Citations sur L'une & l'autre (12)
(...) les femmes qui ont choisi le verbe (les mots, les phrases) pour manière de vivre (...) reconnaissent-elles qu'elles doivent à leurs aînées; combien leur a ouvert la voie telle ou telle auteur qu'elles ont découverte à un moment clef de leur existence, les autorisant à écrire et publier à leur tour. Les autorisant aussi à s'accepter comme telles, femme écrivant et écrivain à plein temps.
"Ce sont des femmes comme toi qui m'ont donné la force, toujours renouvelée de voler", écrit Lorette Nobécourt en s'adressant à Marina Tsvetaeva. Alors ces anciennes semblent être autant des modèles littéraires que des modèles de vie; en somme des maîtres emblématiques qui, une fois lues, ont laissé une empreinte indélébile.[ préface de isabelle Lortholary, p.8]
Ecrire pour faire souffrir le diable ? cela pourrait être, en effet- et cela me convient- une définition possible de la littérature. (p. 267)
Cristina Campo (1923-1977) par Cécile Guilbert
Une fête du cœur qui étreint tout autant la littérature que la peinture, l'architecture que l'art des tapis, mais aussi la liturgie qui "comme la poésie est splendeur gratuite, gaspillage délicat, plus nécessaire que l'utile"- quoique chez Campo tout soit liturgique car tout -sanctifié- (p. 244)
Cristina Campo (1923-1977) par Cécile Guilbert
Car à qui est spirituellement affamé, lire des livres et en écrire ne suffit pas, ne suffira jamais. Il est tout aussi vital d'en susciter, d'en traduire, d'en faire publier, d'en conseiller, d'en rendre compte, d'en parler autour de soi. (p. 260)
Cristina Campo (1923-1977) par Cécile Guilbert
Ces livres sont ceux qu'elle nomme "the lovely kinsmen of the shelf" (" les chevaliers invaincus du rayonnage"), avec lesquels elle ne cessa jamais de dialoguer: John Donne, Hoffmannsthal, William Carlos Williams, Katherine Mansfield, Simone Weil, Emily Dickinson, Gottfried Benn. Serrés dans une petite table de chevet comme des talismans, toujours à portée de la main, ces élus ne possèdent-t-ils pas l'éternelle fraîcheur vivace qui n'anime guère tant d'êtres prétendument vivants ? (p.259)
Cristina Campo (1923-1977) par Cécile Guilbert
"Pour savoir écrire il faut avoir lu, et pour savoir lire, il faut savoir vivre" Guy Debord
Cristina Campo (1923-1977) par Cécile Guilbert
(...) elle apprend à déchiffrer le motif caché du tapis, sa métaphore favorite pour désigner le destin, et notamment le sien: une petite fille handicapée par un coeur malade qui comprend vite que l'infortune se transmute en bonne fortune et la malédiction en élection puisque toute épreuve peut être transformée en chemin initiatique. (p. 253)
Cristina Campo (1923-1977) par Cécile Guilbert
"Un poète qui prêterait à toute chose visible ou invisible une égale attention,pareil à l'entomologiste qui s'ingénie à formuler avec précision le bleu inexprimable d'une aile de libellule, ce poète-là serait le poète absolu" . Contempler attentivement l'immédiat équivaut alors à ressembler au fou, au saint, à l'idiot du village extasié devant ce qui l'a initialement ébloui. (p. 247)
Cristina Campo (1923-1977) par Cécile Guilbert
(...) c'est l'un de ces "livres foudre" dont le gai savoir vous aide à renaître et à vous sauver. Un de ces volumes enchanteurs auquel s'applique l'étonnante définition que son auteur confère elle-même à l'excellence : "Un des rares objets en compagnie duquel (selon une définition fameuse du grand art) on pourrait rester en prison pendant des années sans devenir fou." ( p. 243)
Au rebours d'une conception de la liberté envisagée par l'individu moderne comme l'infinité de ses possibilités d'être et d'agir dans un monde accueillant tout et n'importe quoi, à ce tourbillon, à ce vertige, Campo oppose la nécessité de savoir reconnaître son chemin de vie, sa vocation "Pour chaque homme en son périple, écrit-elle, il existe un thème, une mélodie qui est sienne et n'est destinée à nul autre, qui le cherche depuis sa naissance, depuis l'aurore avant les siècles..." Discerner le son de cette flûte, toujours subtil, couvert par le brouhaha des voix mondaines et le vacarme social n'implique que de se rendre attentif à ce qui murmure depuis notre naissance à l'oreille de notre désir, nous appelle, revient en signes, mystères, prémonitions, appels, énoncés de figures secrètes -"annonciations voilées" dit-elle que nous devons apprendre à décrypter, désignant alors rien moins que ce qui nous est originel, et donc destinal. p254