend, ma fille, on est passés par là, nous aussi », ou bien : « Nous t'avons pris rendez-vous chez le meilleur psychologue du quartier. » Ils ne disaient rien. Et, d'ailleurs, ma mère ne se plaignait pas. Elle songeait que ses parents avaient vécu l'exil, la misère et la guerre - et elle ? Rien.
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Dans la vie, tu dois te taper chaque seconde. Il n’y a pas d’ellipse qui t’amène deux heures, une semaine ou cinq ans plus tard. Quand ta femme est morte, elle continue d’être morte la seconde d’après et celle d’encore après. Tu regardes la pendule et les aiguilles n’ont pas avancé. Elle est toujours morte et toi, tu éprouves toujours le même déchirement, la même quantité de chagrin. Les gens te disent que le temps fera son travail. Très bien. Mais le temps est si lent.
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Je suis tombée amoureuse d'Henri, a-t-elle annoncé, la casserole toujours en main, en s’adressant à mon père, le front plus lumineux que jamais.
— Qui c'est ça, Henri ? a demandé mon père.
— Le docteur Taïeb.
— Henri Taïeb, le dentiste ?
— Oui, a dit ma mère.
— Tu es indécente, a dit mon père.
— Oui», a dit ma mère, et elle a laissé tomber la casserole vide sur le carrelage.
C'est le son qu'a produit leur séparation.

Tout le bruit qu’il y a eu par la suite n'avait rien à voir avec notre histoire, avec notre famille. Notre maison, celle où nous avions grandi, est restée silencieuse. Mes parents ne se sont pas expliqués davantage. Il n’y a eu ni hurlements ni insultes. Le soir même, après avoir préparé une omelette trop cuite pour son mari et ses enfants, ma mère a fait sa valise et elle est partie. Elle nous a embrassées, Dora et moi, et nous a dit : «Ne vous inquiétez pas, on va se revoir très vite.» Il y avait une telle joie dans ses pleurs — car elle pleurait en nous serrant contre elle — que nous avons été conquises, ma sœur et moi. Conquises et horrifiées.
Tous les enfants pensent que leur mère ne changera jamais. Elle sera toujours jeune et belle (même quand elle est ingrate et déjà plus si jeune à leur naissance). Petit, on croit à la pérennité des mères comme on se fie au lever quotidien du soleil. Nous comptons sur nos mamans pour survivre à tout, demeurer intactes, inépuisables. Notre mère, à Lise, Dora et moi, a complètement changé quand elle a quitté la maison. Je ne pense pas qu’elle soit un cas unique. D’autres femmes subissent des métamorphoses au cours de leur vie. Celle accomplie par ma mère a simplement été magistrale.
L'homme que je n’ai appelé Henri que cinq ans après la séparation de mes parents avait commencé par être son dentiste avant de devenir son patron, puis son mari. J’ignore s’il était déjà amoureux d’elle quand il lui soignait les dents. Je suppose que oui. Ma mère était une beauté. S’approcher d’elle, que l’on fût homme, femme ou enfant, provoquait une sorte d'irradiation. Je l'ai constaté souvent et toujours avec fierté. Il n’y avait pas de raison pour que le Dr Taïeb ne succombe pas. Ce qui est plus mystérieux, c’est la passion que ma mère a déclarée pour cet homme. p. 70-71-72
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Avant d'entrer au collège, je n'avais jamais eu envie d'être comme tout le monde. Je désirais l'amour de mes parents, la compagnie de mes soeurs, la chaleur rassurante du foyer. (...)
Nous étions le monde et mon regard demeurait comme myope au reste de l'univers. (p. 18)
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Dans la boutique de l'horloger

-Vos bagues sont horribles, lançai-je sans l'avoir prémédité, regrettant aussitôt cette attaque.
-Les gens préfèrent, m'apprit-il.
-Les gens préfèrent quand c'est laid.
-Tous les gens ? De tout temps ?
-Non, peut-être pas. Mais la plupart.
-Et pourquoi, selon vous ?
-Parce que la beauté est effrayante. La beauté est cruelle. Elle vous découpe un coeur en morceaux.
-Alors une belle bague, selon vous, ça brise un coeur ? m'étonnai-je, amusée, et inquiète aussi, parce que depuis que j'étais entrée dans cette boutique, j'avais l'impression d'être en conversation avec le diable. (p. 228)
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On se méprend quand on juge mineures les passions de jeunesse, ces incendies précoces. Certains cœurs sortent calcinés de l'enfance. Personne n'en porte le deuil. On sourit face aux cendres.
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Mon père se pliait à son jugement, lui qui ne se pliait à rien, pas même à l’horaire d’un train.
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Je pense à ma mère quand j'avais dix ans, puis douze, puis quatorze. C'était toujours la même. Ses journées se suivaient, identiques, et pour moi, c'était comme si, toutes ces années, elle n'avait fait que marcher en sens inverse d'un tapis roulant. Son présent devait durer toujours. Et voilà qu'elle était morte.
(p. 201)
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Quand j’étais petite, tout en sachant que je finirais par grandir et avoir ma propre famille, ou du moins ma propre maison, je n’imaginais pas ma vie sans mes parents ni mes sœurs. Cela m’aurait paru aussi incongru que d’envisager mon avenir sans mes pieds ou sans mes mains. Ils faisaient partie de moi. Nous étions là, ensemble, pour toujours. Et même s’il était clair pour chacun que le temps passait – mon père et ma mère, je le voyais bien, ne vivaient pas avec leurs propres parents –, ce que nous formions tous les cinq avait quelque chose d’éternel.
Quand ma mère est partie, j’ai pensé : Comment peut-elle partir puisque nous sommes ensemble pour toujours ?
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(Avant le mariage) « Est-ce que tu vas changer de nom ? me demande Yves en m'enlaçant, après qu'il a couché Matteo et Nelly. Est-ce que tu vas t'appeler comme moi ? Comme si on était frère et sœur ? Est-ce que tu vas dire « Bonjour, c'est madame Yves Deschênes à l'appareil » quand tu téléphoneras ? Comme si tu étais moi en fille ?
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