Citations sur Le cycle de Syffe, tome 1 : L'enfant de poussière (143)
Comme tous les petits enfants, je rêvais stupidement d'aventures et de gloire et je m'imaginais que ce que le Var grisonnant me proposait c'était l'incarnation tangible de ces mêmes rêves stupides. je me voyais déjà grand et altier, vêtu d'une armure sur un destrier scintillant. La réalité était tout autre, bien sûr, et durant les heures qui suivirent, Uldrick tenta de me faire comprendre ce qu'était la guerre, la terreur, la boucherie et les hurlements. Si ces récits morbides tempérèrent quelque peu mon enthousiasme initial, je m’accrochai malgré tout à mon idée.
L'homme sage est capable de discerner les nuances entre ce qu'il sait et ce qu'il croit, parce que la croyance est la plus dangereuse des ignorances.
Pour illustrer ses propos, Uldrick me parlait souvent des guerres carmides et du rôle majeur que les guerriers-var avaient joué dans les invasions du roi Bai, en tant que guerriers mais surtout en tant que conseillers. Si le service sanglant des vaïdrogans était tant courtisé par les seigneurs des primautés de Brune, cela tenait autant à leur savoir qu’à leur savoir-faire. De jour, pourtant, nous écartions la majeure partie du conceptuel pour nous consacrer à la pratique. « Tu as le temps d’apprendre la théorie », disait souvent Uldrick avec un rictus féroce. « La théorie, c’est comme la flotte. Ça te sert à rien si quelqu’un t’a troué le pot. »
p.405
La souffrance n'est pas l'amie du guerrier-var. La mort qu'il donne est propre et rapide.
L'homme sage est capable de discerner les nuances entre ce qu'il sait et ce qu'il croit, parce que la croyance est la plus dangereuse des ignorances.
Au moment où le second coup de Uldrick portait avec un craquement révulsant, le jeune homme au physique de belette, les yeux exorbités par la peur, essaya de m’embrocher en plein milieu.
Je remercie Uldrick de m’avoir monté à quoi ressemble un tueur ordinaire, soldat ou coupe-jarret, ou égorgeur d’enfants. Cela m’a permis de saisir que, derrière les massacres et les rapines et les viols, derrière les pires horreurs que le monde peut contenir, il n’y a ni mal, ni démons, ni mauvais sorts, mais seulement la folie d’hommes désespérés, dont la peur a fait des monstres.
p.392
Lorsque d'une erreur mathématique résulte un ventre vide, on apprend généralement très vite.
La veuve était seule, misérablement seule, mais je crois qu'elle préférait la solitude aux commisérations de ses semblables.
Si les dieux existent et qu’ils sont ce que les hommes en disent, j’aurais dû mourir aujourd’hui. Alors, soit les dieux ne sont pas ce que les hommes en disent, soit ils n’existent pas du tout. La seule sagesse qui peut exister ici, c’est de dire que nous ne savons pas. Les premiers-penseurs dont je te parlais plus tôt l’avaient compris. Nous appelons leur philosophie la Pradekke, et c’est le ciment du pays var tel qu’il existe aujourd’hui. La Pradekke, c’est la différence entre le savoir et la croyance. Croire que l’on sait est ignorant. Savoir que l’on croit ne l’est pas. L’homme sage est capable de discerner les nuances entre ce qu’il sait et ce qu’il croit, parce que la croyance est la plus dangereuse des ignorances.